Climat : la ville Barcelone placée en état d'urgence sécheresse... en plein hiver

« La Catalogne souffre de sa pire sécheresse depuis un siècle. Nous n'avons jamais été confrontés à un épisode aussi long et intense depuis que nous tenons des registres pluviométriques », a alerté le président du gouvernement régional catalan. En plus de Barcelone, 202 communes alentour sont touchées par des restrictions.
Mathieu Viviani
L'entrée dans la première phase de l'état d'« urgence », qui en comprend trois, va se traduire par d'importantes restrictions pour l'agriculture, qui devra réduire sa consommation d'eau de 80%.
L'entrée dans la première phase de l'état d'« urgence », qui en comprend trois, va se traduire par d'importantes restrictions pour l'agriculture, qui devra réduire sa consommation d'eau de 80%. (Crédits : DR)

Les habitants de la deuxième ville d'Espagne ne s'attendaient pas à vivre une telle situation en plein hiver. L'agglomération de Barcelone a en effet été placée jeudi en état d' « urgence » par les autorités, en raison de la sécheresse historique qui touche cette région du nord-est du pays, où les réserves d'eau ont atteint un niveau critique. Cette décision, annoncée par le président du gouvernement régional catalan Pere Aragonès, va se traduire par de nouvelles limites de consommation d'eau pour six millions d'habitants au total, avec de fortes restrictions en particulier pour l'industrie et l'agriculture.

« La Catalogne souffre de sa pire sécheresse depuis un siècle. Nous n'avons jamais été confrontés à un épisode aussi long et intense depuis que nous tenons des registres pluviométriques », a justifié Pere Aragonès, lors d'une conférence de presse, en rappelant que le manque de précipitations durait depuis plus de trois ans.

Les autorités catalanes préparaient l'opinion depuis des semaines en annonçant que l'état d'urgence serait déclaré si le niveau des réservoirs, stockant l'eau de pluie pour l'utiliser durant les mois plus secs, tombaient sous la barre des 16%. Or, ce niveau a été atteint ces derniers jours, la persistance d'un temps sec ayant aggravé la sécheresse des sols déjà extrême sur le littoral catalan, tant en France qu'en Espagne.

Plusieurs mesures de restriction, notamment pour l'agriculture

L'entrée dans la première phase de l'état d'« urgence », qui en comprend trois, va se traduire par d'importantes restrictions pour l'agriculture, qui devra réduire sa consommation d'eau de 80%, et pour l'industrie, qui va devoir la restreindre de 25%.

Par ailleurs, le plafond maximal de consommation moyenne pour les habitants des 202 communes de la région touchées par les restrictions a été légèrement abaissé, et le sera encore davantage si la situation s'aggrave. A part quelques communes où la pression diminuera, cette mesure n'entraînera pas de coupures de l'eau du robinet pour les habitants. Mais des sanctions sont en revanche prévues pour les localités ne respectant pas ce seuil maximal.

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Ce plan d'urgence interdit par ailleurs de remplir les piscines, même pour une simple remise à niveau, sauf dans les installations sportives publiques économisant l'eau à d'autres niveaux. L'arrosage des espaces verts est lui aussi désormais interdit, sauf avec de l'eau non potable dans les jardins publics, et quand la survie des arbres est en jeu. Même chose pour le lavage des voitures.

Si le niveau des réserves continue de baisser, les autorités mettront en place des restrictions encore plus sévères, comme la fermeture des douches dans les salles de sports ou l'interdiction totale de l'arrosage des jardins publics. Enfin, les autorités régionales n'ont pas exclu par ailleurs de ravitailler Barcelone en eau avec des bateaux-citernes.

Du jamais vu depuis plus d'un siècle

Pays européen en première ligne face au réchauffement climatique, l'Espagne voit se multiplier depuis plusieurs années les phénomènes météorologiques extrêmes, notamment les vagues de chaleur, dont la fréquence a triplé en dix ans. Des températures avoisinant les 30°C ont ainsi été enregistrées récemment dans l'Est et le Sud du pays.

