Faire plus avec moins

Chaque semaine, découvrez les chroniques sur la vie au bureau réalisée par Sophie Peters. Anecdotes, conseils, expériences : pour sourire mais aussi mieux se sentir dans son job.

 

Il y a d'abord eu l'architecture, chef de file du « less is more ». « Moins est plus », maxime favorite du maître du modernisme Mies Van der Rohe. L'écologie nous ressert le minimalisme sur un plateau. Le développement personnel aussi, en nous enjoignant à faire le tri dans nos intérieurs surencombrés. Avec la crise, c'est au tour du management de s'y mettre. Celui-ci s'y entend pour raffiner les concepts, en inventer toujours de nouveaux. Cette fois, les patrons ne disent pas à leurs équipes « moins est mieux », non. Mais « avec moins, on peut faire plus ». Si ! Façon de nier la crise, sa réalité et son cortège de difficultés. Prenez Vincent, brillant cadre chez L'Oréal. Pas question de dire tout net à ses patrons qu'il ne fera pas ses objectifs en décembre. Il va leur annoncer avec le sourire qu'il en réalisera 60 % ! « Ils ne sont pas prêts à ouvrir les yeux. Si on leur dit trop brutalement la vérité, ce sont mes équipes qui prendront », constate le cadre sup.

 

« Les top managers ne bougent plus. Comme on a supprimé leurs déplacements, ils ont le nez sur les tableaux de bord. » François, PDG d'une société de marketing service, sait que ses actionnaires ne lui pardonneraient pas son pessimisme. La crise ? Quelle crise ? Alors, il les rassure : « C'est une récession passagère, notre business n'est pas trop menacé. » Quant à Paul, c'est bien simple : il est prié de rester cloué sur son fauteuil, mais de mener à bien un mégaprojet à l'autre bout de l'Europe. Hier, il a eu une formation sur un nouveau logiciel de réunion à distance par Internet. « Tout est gelé, mais nous affichons les mêmes ambitions », ironise-t-il. C'est décidé : on va tous faire plus avec moins. C'est chouette, non ? Quel défi ! Bon, on va juste mourir d'épuisement, augmenter notre ration d'anxiolytiques et passer encore quelques nuits blanches. La dernière enquête de la Cegos est formelle : moins de la moitié des salariés français se sentent reconnus, soutenus et écoutés. Les conflits individuels et la démotivation sont en forte augmentation. Or n'importe quel psy vous le dira : un individu souffre quand il abrite une pensée qui s'oppose à la réalité telle qu'elle est. Pire : lorsqu'il fait dépendre son bonheur des circonstances extérieures. Conditionner son bien-être à une courbe de croissance, c'est dommage. Certains diront c'est mon job, et je suis payé pour cela. Oui, bien sûr, mais la réalité d'aujourd'hui a un nom : récession économique. Et c'est tout un groupe qui doit en prendre la mesure. Pas un individu isolé. L'essentiel n'est pas ce qui arrive, mais ce qu'un individu fait de ce qu'il lui arrive. Alors, comme Vincent, François, Paul et les autres, faites en sorte de rester bien actif dans la situation. Attention à ne pas développer le syndrome du bouc émissaire « c'est la faute de ». Développez vos capacités de conviction pour ramener votre hiérarchie à la raison. Faites juste avec moins.

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