Carburant : le géant américain du pétrole ExxonMobil réduit la voilure en France

Le géant pétrolier américain ExxonMobil a annoncé ce jeudi une réduction de ses activités à Port-Jérôme (Normandie), qui « devrait entraîner la suppression de 677 emplois », ainsi qu'un projet de vente, via sa filiale Esso France, de la raffinerie de Fos-sur-Mer et de dépôts de carburants dans le sud de la France.
310 salariés travaillant sur ces sites « seraient transférés dans la nouvelle entité Rhône Energies conformément à la réglementation en vigueur », selon Esso France.
310 salariés travaillant sur ces sites « seraient transférés dans la nouvelle entité Rhône Energies conformément à la réglementation en vigueur », selon Esso France. (Crédits : ERIC GAILLARD)

[Article publié le jeudi 11 avril 2024 à 10h08, mis à jour à 18h00] ExxonMobil réduit la voilure en France. Le géant pétrolier américain a annoncé une réduction de ses activités à Port-Jérôme (Normandie), ainsi qu'un projet de vente, via sa filiale Esso France, de la raffinerie de Fos-sur-Mer et de dépôts de carburants dans le sud de la France. Ainsi, la raffinerie de Fos-sur-Mer (Bouches-du-Rhône) et les dépôts de Toulouse et Villette de Vienne (Isère), appartenant à Esso, vont être vendus à Rhône Energies, consortium composé d'Entara et de Trafigura. Dans un communiqué, il a indiqué « avoir débuté ce jour un processus d'information et de consultation des instances représentatives du personnel pour la vente de ses activités de raffinage et de logistique dans le sud de la France ».

Les 310 salariés travaillant sur ces sites seront « transférés dans la nouvelle entité Rhône Energies conformément à la réglementation en vigueur », assure le groupe dans un communiqué. Dans un communiqué distinct, Rhône Energies précise qu'elle « compte maintenir les effectifs actuels » et qu'elle vise également « à conserver un programme compétitif de rémunérations et d'avantages sociaux pour les collaborateurs du site, ainsi que la mise en œuvre d'opportunités de formation continue et de développement des compétences ».

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Une opération finalisée d'ici la fin 2024

L'offre d'achat prévoit l'acquisition des actifs et des inventaires sur site(s), indique Esso. Rhône Energies explique également « projeter d'investir dans la durabilité du site afin de réduire son empreinte carbone ». Elle compte aussi « investir dans des projets innovants permettant le co-traitement de matières premières biogéniques pour produire des carburants renouvelables ».

« La mise en œuvre du projet de cession reste soumise à des conditions suspensives ainsi qu'aux formalités et autorisations d'usage pour ce type de transaction », ajoute Esso.

Les deux groupes espèrent finaliser la transition « d'ici la fin de l'année » 2024. Ils doivent, pour cela, obtenir l'approbation des autorités réglementaires compétentes. Le montant de la vente n'a toutefois pas été communiqué.

Ce projet « s'inscrit dans le cadre de la stratégie à long terme d'Esso en France visant à maintenir la compétitivité de ses opérations, tout en garantissant la continuité de l'approvisionnement de ses clients dans le sud de la France », indique le PDG du groupe, Charles Amyot, cité dans le texte. L'entreprise explique néanmoins qu'elle « continuera à approvisionner ses clients dans le sud de la France et à servir le reste du marché Français » en carburants et combustibles et en produits de spécialités.

600 emplois supprimés en Normandie

Pour ce faire, Esso indique compter s'appuyer sur sa raffinerie de Gravenchon, située à Port-Jérôme-sur-Seine en Normandie, détenue par ExxonMobil. Le groupe pétrolier américain a, dans le même temps, annoncé une réduction de ses activités sur ce site.

Plusieurs unités de pétrochimie pas « économiquement viables », dont un vapocraqueur, seront ainsi arrêtées. Ce qui « devrait entraîner la suppression de 677 emplois » en 2025. La direction promet d'engager une « recherche de solutions individuelles et collectives » pour les salariés concernés par les suppressions d'emplois et précise qu' « aucun départ n'est envisagé avant 2025 ».