Les périodes sans pluie ne sont pas atypiques dans cette région méditerranéenne de l'Espagne, qui avait déjà connu en 2008 un an et demi de sécheresse. Mais le niveau de sécheresse actuel est inédit depuis le début des relevés en 1916. Le manque de précipitations « dure depuis très longtemps. S'il se prolonge encore un an, la situation sera dramatique », assure à l'AFP Xavier Sánchez Vila, directeur du département d'ingénierie civile et environnementale de l'université polytechnique de Catalogne (UPC).

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La situation est similaire en Andalousie (Sud), autre région d'Espagne frappée de plein fouet par la sécheresse et qui envisage d'introduire des restrictions à la consommation d'eau si la pluie ne vient pas, notamment à Séville et Malaga. Au vu de la situation, « nous avons besoin de 30 jours de pluie » d'affilée, a déclaré récemment le président de cette région, Juan Manuel Moreno, qui n'a pas exclu lui non plus un ravitaillement en eau potable par bateau. Face aux effets de la sécheresse, qui ont poussé des agriculteurs à manifester jeudi à Séville, le président de la province de Malaga a demandé cette semaine à l'Union européenne d'activer son fonds de solidarité, lors d'un déplacement à Bruxelles.

Des sécheresses plus longues et fréquentes à cause du changement climatique

Plus globalement, les climatologues ont observé que le dérèglement climatique entrainait des épisodes de sécheresse plus fréquents, plus longs, mais aussi plus précoces et tardifs. Et ce, dans l'ensemble des régions du monde.

Un rapport publié en mai 2022 par la Convention des Nations Unies sur la lutte contre la désertification (UNCCD) indique que depuis 2000, le nombre et la durée des sécheresses ont augmenté de 29 %. Autre fait alarmant pointé par ce rapport : de 1970 à 2019, les aléas météorologiques, climatiques et hydriques ont représenté 50 % des catastrophes naturelles, et 45 % des décès liés à des catastrophes, principalement dans les pays en développement.

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Le rapport de l'ONU pointe aussi le coût des sécheresses à travers le monde : entre 1998 à 2017, elles sont à l'origine de pertes économiques mondiales estimées à environ 124 milliards de dollars. Si les pays affectées ne prennent pas de mesures drastiques pour les limiter, l'étude craint que d'ici 2050, les sécheresses pourraient affectent plus des trois quarts de la population mondiale, avec 4,8 à 5,7 milliards de personnes qui vivront dans des zones en manque d'eau pendant au moins un mois chaque année.

Dans ce rapport, Ibrahim Thiaw, le secrétaire exécutif de cette instance onusienne, résume également les première solutions à mettre en place pour faire face au fléau : « L'une des solutions les meilleures et les plus complètes est la restauration des terres, qui s'attaque à de nombreux facteurs sous-jacents des cycles de l'eau dégradés et à la perte de fertilité des sols. Nous devons mieux construire et reconstruire nos paysages, en imitant la nature autant que possible et en créant des systèmes écologiques fonctionnels ». Les techniques de gestion agricole durables, permettant de produire plus de nourriture sur moins de terres et avec moins d'eau, sont aussi préconisées.

(Avec AFP)

Mathieu Viviani

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Commentaires 3
à écrit le 03/02/2024 à 21:02
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ET OUI LES ECOLOS NE VEULENT SURTOUT PAS DE CENTRALE DE DESALLEMENT CAR TROP CHERE ,, ON NOUS RABACHE QUE LE NIVEAU DE LA MER VA MONTER DE 50 cms EN VINGT ANS ET QUE DES CATAS SUR LES LITERAUX EUROPEENS VONT COUTER DES MILLIARDS PAR MILLIERS D'€ ET L...

à écrit le 01/02/2024 à 17:16
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La chaîne des pyrénéens est en train de jouer un rôle majeur dans ce changement climatique formant visiblement une frontière étant donné que nous autres au dessus en aquitaine n'avons jamais été autant arrosés pour la même période.

à écrit le 01/02/2024 à 17:02
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là on est dans le mur et c est pas faute de l avoir dit et prédît le dérèglement climatique est là et ce n est que le début .on va affréter des bateaux citerne pour approvisionner l Espagne depuis Marseille . tout ça pour continuer avec le tourisme ...

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