
Qui veut réussir en Chine doit s'armer d'une bonne dose de patience, d'humilité et de sang froid. Et remiser tout de suite au placard les fantasmes d'une Chine usine du monde aux portes grandes ouvertes aux investisseurs de tous pays. Il est aussi indispensable de ne se faire aucune illusion sur les intentions de son partenaire chinois : il veut au moins 51% de l'affaire.
A partir de là, l'endurance du chef d'entreprise français est mise à rude épreuve : c'est un travail de fourmi qui commence, fait de cérémonials, de jeux de rôles, de subtils rapports de force et d'heures interminables qui s'égrènent au bureau, au restaurant, ou en boîte de nuit.
Deux ou trois ans de phase préliminaire
Oubliés les rêves de Chine, place au réalisme, ou l'échec promet d'être cuisant. "La notion d'eldorado chinois aveugle un peu les entreprises. Le marché chinois est très complexe d'un point de vue culturel. Lorsque vous arrivez en Chine, vous êtes aveugles, muets et sourds", constate Isabelle Fernandez, directrice d'Ubifrance Chine.
Car il ne suffit pas, comme en France, d'une poignée de réunions pour signer en bas du contrat : il faut d'abord s'attendre à deux ou trois années de phase préliminaire pour tisser du lien, susciter l'empathie, feindre l'amitié.
"C'est pour cela que le marché chinois n'est pas accessible aux PME. L'investissement dans la phase préliminaire s'élève au minimum entre 300.000 et 400.000 euros par an", remarque Peer de Jong, enseignant associé à l'Ecole de guerre économique et conseiller de la société Asia Now Holdings.
Intégrer certains codes culturels est un passage obligé, car les Chinois n'hésitent pas une seconde à jouer avec les nôtres. Par exemple, Noël approche : les Chinois savent très bien que les Français souhaitent rentrer chez eux pour célébrer les fêtes et font souvent durer les discussions à dessein.
Le cérémonial des cartes de visite
Les présentations doivent se faire dans les règles de l'art. Les échanges de cartes de visite s'apparentent à un véritable cérémonial. "Le premier contact est déjà un enfer. La complexité est immédiate", remarque Peer de Jong.
Si les Français sont habitués à distribuer leurs cartes de visite en préambule à chaque interlocuteur, il n'en est pas de même pour les Chinois. Avant de présenter sa carte, mieux vaut d'abord s'assurer de qui est qui, afin de l'offrir, dans un premier temps, à son égal et à supérieur. Il pourrait ainsi être mal interprété de donner sa carte à un technicien avant de la faire connaître au chef d'entreprise ou au membre du Parti présent. La fonction exacte doit donc être facilement identifiable sur les cartes françaises.
Les Chinois sont également très attentifs à la sonorité du nom, qui peut présager ou non de bonnes affaires. Quant aux cartes de visite chinoises, le grain du papier ou la qualité de l'encre utilisés placent immédiatement la personne dans une échelle hiérarchique.
Des négociations burlesques
Les rounds de négociations et de rencontres peuvent donner lieu à des situations baroques. En effet, il n'y a pas un seul traducteur interprète présent autour de la table, mais quasiment un par interlocuteur...
"La valeur du nombre est importante. Les Chinois établissent un rapport de force, ni physique, ni agressif, mais dans lequel on se sent perdu. Il existe aussi un système vertical, confucéen, dans lequel nous n'avons pas de place", constate Peer de Jong.
Il est également indispensable de se déplacer avec les personnes qui connaissent techniquement le dossier, car les Chinois ne manquent pas d'interroger leurs partenaires sur des points de détail.
Des jeux de rôles peuvent aussi s'installer du côté chinois : ainsi, après plusieurs années de discussions, les Français peuvent s'apercevoir que le chef de l'entreprise chinoise était toujours présent sans qu'ils ne l'aient jamais identifié comme tel.
La présence du Parti
"Il faut aussi intégrer le fait qu'un Chinois n'est pas interactif. Il ne faut jamais le couper dans une phrase. Cette relation verbale est déterminante. L'inconvénient est évidemment la lenteur des échanges, mais l'avantage, c'est que vous avez le temps de réfléchir à ce que vous allez dire", ajoute Peer de Jong.