Le projet de vente d'Esso est, en outre, « totalement distinct » de cette annonce, précise l'entreprise française.

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Le raffinage, une activité pas toujours rentable

Selon Philippe Chalmin, professeur d'histoire économique à l'université Paris-Dauphine et spécialiste des matières premières et de l'énergie, « même si les compagnies pétrolières ont gagné beaucoup d'argent ces deux dernières années sur le raffinage, il s'agit d'une activité dont les marges sont extraordinairement volatiles ».

« Sur les trois dernières années en Europe, la marge moyenne était au minimum de 12 euros la tonne et au maximum 120 euros la tonne », indique le président fondateur du Cercle Cyclope.

Olivier Gantois, président de l'UFIP Énergies et Mobilités, rappelle que la marge brute des raffineries correspond à « la différence entre la vente de tous les produits finis à la sortie de la raffinerie (sans plomb, matières premières pour la pétrochimie, diesel, carburant avion, fioul domestique, lubrifiants, bitumes) et l'achat du brut, ainsi que le coût du transport du brut jusqu'à la raffinerie ». Or, « les marchés des produits finis sont des marchés extrêmement instables, comme ceux du brut », complète Philippe Chalmin.

« Le montant de ces marges brutes, qui s'exprime en euros par tonne de brut traité, sert à couvrir les coûts d'une raffinerie, qui comprend les coûts fixes (personnel, maintenance), les coûts variables (achat d'énergie), et les investissements », détaille Olivier Gantois auprès de La Tribune. En l'occurrence, sur les dix dernières années, la marge brute de raffinage a « en moyenne tout juste suffi à couvrir ces coûts », selon le président de l'UFIP Énergies et Mobilités.

Sur cette période, « le raffinage n'a ni perdu ni gagné d'argent », observe Olivier Gantois. « Entre 2012 et 2019, les marges étaient tout juste équilibrées. En 2020-2021, elles se sont effondrées lors des confinements liés à la crise Covid. Il y a ensuite eu une remontée en 2022-2023 », détaille-t-il.

« En 2023, la marge brute du raffinage en moyenne était à 71 euros par tonne de brut. Depuis le début de l'année 2024, il est à 73 euros par tonne de brut, et cette semaine à 50 euros par tonne de brut », précise-t-il.

« Le coût du raffinage varie beaucoup. Il n'est pas suffisant pour dégager des profits significatifs », résume le porte-parole des pétroliers en France. Dans ce contexte, « c'est probablement le bon moment pour ExxonMobil de se débarrasser de raffineries, dans la mesure où il y a, d'avenir, pas mal d'investissements au niveau mondial, notamment en Chine, qui est un exportateur de produits pétroliers », estime Philippe Chalmin.

Dans une Europe qui cherche à sortir du pétrole

Thierry Bros, expert énergie et professeur à Sciences Po, estime de son côté que la production de pétrole est beaucoup plus rentable que les activités de raffinage. « Pour prendre un ordre de grandeur, vendre du pétrole à 90 dollars par baril rapporte aux alentours de 70 dollars de profit, alors que la raffinerie permet de dégager 10 dollars maximum par baril », schématise le spécialiste. Consacrer son investissement sur « l'amont » fait donc « plus sens » pour ExxonMobil, analyse Thierry Bros.

Autre point soulevé par l'expert : « Dans un monde où les Européens sont anti-pétrole, il est inutile pour le groupe pétrolier américain de s'exposer donc il va mettre ses investissements ailleurs », déclare Thierry Bros, alors que l'Europe cherche progressivement à sortir des énergies fossiles. « Pourquoi donc avoir affaire à des gens qui sont contre vous matin midi et soir si vous pouvez gagner beaucoup plus d'argent ailleurs ? », interroge-t-il. L'expert ajoute que les raffineries européennes sont contraintes de restituer financièrement les émissions de CO2 qu'elles émettent, ce qui pourrait aussi expliquer qu'ExxonMobil cherche à réduire la voilure en France.

(Avec AFP)

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Commentaires 17
à écrit le 13/04/2024 à 20:58
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Remercions TotalEnergies (et son PDG), société plus étrangère que française par son actionnariat, de ne pas suivre l'exemple de EXXON, quoiqu'elle rencontre évidemment les mêmes difficultés.

