Climat : la COP28 s'ouvre avec l'annonce historique d'un fonds pertes et dommages

Ce jeudi, la 28e conférence de l'ONU pour le climat s'est ouverte à Dubaï. Les participants ont écouté l'allocution, très attendue, du président émirati de la COP28, dans laquelle il a appelé à mentionner « le rôle des combustibles fossiles » dans l'accord final. Un signal positif sur un enjeu soumis à de fortes tensions entre les pays. La création d'un fonds « pertes et dommages » climatiques pour les pays les plus vulnérables a aussi été actée. C'est historique.
Mathieu Viviani
Sultan Al Jaber est l'un des présidents de COP les plus critiqués, en raison de son rôle dirigeant de la compagnie émiratie de pétrole et de gaz. Mais d'autres observateurs pensent qu'il pourrait obtenir des résultats positifs grâce à ses qualités de diplomate.
Sultan Al Jaber est l'un des présidents de COP les plus critiqués, en raison de son rôle dirigeant de la compagnie émiratie de pétrole et de gaz. Mais d'autres observateurs pensent qu'il pourrait obtenir des résultats positifs grâce à ses qualités de diplomate. (Crédits : Reuters)

[Article publié le jeudi 30 novembre 2023 à 13h11 et mis à jour à 15h52]

Ce jeudi matin, heure de Paris, la COP28, un des événements mondiaux les plus attendus de l'année, s'est ouvert officiellement à Dubaï, aux Emirats arabes unis. Au programme, deux semaines de négociations sur le climat avec les représentants de près de 200 pays. Selon l'Elysée, qui donnait un brief à presse sur le sujet samedi dernier, les discussions promettent d'être particulièrement « ardues ».

Lire aussiClimat : les dossiers chauds de la COP28

Hypothétique sortie du pétrole, fonds pour aider les pays les plus vulnérables au changement climatique, mobilisation de la finance mondiale pour l'adaptation, bilan des efforts consentis par les Etats pour réduire leurs émissions... Le programme est chargé et cristallise déjà des débats entre pays du Nord, riches et industrialisés et du Sud, pour beaucoup relativement pauvres.

Plus de 97.000 personnes (délégations, médias, ONG, lobbies, organisateurs, techniciens...) sont accréditées à la COP cette année (deux fois plus que l'an dernier), et environ 180 chefs d'Etats et de gouvernements sont attendus, d'après les organisateurs, d'ici le 12 décembre prochain, jour de clôture théorique de la conférence.

Minute de silence...

La 28e conférence climat de l'ONU s'ouvre par ailleurs dans un contexte géopolitique tendu lié à la guerre en Ukraine, et le conflit qui fait rage dans la bande de Gaza au Proche-Orient. L'économie mondiale, bousculée par une inflation galopante et un risque de récession réel, fait aussi partie de l'équation.

Sur place ce jeudi, c'est d'ailleurs par une minute de silence, requise par le président égyptien de la COP27, qui s'est tenue l'année dernière à Charm el-Cheikh, que la COP28 s'est ouverte. Un hommage pour « tous les civils ayant trouvé la mort dans le conflit actuel à Gaza », mais aussi deux diplomates vétérans des COP, récemment décédés.

Lire aussiGaza : Emmanuel Macron promet 80 millions d'euros supplémentaires à l'aide humanitaire

De nombreux chefs d'Etats sont attendus à la COP28 et parmi eux, beaucoup vont profiter de l'événement pour mener des discussions diplomatiques parallèles sur les conflits en cours. Selon son entourage, le président israélien Isaac Herzog doit profiter de l'occasion pour mener une série de réunions diplomatiques, destinées à faire libérer d'autres otages détenus par le Hamas. Le président français Emmanuel Macron devrait aussi mener des discussions avec certains de ses homologues du Golfe, à propos notamment de la libération de nouveaux otages français.

La sortie du pétrole, enjeu le plus tendu de la COP28

Dans une première allocution très attendue, Sultan Al Jaber, le président émirati de la COP28, a appelé à mentionner « le rôle des combustibles fossiles » dans l'accord final.

« Nous devons faire en sorte d'inclure le rôle des combustibles fossiles. Je sais qu'il existe des opinions fortes sur l'idée d'inclure des formules sur les énergies fossiles et renouvelables dans le texte négocié », a ainsi observé le dirigeant, très critiqué depuis sa prise en fonction à la tête de cette COP, en raison de sa casquette de patron de la compagnie émiratie de pétrole et de gaz (Adnoc).

Lire aussiPétrole contre climat : le choc de la COP28

Cette déclaration apparaît comme un premier signal positif sur le point de discussion le plus tendu de cette COP. D'un côté, des représentants de la société civile (ONG, experts climats, certains décideurs économiques et politiques...), partisans d'une fin rapide et nette des hydrocarbures, majoritairement responsable du dérèglement climatique. De l'autre, des chefs d'Etat et décideurs à la tête de pays producteurs, et une industrie pétrolière, qui plaident pour une réduction la plus progressive possible de ces énergies. Au risque, selon eux, de créer un désordre économique majeur.

