La Light Footprint Strategy, un nouveau concept pour l'entreprise

Depuis que Sun Tzu est devenu une référence pour les dirigeants d'entreprises, les concepts stratégiques mis en œuvre par les militaires servent souvent de modèles au monde de l'économie. C'est encore le cas aujourd'hui avec la doctrine chère à Barack Obama dite de « l'empreinte légère »...
Sun Tzu, le mythique général de l'Antiquité chinoise

 Quelle est la base de la pensée militaire des Etats-Unis aujourd'hui ? Elle repose en partie sur une nouvelle vision du monde, élaborée par l'US Army War College qui forme l'élite de l'armée de terre des Etats-Unis dans le domaine de la stratégie et du commandement. Pour les analystes du War College, le monde d'aujourd'hui peut être défini par un acronyme, VICA : V pour Volatilité, I pour Incertitude, C pour Complexité, A pour Ambiguïté. Tous les conflits armés dans lesquels les Etats-Unis ont été engagés récemment sont représentatifs du monde VICA, qu'il s'agisse de l'ex-Yougoslavie, de l'Irak, de l'Afghanistan ou de la Lybie, pour ne prendre que les plus emblématiques.

Cyber-guerre, drones et forces spéciales

De fait, les deux guerres conduites par les Etats-Unis et certains de leurs alliés, en Afghanistan (où l'offensive anglo-américaine débute en octobre 2001) et en Irak (mars 2003-décembre 2011) ont provoqué la plus grande remise en cause de la pensée stratégique américaine depuis probablement la seconde guerre mondiale. Elle a été initiée vers la fin du mandat de Georges Bush et Barack Obama, dès son entrée en fonction, en a encore accentué les lignes de force.
Cette doctrine se développe autour de trois armes principales : les cyber-attaques, les drones et les forces spéciales. C'est la combinaison de ces trois armes qui constitue le socle de la Light Footprint Strategy qu'il n'est même pas utile de traduire en français tant son sens est évident : frapper de façon efficace en laissant le moins d'empreinte possible sur le théâtre d'opération, ne pas immobiliser sur le terrain des forces inutiles et exposées, préserver les vies humaines et l'argent du contribuable sans diminuer la pression sur l'ennemi, utiliser au maximum l'effet de levier de la technologies en restant en tête de la course, jouer de l'effet de surprise et de l'excellence opérationnelle...

Les 7 lois de la Light Footprint Strategy

Quelle source d'inspiration peut trouver un dirigeant d'entreprise dans la Light Footprint Strategy ? Concernant le contexte général dans lequel opèrent les entreprises aujourd'hui, on peut fort bien lui appliquer la grille de lecture VICA : Volatilité maximum (crise financière ininterrompue depuis 2008, remise en cause de la notation des Etats en apparence les plus puissants comme les Etats-Unis ou la plupart des pays de l'Union européenne, soubresauts de l'industrie bancaire...). Incertitude générale sur l'évolution de la conjoncture, la résolution de la crise de l'euro, la façon dont Barack Obama va franchir le « mur de la dette ». Complexité rare du champ dans lequel évoluent les entreprises, liées aux évolutions technologiques, à la sophistication des techniques financières, à la multiplication des acteurs, aux enjeux énergétiques, à la concurrence des pays émergents. Ambiguïté des rapports entre l'entreprise et la société, entre l'entreprise et le monde politique.

Dans ce contexte, la maîtrise de l'information est clé, les systèmes d'information constituent le c?ur de l'entreprise, les concepts de Big Data et de Smart Data s'imposent peu à peu : c'est le terrain de jeu de la cyber guerre, la capacité de disposer de l'information opérationnelle au moment où elle est décisive, mais aussi de protéger son propre « c?ur » des curiosités adverses.

Pour lutter contre la volatilité et l'incertitude, mieux vaut ne pas immobiliser trop de ressources sur le terrain. Les drones sont l'incarnation du fait qu'un investissement bien calibré, sans risque démesuré pour celui qui le met en ?uvre, peut procurer un avantage stratégique supérieur à celui d'un avion de chasse à un coût beaucoup moindre ( le F35 de nouvelle génération va coûter environ 130 millions de dollars pièce, un drone armé de type Reaper en coûte 53 millions...). Quant aux forces spéciales, elles témoignent du fait qu'un petit groupe de femmes et d'hommes décidés, compétents, motivés et solidaires, peut faire mieux qu'une armée toute entière. 

Certes, ce ne sont que des pistes de réflexion, qui doivent être creusées et affinées, mais qui démontrent néanmoins l'intérêt pour l'entreprise d'investir elle aussi dans ce concept de Light Footprint Strategy. Il ne s'agit pas de plaider pour une sorte d'entreprise évanescente, ne laissant aucune trace de son passage. Mais de trouver un modèle plus souple, plus rapide, plus léger, plus en phase avec la période que nous traversons et les évolutions que nous devinons.

Si l'on veut élaborer plus en détail un modèle de Light Footprint Strategy, adapté à l'entreprise, il faut partir de sept éléments de base :

1/ La cyber guerre c'est à dire l'intelligence des réseaux d'informations, l'interprétation des data au sein de modèles prédictifs, la protection du système d'information.

2/ Les drones c'est à dire des investissements ne mettant pas en cause la man?uvrabilité de l'entreprise et calibré de façon à ne pas alourdir l'ensemble de l'organisation. Et conserver l'agilité par le caractère modulaire des éléments du dispositif.

3/ Les forces spéciales, autrement dit des équipes motivées, solidaires et qui savent pourquoi elles se battent. En même temps, la compétence pluridisciplinaire des équipes, leur engagement, leur motivation contribuent largement à l'augmentation de la valeur ajoutée des hommes et femmes qui composent l'entreprise

4/ La centralisation et la décentralisation extrêmes, car ce modèle stratégique et d'organisation suppose une unité forte de commandement ( le Président des Etats-Unis en personne dans la « war room » lors de l'assaut des forces spéciales contre la maison où se cachait Ben Laden...), mais une liberté d'appréciation et de décision laissée aux forces opérationnelles.

5/ Le recours à des forces externes et à des partenaires locaux en appui sur le terrain d'opération, afin de préserver au maximum l'efficacité opérationnelle. Il peut s'agir de la sous- traitance d'une partie des activités, de partenariats avec des acteurs ou entreprises locales.

6/ La culture du secret, sans lequel l'effet de surprise n'est pas possible, ce qui peut provoquer l'échec total de l'opération. Or les entreprises éprouvent souvent des difficultés à mettre en oeuvre des pratiques et des systèmes qui préservent le secret sur leurs intentions.

7/ Assumer les dégâts collatéraux, de la même façon que le Pentagone assume le fait que certaines frappes des drones atteignent par erreur des cibles civiles. Dans le cas de l'entreprise, les formes de dommages collatéraux sont nombreuses, et plutôt que de tenter de les empêcher, il faut les assumer et en les limitant au maximum afin qu'ils soient encore acceptables.

Dans un monde changeant, incertain, complexe et ambigu, lancer une réflexion autour de ces 7 éléments, peut aider à refonder la stratégie de l'entreprise, ou en tout cas l'inciter à se poser à nouveau les bonnes questions....

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Commentaires 2
à écrit le 15/03/2013 à 21:07
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C'est bien écrit et seduisant. Mais méfiez vous de dette approche de Light footprint du point de vue militaire. Notre opération au Mali démonte le modèle....une cyber attaque ou un drone est peu opérant face a un ennemi fanatise retranches dans d...

à écrit le 15/03/2013 à 18:15
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je suis impressionné par la qualité de cet article

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