De plus, il faut s'accommoder de la présence d'un membre du Parti communiste, qui est inévitable lors des discussions les plus importantes. Le documentaire A la poursuite de Madame Li (magazine Strip-Tease, France 3) est à ce sujet édifiant, voire drôle, s'il ne s'agissait pas de relations d'affaires. Deux chefs d'entreprise français, qui ont bâti avec Madame Li une société de production viticole, "Les champs d'or", s'étonnent de la présence autour de la table d'une interprète qui ne comprend pas (ou ne veut pas comprendre) l'anglais et biaise les discussions. Elle s'avérera finalement être la femme d'un dignitaire du Parti communiste.
Cadeaux d'affaires : tout un symbole
De la même manière, les deux Français de l'émission s'étonnent du peu de cas que font leurs interlocuteurs des cadeaux distribués. Mais il faut savoir que les Chinois n'ouvrent jamais de cadeaux devant celui qui les leur offre, pour ne pas montrer leur éventuel déplaisir.
La règle en la matière est la suivante : peu importe le cadeau, pourvu qu'il y en ait un. C'est un symbole, qui marque la déférence. Avis donc à ceux qui auraient l'intention de venir les mains vides...
Certains présents sont néanmoins à proscrire. "Un cadeau s'offre toujours enveloppé dans du rouge, qui représente la chance, le rose ou le jaune, couleurs de la prospérité et de l'abondance pour l'hôte mais surtout pas entouré de blanc, ou de gris, ou de noir, couleurs de deuil ! A éviter : les horloges ou les montres, car cela signifient pour les Chinois l'avancée de l'heure de leur mort ! Les fleurs coupées aussi, évitez de faire cette erreur, les fleurs sont un présent apprécié en France, en Chine cela symbolise les funérailles, de même que les couteaux, symbole de lutte et aussi de division, donc mauvais présage pour l'amitié", est-il expliqué sur le portail des Francophones de Shangaï.
L'importance d'être constant
Lorsque certains codes sont maîtrisés, il est possible d'en jouer : "Etre toujours d'humeur égale suscitera chez eux l'angoisse, l'inquiétude. Et sans jamais en parler à votre partenaire, il est possible de créer une concurrence intra-chinoise, dont il aura par ailleurs toujours connaissance", explique Peer de Jong.
Au final, la conception de la réussite en affaires est bien différente : les Français estiment avoir gagné lorsqu'ils obtiennent 100% ou une part très majoritaire de l'affaire, les Chinois sortent victorieux avec 51%. "Il faut savoir quels 49% il faut être prêt à laisser. Et si l'on sait ce que l'on veut protéger et ce que l'on ne cèdera jamais, il faut toujours y penser, mais ne jamais en parler. Lorsque l'on va en Chine, on va forcément lâcher quelque chose. C'est un jeu à somme nulle, il faut se le dire", affirme Peer de Jong. Ce dernier estime que sur 100 entreprises qui souhaitent faire des affaires en Chine, 10 s'installent et une seule réussit.
"Une humiliation de retard"
Consciemment ou non, la teneur et la tenue des relations d'affaires entre la France et la Chine ont un goût amer de revanche. "Les Chinois ont un compte à régler avec les Européens. Avec nous, rien n'est réglé. Ils ont une humiliation de retard et trouvent une manière de rattraper ce retard par les relations commerciales", déclare Peer de Jong.
Les "Traités inégaux" signés à la fin de la première (1842) et de la seconde guerre de l'opium (1860), étaient favorables aux Anglais et aux Français. Ils ont en effet requis de lourdes indemnités en faveur du Royaume-Uni et de la France, instauré la cession de différents ports comme celui de Hong Kong et la réquisition de main-d'?uvre chinoise à l'étranger, mais aussi obligé la Chine à s'ouvrir au commerce international.
