GNL : les Etats-Unis suspendent la construction de nouveaux terminaux d'exportation au nom du climat

Le président des Etats-Unis a annoncé un moratoire sur la construction de nouveaux terminaux d'exportation GNL au nom de la crise climatique. Une bonne nouvelle pour les défenseurs de l'environnement mais qui pose néanmoins question quant à l'approvisionnement européen en gaz. L'UE dépend fortement des Etats-Unis depuis la guerre en Ukraine.
Le président américain Joe Biden a annoncé ce vendredi un moratoire sur la construction de nouveaux terminaux d'exportation de gaz naturel liquéfié (GNL).
Le président américain Joe Biden a annoncé ce vendredi un moratoire sur la construction de nouveaux terminaux d'exportation de gaz naturel liquéfié (GNL). (Crédits : KEVIN LAMARQUE)

C'est un coup d'arrêt pour une industrie en pleine accélération. Le président américain Joe Biden a annoncé, ce vendredi, un moratoire sur la construction de nouveaux terminaux d'exportation de gaz naturel liquéfié (GNL). Une initiative justifiée par la « menace » climatique :

« Cette pause sur les autorisations (de terminaux) GNL prend en compte ce qu'est vraiment la crise climatique : une menace existentielle », a écrit le chef de l'Etat américain dans une déclaration.

Dans les faits, aucun nouveau permis d'exportation ne sera délivré avant que le ministère américain de l'Energie (DOE) n'ait mis à jour son analyse de chaque projet, a déclaré Jennifer Granholm, la ministre de l'Energie. Et selon un officiel américain, la mise à jour des critères d'homologation devrait prendre plusieurs mois. Quatre dossiers en cours d'examen par le ministère américain de l'Energie DOE sont concernés par la suspension, a précisé la même source. D'autres projets sont en cours mais n'ont pas encore été soumis au ministère et ne lui seront pas présentés durant le moratoire.

« Il nous faut mieux comprendre les besoins du marché, la demande et l'offre à long terme, ainsi que les facteurs environnementaux », a plaidé Jennifer Granholm, qui a assuré que les projets déjà autorisés ne feraient pas l'objet d'un réexamen.

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L'Europe suspendue aux décisions américaines

Dopés par l'envolée de la production du gaz de schiste, les Etats-Unis sont déjà le premier exportateur mondial de GNL, selon des données publiées par l'organisation internationale Cedigaz pour le premier semestre 2023. Dans le détail, sept terminaux d'exportation de GNL sont déjà opérationnels aux Etats-Unis, assurant environ 328 millions de mètres cubes par jour, selon l'agence américaine d'information sur l'énergie (EIA).

Depuis l'invasion de l'Ukraine en février 2022, l'UE a réduit fortement ses achats de gaz russe acheminés par pipeline, poussant les Etats membres à réorganiser en urgence leurs approvisionnements. Ils ont ainsi gonflé de 70% l'année dernière leurs achats de GNL, venu à plus de 40% des États-Unis. Rien que l'an dernier, environ la moitié des exportations de GNL des Etats-Unis sont allées à l'Europe, selon la Maison Blanche.

Un tel moratoire pose alors des questions sur de possibles risques d'approvisionnement de GNL vers l'Europe car en l'état, les nouveaux terminaux en gestation devaient faire monter la capacité d'exportation des Etats-Unis à 1,35 milliard de mètres cubes par jour, selon la ministre.

« Nous sommes déterminés à renforcer la sécurité énergétique des Etats-Unis et de nos alliés », a-t-elle néanmoins déclaré, ainsi qu'à « protéger les Américains contre le changement climatique, tout en étant à la pointe de la transition vers des énergies propres ». « Cela n'affectera pas notre offre actuelle ou à court terme », a rassuré la responsable.

Dans une lettre adressée jeudi à Jennifer Granholm, plusieurs instances de représentation du secteur américain de l'énergie avaient demandé à la ministre de renoncer à ce moratoire. Elles faisaient notamment valoir que l'industrie du gaz naturel était créatrice d'emplois aux Etats-Unis et permettait de sécuriser les approvisionnements de l'Europe, privée de gaz russe depuis l'embargo consécutif à l'invasion de l'Ukraine.

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Menace environnementale

Cette annonce intervient alors que la campagne présidentielle bat son plein et que l'enjeu climatique divise Républicains et Démocrates. Dans ce contexte, un face-à-face semble inévitable entre Joe Biden, qui a notamment fait passer en 2022 un plan massif de financement de la transition énergétique, et Donald Trump, qui met en doute le principe même du réchauffement climatique malgré un consensus scientifique.

« Les républicains « MAG » (le slogan de Donald Trump) nient l'urgence de la crise climatique, condamnant le peuple américain à un avenir dangereux, mon gouvernement ne restera pas passif », a affirmé Joe Biden. « Nous ne céderons pas aux intérêts particuliers ».