A ce sujet, avant de prendre l'avion pour Dubaï, le secrétaire général de l'ONU Antonio Guterres a martelé ce jeudi que cette COP devait s'engager à une véritable « sortie » des énergies fossiles. Et ce, même avec un calendrier progressif. Le haut cadre onusien a aussi estimé qu'il serait « dommage » de s'en tenir à une simple « réduction, vague et évasive » des énergies fossiles. Même son de cloche pour le chef de l'ONU Climat, Simon Stiell, qui en ouverture de l'événement a enjoint le monde à entrer dans « la phase terminale de l'ère fossile telle que nous la connaissons ». Sans quoi, il se prépare à son « propre déclin ».

Interrogé mercredi par La Tribune, le politologue François Gemenne, co-auteur du sixième rapport du GIEC et spécialiste de l'adaptation au réchauffement climatique, pense qu'un chemin existe pour un potentiel accord sur le sujet. D'après lui, le fait que le président de la COP28 dirige en parallèle une compagnie pétrolière, pourrait même être au contraire « une opportunité ».

« Je comprends les critiques sur cette configuration particulière pour une conférence climat, reconnaît-il. Mais si on essaye de voir le verre à moitié plein, celle-ci est justement l'opportunité de poser frontalement la question à l'industrie pétrolière : veulent-ils faire partie de la solution ou pas ? En étant sur le devant de la scène cette année, la pression sur le secteur est maximale et cela pourrait aboutir à un résultat. »

Consensus large sur les énergies renouvelables

Cette COP devrait aussi acter un nouvel objectif de triplement des énergies renouvelables d'ici 2030. Il s'agit d'un des points de consensus majeur. Dans les faits, ce potentiel accord s'appuierait sur celui déjà conclu lors du G20 à New Delhi, plus tôt cette année. Jusqu'à présent, plus de 60 pays ont adhéré à l'objectif.

Lire aussiCOP28 : tripler les capacités des énergies renouvelables d'ici à 2030, un objectif en trompe-l'œil ?

Le triplement des capacités de renouvelables correspond notamment aux recommandations de l'Agence internationale de l'énergie (AIE). Cette dernière estime qu'il permettrait d'éviter l'émission de 7 milliards de tonnes de CO2 d'ici à 2030. Cependant, pour espérer une réelle mise en œuvre, l'objectif doit être musclé sur les plans réglementaire et financier pour accompagner les pays en développement.

Un fonds pour aider les pays vulnérables adopté

C'est la première grande mesure de cette COP : les parties ont voté ce jeudi la création du fonds destiné à financer les « pertes et dommages irréversibles » des pays les plus vulnérables au changement climatique. Historique, cette décision a été saluée par une ovation debout des délégués de près de 200 pays participants. Elle concrétise le principal résultat de la COP27 en Egypte l'an dernier, où ce fonds avait été approuvé sur le principe mais dont les contours, très débattus, n'avaient pas encore été définis.

« Je félicite les parties pour cette décision historique. C'est un signal positif pour le monde et pour notre travail », a déclaré Sultan Al Jaber, peu après le vote. « Nous avons écrit une page d'histoire aujourd'hui... La rapidité avec laquelle nous l'avons fait est inédite, phénoménale et historique ».

Lire aussiClimat : désaccords entre le Nord et le Sud sur le financement des « pertes et dommages »

Cependant, une question persiste : de combien sera doté ce fonds, provisoirement accueilli par la Banque mondiale ? Dans la foulée de cette annonce, quelques pays ont annoncé des premières contributions : 100 millions de dollars pour les Emirats, idem pour l'Allemagne, 10 millions pour le Japon, 17,5 millions pour les Etats-Unis, jusqu'à 40 millions de livres (environ 50 millions de dollars) pour le Royaume-Uni.

Après avoir promis il y a quelques semaines une « contribution substantielle », la commission européenne et d'autres pays membres de l'UE devrait normalement annoncer la part exacte de leurs enveloppes vendredi et samedi. Les pays développés font aussi pression pour élargir la base des donateurs aux riches émergents, comme la Chine et l'Arabie saoudite.

Mais « on attend des promesses en milliards, pas en millions », avait mis en garde auprès de l'AFP ce jeudi matin (heure de Paris) Rachel Cleetus, du groupe américain Union of Concerned Scientists (UCS).

(Avec AFP)

Mathieu Viviani

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaires 5
à écrit le 08/12/2023 à 17:24
Signaler
il son le petrole mais c est tout maie seulement si en france on avait nous en france on aurait plus de deficite encore si cetait bien gere

à écrit le 01/12/2023 à 7:22
Signaler
LOL ! Ben pour alimentez les pertes que vous avez causé vous pouvez sortir le fric de vos paradis fiscaux les gars ! Aucune chance donc ! LOL ! Les mecs qui s'inventent une vie.

à écrit le 30/11/2023 à 19:12
Signaler
Même si je suis particulièrement sensible aux problèmes environnementaux et aux divers enjeux climatiques, toutefois et raison gardée, je souscris à cet extrait [...Des chefs d'Etat et décideurs à la tête de pays producteurs, et une industrie pétroli...

à écrit le 30/11/2023 à 15:17
Signaler
il n'y a rien d’organiser et de compétitif pour inciter le client finale a changer d’Energie voiture et camion électrique non compétitifs en termes de performance d’autonomie et de prix .et les voiture son interdites de plus en plus dans nos cite...

à écrit le 30/11/2023 à 13:36
Signaler
On peut dire sans trop se tromper que tant s'il y aura une goutte de pétrole à pomper rien ne changera. Seule une augmentation forte ET soutenue du pétrole et (du gaz ) peut inverser le cours des choses. Cela n'arrivera pas tant que tous les gisement...

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.