
C'est le début d'un travail inédit qui durera plusieurs mois. Jeudi 26 octobre, le gouvernement a lancé une concertation entre l'ensemble des producteurs et consommateurs de biocarburants. Réunis à Bercy, une cinquantaine de représentants des différents acteurs, ainsi que de l'Etat, ont été appelés à réfléchir au développement de cette « filière essentielle à la réussite de la transition écologique dans l'agriculture et le bâtiment », selon Bruno Le Maire.
Produits à partir de matériaux organiques non fossiles, ces carburants constituent en effet aujourd'hui « le seul moyen disponible immédiatement » pour décarboner les engins de mobilité lourde indispensables à ces secteurs, estime le ministre de l'Economie. Si le gouvernement compte développer aussi l'application de technologies telles que les batteries électriques et l'hydrogène, il s'agit d'un travail de plus long terme, en raison surtout de difficultés techniques, a-t-il expliqué.
La France consomme d'ailleurs déjà 36 térawattheures par an de biocarburants, « l'équivalent de la production de 6 centrales nucléaires ». Elle est le premier producteur européen de bioéthanol et le deuxième de biogazol, a souligné Bruno Le Maire.
Les usages énergétiques de la biomasse en troisième rang
Malgré ce potentiel, plusieurs questions doivent être adressées pour développer la filière, que le gouvernement soumet à ses acteurs: « comment la structurer? », « quels freins à lever pour augmenter la production? », « quels sont les besoins et les attentes des consommateurs? », a listé le ministre de l'Economie.
L'un des nœuds essentiels est notamment celui de la concurrence entre les usages alimentaires et non alimentaires de la biomasse, nécessaire à la production de biocarburants. Aujourd'hui, environ 3% de la surface agricole française y est destinée, selon le gouvernement.
« Eviter l'effondrement des puits de carbone et des rendements alimentaires est prioritaire », a prévenu la ministre de la Transition énergétique Agnès Pannier-Runacher, en précisant: « Les usages énergétiques (...) viennent en troisième rang ».
En dénonçant pour sa part un « débat public caricaturé » autour des débouchés de la biomasse, le ministre de l'Agriculture, Marc Fesneau, a néanmoins souligné la difficulté de produire la biomasse nécessaire pour atteindre l'objectif de la neutralité carbone « sous plus de contrainte climatique et sous des facteurs de production limités » (moins d'eau et de produits phytosanitaires).
Il va falloir trouver « un bon ajustement dans les pratiques agricoles et de sylviculture », a-t-il estimé, en insistant sur le risque que, sans plus de biomasse, toute réflexion sur les biocarburants soit « plafonnée ».
Un « équilibre à trouver au niveau national mais aussi local », puisque transporter de la biomasse sur de longues distances serait absurde en termes d'empreinte carbone, a rappelé Agnès Pannier-Runacher.
Industrialiser pour faire baisser les prix
À l'issue de la réunion, le gouvernement a annoncé dans un communiqué que les filières de l'agriculture, de la forêt et des engins lourds de chantier ont été retenues parmi celles « prioritaires dans l'accès à long terme aux carburants issus de la biomasse ». Ce sont les secteurs concernés par l'augmentation progressive, jusqu'en 2030, des tarifs du gazole non routier (GNR), en raison de la réduction au fur et à mesure des aides de l'Etat sur ce carburant fossile. Son prix augmentera ainsi jusqu'à 2030 de 2,85 centimes d'euro par litre et par an pour les agriculteurs, et de 5,99 centimes d'euro par litre pour le bâtiment.
Courant 2024, la distribution du biocarburant diesel XTL sera pour sa part « facilitée en levant les freins limitant actuellement sa commercialisation aux flottes professionnelles disposant d'une logistique dédiée », a annoncé Bercy.
« Nous créerons administrativement un nouveau carburant décarboné pour les usages non routiers, le "GNR XTL" », a déclaré Agnès Pannier-Runacher.
Quant à la compétitivité des biocarburants, aujourd'hui plus coûteux que les carburants fossiles, la ministre de la Transition énergétique espère que, grâce à l'industrialisation de la production, les prix des solutions alternatives « convergeront vers le bas » au moment où « ceux des énergies fossiles s'envoleront ».
« Les pays qui auront commencé les premiers" la transition" devraient s'en trouver renforcés en matière de compétitivité », a-t-elle estimé.
Le dialogue initié jeudi se poursuivra pendant plusieurs mois via des « groupes de travail ». Le gouvernement espère que cette méthode permettra « d'engager les acteurs » malgré l'anxiété suscitée par la transition écologique, a expliqué Bruno Le Maire.
Sujets les + commentés