Climat : le fonds activiste Bluebell tente de bousculer la stratégie de BP sur les énergies vertes

Selon un associé du fonds londonien Bluebell, le géant britannique des hydrocarbures devrait « investir dans les énergies propres pour lesquelles il est taillé pour gagner (biocarburant, hydrogène), et non dans les secteurs » dans lesquels il n'a pas d'expérience ou d'avantage compétitif, comme les énergies renouvelables.
A quelques jours de la publication de ses résultats annuels, BP voit le fonds activiste Bluebell lui demander de revoir à la baisse ses ambitions sur les énergies propres.
A quelques jours de la publication de ses résultats annuels, BP voit le fonds activiste Bluebell lui demander de revoir à la baisse ses ambitions sur les énergies propres. (Crédits : ANDREW KELLY)

La stratégie environnementale d'un des géants des hydrocarbures est-elle en passe d'être bousculée ? A quelques jours de la publication de ses résultats annuels, BP voit le fonds activiste britannique Bluebell lui demander de revoir à la baisse ses ambitions sur les énergies propres. Le fonds londonien les juge en effet « irrationnelles ».

Bluebell voudrait notamment voir BP « ajuster sa stratégie ». Pour ce faire, il recommande d'abandonner les objectifs de réduction d'émissions à moyen terme liées à l'utilisation de ses produits (Scope 3) pour « conserver une flexibilité de production en fonction de la demande en hydrocarbures », a détaillé Giuseppe Bivona, partenaire de Bluebell, ce lundi à l'AFP.

En outre, le groupe BP devrait « investir dans les énergies propres pour lesquelles il est taillé pour gagner (biocarburant, hydrogène) et non dans les secteurs » dans lesquels il n'a pas d'expérience ou d'avantage compétitif, comme les énergies renouvelables, estime-t-il.

Une « stratégie irrationnelle »

La « stratégie irrationnelle » du groupe a « fait baisser la valeur du cours de l'action BP, entraînant une décote d'environ 40% par rapport à ses pairs les plus performants » que sont les Américains ExxonMobil et Chevron, tacle-t-on dans une lettre adressée à BP, datée du 4 octobre 2023, mais dont le contenu a été rendu public ce lundi par le quotidien économique Financial Times. Dans la foulée de la révélation de cette lettre, l'action de BP a maintenu sa trajectoire du jour, haussière, à +0,89% à 465,80 pence à 16h30 (heure de Paris).

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Pour rappel, Bernard Looney, qui avait pris les rênes de BP en 2020 avant de quitter précipitamment le groupe en septembre, accusé d'avoir caché des « relations personnelles » avec plusieurs collègues, s'était distingué en insufflant une ambitieuse stratégie de neutralité carbone, sur laquelle il avait finalement donné un coup de frein l'an dernier.

BP conserve sa feuille de route environnementale

Le géant pétrolier a confirmé mi-janvier Murray Auchincloss, ancien directeur financier, à la tête du groupe. Celui-ci a assuré à plusieurs reprises que la stratégie du groupe resterait inchangée.

« BP accueille favorablement un engagement constructif avec ses actionnaires », a réagi l'entreprise ce lundi dans une déclaration transmise à l'AFP. Mais « nous avons récemment rencontré la plupart de nos principaux actionnaires et continuons de bénéficier de soutien pour notre stratégie ».

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Le géant britannique du pétrole avait indiqué en février 2023 qu'il comptait accroître ses bénéfices d'ici 2030. Et ce, en investissant davantage à la fois dans les énergies renouvelables et dans les hydrocarbures, au grand dam des organisations écologistes.

Pas suffisant, selon Bluebell, qui estime qu'il est « très peu probable » que l'humanité soit prête à « une décarbonation totale, ou même significative » d'ici 2050. « Notre investissement est antérieur à la démission de M. Looney (qui aurait autrement été l'une de nos demandes) », a précisé le fonds.

Pas le premier coup d'essai pour Bluebell

Pour rappel, l'activisme actionnarial est une pratique qui consiste pour un actionnaire minoritaire à tenter d'influencer sur la gouvernance ou la stratégie de l'entreprise, avec notamment l'espoir de soutenir son cours de Bourse.

Bluebell est notamment connu pour avoir mené bataille au sein de Danone, en ayant contribué au départ du PDG, Emmanuel Faber, en mars 2021. Aux côtés d'un autre fonds d'investissement, Artisan Partners, Bluebell reprochaient à l'époque la performance boursière décevante du groupe laitier, en plus d'une rentabilité inférieure à celle de plusieurs de ses concurrents et des investissements en retrait dans l'innovation et le marketing. La gouvernance d'Emmanuel Faber, qui cumulait les fonctions de directeur général et de président, faisait aussi l'objet de critiques.

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En novembre 2021, le géant minier suisse Glencore s'est vu demandé par Bluebell de se séparer de ses activités de minage de charbon pour se concentrer sur les métaux recherchés pour la transition énergétique. Si le groupe n'a pas suivi la demande du fonds activiste, il a tout de même annoncé réduire son empreinte carbone de 15% par rapport à ses niveaux de 2019 d'ici cinq ans. Objectif porté à 50% à horizon 2035.

Bluebell Capital Partners s'est aussi attaqué en mai 2022 au mastodonte français du BTP Saint-Gobain. Détenteur de seulement 0,5% du groupe français, le fonds a demandé à ses dirigeants de diviser les activités de construction de matériaux et de distribution pour ne conserver que la première activité, jugée plus rentable. Bluebell a aussi fait pression sur Pierre-André de Chalendar, PDG du groupe, afin qu'il quitte ses fonctions. Mais en vain.

2023, année très prolifiques pour les actionnaires activistes

Les actionnaires activistes n'ont jamais mené autant de campagnes qu'en 2023 pour influencer la stratégie d'une entreprise, notamment en Europe, selon le rapport annuel de la banque Lazard, publié le 8 janvier dernier. Le géant minier Glencore, Disney, Starbucks, l'entreprise informatique Atos, le groupe de défense italien Leonardo... les batailles entre actionnaires ont agité de nombreuses entreprises l'année dernière.

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Avec 252 campagnes actionnariales recensées, l'année est la plus active selon Lazard, dépassant de peu 2018. Les records enregistrés en Europe (69 actions menées) et en Asie (44) ont plus que compensé le repli aux Etats-Unis, qui reste néanmoins toujours la région la plus active (133).

La hausse de ces campagnes actionnariales en 2023 est liée à la multiplicité des activistes : si les traditionnels fonds d'investissement Eliott, Starboard Value, ou encore Bluebell figurent parmi les plus actifs, 183 actionnaires différents ont lancé des campagnes, un record. Notamment de plus en plus de « hedge funds », multi-actifs et plus petits, selon le rapport.

(Avec AFP)

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