à écrit le 13/04/2024 à 4:52
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Toutes fois, même la vente et l'exploitation du pétrole s'avère menacé a moyen terme au regard de la montée des énergies renouvelables couplée par le bon marché des prix des matières premières nécessaires à la production des batteries pour voiture...

à écrit le 13/04/2024 à 4:52
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Toutes fois, même la vente et l'exploitation du pétrole s'avère menacé a moyen terme au regard de la montée des énergies renouvelables couplée par le bon marché des prix des matières premières nécessaires à la production des batteries pour voiture...

à écrit le 12/04/2024 à 8:23
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L'Union Européenne nous tire une balle dans le pied avec son interdiction de vente des véhicules thermiques neufs en 2035. La guerilla de la CGT étant en outre "pénible" à supporter dans les raffineries, il est clair que les raffineurs vont quitter l...

le 13/04/2024 à 15:49
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Total va rester, rassurez-vous ! Il était question, mais ça ne semble pas s'être concrétisé, que les raffineries devraient être installées dans les pays producteurs et on importerait alors les produits raffinés prêts à être mis dans les réservoirs. ...

à écrit le 11/04/2024 à 20:05
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Les écolos et la Nupes doivent applaudir. 677 emplois qui polluent en moins. Et bientôt ce sera le tour des raffineries.

le 11/04/2024 à 22:15
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@ tototiti : vous avez du mal lire l article : ce sont les européens dans leur ensemble qu’ils veulent plus de risques et pollutions industrielles.. ou de mobilités gazolees .. allez donc dans les pays scandinaves il y a 10 fois moins de voiture en r...

le 12/04/2024 à 12:27
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C'est sur qu'il ne faut pas parler de l'incompétence des gens qui ont conduit à cette désindustrialisation. Il faut mieux détourner l'attention des vrais problèmes et accuser les autres... C'est assez caractéristique de l'incompétence qui règne en F...

le 12/04/2024 à 12:27
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C'est sûr qu'il ne faut pas parler de l'incompétence des gens qui ont conduit à cette désindustrialisation. Il faut mieux détourner l'attention des vrais problèmes et accuser les autres... C'est assez caractéristique de l'incompétence qui règne en F...

à écrit le 11/04/2024 à 19:23
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ExxonMobil sous influence du fond Berkshire Hathaway dirigé par le milliardaire Warren Buffet grand contributeur du parti démocrate n'aurait donc pas apprécié la dernière confiscation de ses actifs français par la CGT? Et pourtant ExxonMobil av...

à écrit le 11/04/2024 à 13:43
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Rien de mal parce que les syndicats, responsables en dernier ressort de l'effondrement de l'économie, vont aider les chômeurs à traverser la rue où le travail ne manque pas.

le 12/04/2024 à 5:37
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il est tout à fait vrai que le travail ne manque pas !!

à écrit le 11/04/2024 à 13:39
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un haut comite pour un haut rapport couts et profits sur des activites qui ne seront bientot plus la, et donc avec un autre comite pour voir comment la france peut imposer une loi sociale avec une norme ( un impot, donc) pour te taxer ce qu'elle a mi...

à écrit le 11/04/2024 à 13:31
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Peut être une réponse à la taxation des "super-profits" chère à certains...des grèves, des blocages de raffineries, des empêcheurs de travailler sereinement, des normes "à la française" etc...

à écrit le 11/04/2024 à 10:19
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Sans faire des vagues Esso tire les conséquences du manque de compétitivité de la France et des grèves à répétition. Investir ailleurs, produire ailleurs est la solution inéluctable quand un pays est sous chantage et ses couts élevés ne correspondent...

le 11/04/2024 à 11:37
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Et pendant ce temps, le Texas et la Louisiane, donc en-dehors de France, s'apprêtent à devenir de futurs bastions de production de carburants de synthèse. Vitesse et réaction d'un côté de l'atlantique (USA), lenteur et décrépitude de l'autre côté (...

le 11/04/2024 à 11:45
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Excellente analyse, on rigolera encore plus quand TotalEnergies fera de même peut être plus tôt qu'on l'imagine.

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