Catastrophes naturelles : la facture s'élève à... 1.500 milliards de dollars depuis 2018

Depuis six ans, le coût des catastrophes naturelles est de 250 milliards de dollars par an, selon le réassureur Munich Re. La facture finale pour les assureurs a toutefois reculé de 25% en 2023 à 95 milliards de dollars, contre 125 milliards de dollars en 2022, en raison du faible taux de couverture de certains pays, comme la Chine ou la Turquie. Chaque année annonce de nouveaux records de température, qui génère des événements climatiques extrêmes. L’Europe a notamment particulièrement souffert des tempêtes et des pluies diluviennes. Résultat, les tarifs d’assurance sont poussés à la hausse, engageant le débat sur l’assurabilité des biens à l’avenir. La France, elle, bénéfice d’un régime unique de couverture des catastrophes naturelles, dont le financement a été renforcé en fin d’année.
La tempête Ciaran en France en novembre dernier a provoqué plus de 500.000 sinistres pour 1,3 milliard d'euros d'indemnisation.
La tempête Ciaran en France en novembre dernier a provoqué plus de 500.000 sinistres pour 1,3 milliard d'euros d'indemnisation. (Crédits : Reuters)

C'est une inquiétante régularité. Depuis cinq ans, le coût des catastrophes naturelles s'élève à 250 milliards de dollars chaque année, selon les données du premier réassureur mondial, Munich Re. La facture s'élève à 230 milliards de dollars par an sur dix ans (ajustée de l'inflation) et à 180 milliards sur trente ans.

Tout n'est pas assuré, loin s'en faut. Les pertes assurées (à la charge des assureurs ou des réassureurs) s'élèvent à 95 milliards de dollars en 2023. C'est moins que les 125 milliards de dollars de 2022, l'une des pires années dans le domaine des catastrophes naturelles. Elle avait surtout frappé les pays riches (donc mieux assurés) que les pays « pauvres » où l'assurance reste l'exception. En revanche, pas de méga catastrophe en 2023 dans des pays riches.

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Sur les cinq dernières années, les catastrophes naturelles représentent une charge pour le secteur de l'assurance et de la réassurance de 105 milliards de dollars par an, soit presque que deux fois plus que la moyenne observée ces trente dernières années (57 milliards de dollars).

Les tempêtes, 17 milliards de dollars en Europe

Chaque année apporte donc son lot « d'événements exceptionnels ». L'année passée a été marquée par le séisme dévastateur en Turquie et en Syrie et des pertes « records », selon le réassureur, des intempéries en Europe. Des catastrophes particulièrement coûteuses en vies humaines, avec 74.000 décès, un plus haut depuis dix ans, contre 40.000 morts relevés en moyenne par an depuis 1993.

Les tremblements de terre au Proche-Orient ont entraîné la mort de 58.000 personnes et causé 50 milliards de dollars de dégâts, dont seulement 10% ont été indemnisés. Pourtant, en théorie, l'assurance contre les tremblements de terre est obligatoire en Turquie pour les résidences. Au total, l'Europe a connu presque autant de dégâts qu'aux Etats-Unis, soit 83 milliards de dollars, dont seulement 19 milliards indemnisés (23%), en grande partie à cause du tremblement de terre en Turquie.

Les tempêtes dans les régions alpines, et le pourtour de la Méditerranée, ont causé des milliards de dollars de dégâts, avec parfois des grêlons de 20 cm de diamètre, comme les pluies torrentielles sur la côte adriatique ou les inondations en Grèce. Tous ces événements se sont traduits par 17 milliards de dollars de pertes, dont seulement 2 milliards étaient assurées. Et les inondations en France et en Allemagne n'ont pas encore été prises en compte. La Chine, elle aussi, a particulièrement souffert des pluies diluviennes, avec 25 milliards de dollars de pertes, pratiquement pas assurées.

L'Amérique du Nord domine toujours les statistiques des sinistres. Et pourtant, la saison des ouragans s'est révélée moins ravageuse qu'en 2022. A titre indicatif, les Etats-Unis concentrent les deux tiers des indemnisations, soit 62 milliards de dollars en 2023 (soit un taux de couverture de 73%).

Record de chaleur

De nombreuses recherches scientifiques suggèrent que le changement climatique favorise les phénomènes météorologiques violents, avec de fortes chutes de grêle ou de pluies.