Quant à la mise à sac du Palais d'été, en 1860, puis une deuxième fois en 1900 pendant la révolte des Boxers, il est encore dans toutes les têtes chinoises. Victor Hugo, dans sa lettre au capitaine Butler en 1861, condamnera d'ailleurs cet acte de vandalisme. "L'un des deux vainqueurs a empli ses poches, ce que voyant, l'autre a empli ses coffres et l'on est revenu en Europe, bras dessus, bras dessous, en riant. Devant l'histoire, l'un des deux bandits s'appellera la France, l'autre s'appellera l'Angleterre. [...] J'espère qu'un jour viendra où la France délivrée et nettoyée, renverra ce butin à la Chine spoliée", écrit-il. Aujourd'hui en tous cas, la Chine nous le rend bien...
monde et 7 % en Europe.La c'est le signe que on est plus capable de vendre quelque
chose,meme de l'excellence.
Bien sûr le fournisseur n'a pas été payé intégralement, mais la perte a été sèche pour le commanditaire-importateur, nous-même.
Donc quoiqu'on en dise, il est très difficile de maîtriser complètement cet aspect; il faut donc multiplier les contrôles, et admettre de parfois perdre.
Les recours juridiques sont aussi sinécures, on pourra bien se douter toutefois qu'ils pourraient aboutir si l'on paie, très chers, les frais d'experts et d'avocats sur place.
Pour la lettre d'intention, nous ne l'avons jamais utilisée; en fait les usines chinoises sont maintenant sensibles à ce qui est écrit sur les bons de commande; elles essaient dans leur grand nombre d'en respecter les termes; donc c'est dans la négociation précédente qu'il faut bien se mettre d'accord.
Cependant et de nouveau pas trop de blablas, mais du pragmatisme, le respect des paiements d'une part et de la production d'autre part, et tout cela ouvre la porte à de très bonnes relations d'affaires ensuite.
Etre très bien préparé sinon ne pas y aller. Je vois trop de "cadavres de projets" de PME en Chine.
Enfin et surtout avoir signé une belle Lettre d'Intention (LOI) sachant que les chinois ne donnent qu'une valeur relative au contrat qui est une photo à un instant donné d'un négociation en cours! Good luck
Par exemple la prospection de fournisseurs dans les salons passe bien par des échanges de cartes de visite, mais c'est essentiellement pour gagner du temps; regardez toutes les infos qui figurent sur les cartes des Chinois par comparaison aux nôtres souvent pauvres.
Bien sûr les entreprises chinoises demandent de connaître à qui elles ont à faire... des références sont indispensables pour intéresser les meilleures d'entre elles.
Ensuite dès que l'intéret commun de passer commande se pointe, le reste est expéditif; les échantillons de référence sont dans les jours qui viennent à votre hôtel, la réunion suit, la visite d'usine aussi... et les commandes sont signées.
Et je parle de commandes tournant souvent entre 10000 et 50000 dollars.
En fait ce qui caractérise les affaires en Chine, c'est l'efficacité et le pragmatisme; il faut aussi savoir que les usines chinoises sont devenues ces dernières années plus sélectives en matière de clients; elles peuvent faire la fine bouche: leurs produits sont maintenant de haute qualité ...et tout le monde les recherche!
C'est ensuite le long et ardu chemin du suivi de production... là une structure sur place est quasi indispensable... en tout cas c'est mon expérience réaliste de petite entreprise faisant des affaires en Chine, et n'importe quelle PME peut faire la même chose.
ancien zorro n'ont rien appris.Voila le mot juste " naifs et arrogants " c'est le français dans
les affaires.Pas d'anglais,on cherche les bistros,les etoilés michelin,on dort chez sofitel,et
on visite un concert de Johnny...... Je n'ai croisé des centains autour du monde.
La culture varie d'un pays à l'autre, certaines paraissent plus familières que d'autres, mais la relation d'affaire est toujours une relation de force et jamais une amitié.
L'une n'empêche pas l'autre, mais il ne faut certainement jamais les mélanger et ne jamais les confondre.
La chine est plus exotique et plus grande que d'autres pays, mais c'est la même chose qu'avec les USA (les avocats en moins) ou la Russie (la vodka en moins).