« Le réchauffement climatique s'accélère et exacerbe les événements extrêmes dans de nombreuses régions, ce qui conduit à des pertes potentielles plus importantes », déduit ainsi Ernst Rauch, chef scientifique chez Munich Re.

L'enchaînement est connu : plus de chaleur, plus d'évaporation, plus de tempêtes. Et les tempêtes en Europe et en Amérique du Nord ont été plus destructrices que jamais, appuie Munich Re, avec des dégâts globaux de 76 milliards de dollars, couverts à hauteur de 75 % par les assurances (58 milliards), un bilan sans précédent dans ces deux régions.

L'année 2023 a été en effet marquée par des températures record partout sur la planète. Et désormais, la planète flirte dangereusement pour la première fois avec la limite de 1,5°C de réchauffement climatique, fixé par l'Accord de Paris. Avec une température moyenne de 14,98°C, l'année 2023 a été plus chaude de 1,48°C que le climat de l'ère préindustrielle de 1850 à 1900, selon l'Observatoire européen Copernicus. Le précédent record date de 2016. Ces températures « dépassent probablement celles de toutes les périodes depuis au moins cent mille ans », estime l'Observatoire.

Les records saisonniers de température ont été ainsi battus les uns après les autres. Des températures printanières de plus de 40°C ont été enregistrées dans le sud-ouest de l'Europe (avril) et en Argentine (septembre), des températures de plus de 50°C dans le nord-ouest de la Chine et des températures nocturnes de plus de 32°C dans l'État américain de l'Arizona en juillet. Pour l'étude, ces pics de chaleur expliquent le nombre croissant des orages de grande ampleur, avec fortes pluies et chute de grêle, comme la France l'a connu en 2022 (6,4 milliards d'euros de pertes assurées en deux mois).

Hausse plus modérée des tarifs

Cette hausse continue des sinistres se traduit par une flambée des tarifs de réassurance, mais aussi par une hausse des franchises ou des exclusions. Résultat, les assureurs sont contraints, soit de prendre en charge une part plus importante du risque, soit de ne plus assurer les biens, comme cela commence à se voir aux Etats-Unis.

Selon une étude de conjoncture du courtier Howden, une augmentation de l'offre de réassurance a cependant conduit à une certaine stabilisation des prix lors des renouvellements de contrats au 1er janvier, avec une hausse moyenne de 3% des tarifs, après le bond de près de 40% l'an dernier. Selon le courtier, c'est bien l'apport des fonds communs de réassurance - des produits financiers qui portent le risque - et l'arrivée de nouveaux acteurs qui a permis de rééquilibrer le marché.

Une récente étude en France de l'AMRAE (Association pour le management des risques et des assurances de l'entreprise) confirme d'ailleurs une « stabilisation des tarifs d'assurance pour les entreprises, même si certaines tensions demeurent sur certaines branches ».

Réforme en France

En France, sans même attendre les conclusions de la mission Langreney sur l'assurabilité du risque climatique, attendues en fin de mois, le gouvernement a finalement accepté de relever la surprime sur les contrats d'assurance habitation, automobile et professionnelle pour financer le régime public privé Cat'Nat' à partir du 1er janvier 2025. Ce point sur le financement a finalement toujours fait consensus entre les pouvoirs publics, les assureurs et la Caisse centrale de réassurance (CCR), qui couvre le système, même si le gouvernement a préféré différer d'un an cette hausse par rapport aux demandes de la CCR.

Reste cependant les sujets les plus chauds à traiter : celui de la prévention, qui est difficile à imposer auprès des particuliers, malgré le fait que cela marche, notamment pour prévenir les inondations, et celui du périmètre que doit couvrir le régime Cat' Nat'.

Pour l'heure, il s'agit d'événements exceptionnels que le marché de l'assurance ne couvrir à lui seul. Mais certains risques, comme la sécheresse, qui pèse de plus en plus lourds, pourraient faire l'objet d'un système ad hoc. Ou d'autres risques, actuellement couverts par le marché, comme la grêle, pourraient dans cinq ou dix ans rejoindre le régime Cat'Nat' si l'intensité de ce risque devait se confirmer. A ce jeu, il n'y a qu'une certitude : la facture des catastrophes naturelles va s'alourdir dans les prochaines années.

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Commentaire 1
à écrit le 10/01/2024 à 18:17
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"La facture finale pour les assureurs a toutefois reculé de 25% en 2023" Tandis que la notre augmente.

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