Début décembre, en marge de la conférence sur le climat COP28, plus de 250 organisations et groupes de défense de l'environnement avaient demandé à Joe Biden de ne plus autoriser de nouveaux terminaux GNL, rappelant que le gaz naturel était une énergie fossile polluante. Pour rappel, le GNL est plus émetteur en CO2 que le gaz acheminé par pipeline, à cause de sa liquéfaction, du transport et de sa regazéification. Surtout que les Etats-Unis exploitent en grande partie du gaz de schiste, récupéré via un procédé polluant que l'on appelle fracturation hydraulique. En plus des pollutions locales, le gaz de schiste américain favorise également les fuites de méthane. (PAPIER MARINE).

Une décision saluée par les ONG

L'ONG Greenpeace s'est félicitée ce jeudi de cette pause dans les processus d'autorisation des nouveaux terminaux de GNL. « Aujourd'hui, nous célébrons une incroyable victoire : celle des communautés riveraines impactées par la production de gaz de schiste, qui ont lutté sans relâche durant des années », a notamment commenté Ebony Twilley-Martin, le directeur exécutif de Greenpeace Etats-Unis.

De son côté, Greenpeace France dénonce les choix stratégiques français dans un communiqué :

« Sous couvert de souveraineté énergétique, la France est passée d'une dépendance au gaz russe à une dépendance au GNL américain, principalement composé de gaz de schiste, en servant les intérêts de l'industrie fossile, ravie de pouvoir poursuivre sa logique d'expansion ».

Lucie Pinson, directrice de l'ONG Reclaim Finance, a également réagi :

« Le président Biden a raison de regarder de plus près les conséquences à long terme des exportations américaines de gaz naturel liquéfié. (...) Cette décision américaine doit tirer la sonnette d'alarme pour les acteurs financiers qui soutiennent le développement de nouvelles infrastructures de GNL, qui risquent de devenir des actifs échoués ».

Les attaques en mer Rouge « pourraient avoir un impact » sur les livraisons de gaz, selon le Qatar

Les livraisons de gaz naturel liquéfié (GNL) du Qatar pourraient être retardées par la multiplication d'attaques en mer Rouge des rebelles Houthis du Yémen, a averti mercredi QatarEnergy. « Les développements en cours dans la région de la mer Rouge pourraient avoir un impact sur la programmation de certaines livraisons qui emprunteront des itinéraires alternatifs », a déclaré la compagnie nationale du Qatar dans un communiqué. Le richissime émirat du Golfe est l'un des principaux producteurs de GNL au monde avec les Etats-Unis et l'Australie.

Mais depuis novembre, les rebelles yéménites disent viser les navires qu'ils estiment liés à Israël en « solidarité » avec les Palestiniens à Gaza, en proie à la guerre entre l'armée israélienne et le mouvement islamiste Hamas. Leurs attaques en mer Rouge et dans le golfe d'Aden ont contraint de nombreux armateurs à suspendre le passage sur cette voie de transit cruciale représentant jusqu'à 12% du commerce mondial. Les armées américaines et britanniques ont récemment mené plusieurs frappes sur des sites Houthis au Yémen, faisant craindre une dangereuse escalade. Les attaques des Houthis ont contraint de nombreux armateurs à éviter la mer Rouge, et emprunter une route plus longue autour de la pointe de l'Afrique, au prix d'un surcoût du transport et de délais plus longs d'acheminement.

Mi-janvier, le Premier ministre du Qatar, Mohammed ben Abdelrahmane Al-Thani, avait déclaré que les cargaisons de GNL, « comme toutes les autres cargaisons marchandes », seraient affectés. Il avait également qualifié la crise en mer Rouge d'« escalade la plus dangereuse » dans la région en raison de son impact sur le commerce mondial. L'agence de presse Bloomberg avait rapporté qu'au moins cinq navires de GNL exploités par le Qatar, qui se dirigeaient vers le détroit stratégique de Bab el-Mandeb, séparant la péninsule arabique de la corne de l'Afrique, avaient dû s'arrêter au large d'Oman.

(Avec AFP)

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Commentaires 7
à écrit le 27/01/2024 à 11:51
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Vente de F16 au régime islamiste turc mais interdiction de terminaux d'exportation de GNL ou la logique autoritaire afin de bloquer tout financement de l'opposition républicaine... Sous peu le parti unique en République Populaire d'Amérique.

à écrit le 26/01/2024 à 20:53
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Y a pas à dire, on a des stratèges à Bruxelles. Ne parlons même pas de la France🙈Je vais le dire à nouveau, les Etats-Unis sont devenus le pays extracteur No 1 de pétrole en 2023 et pourraient devenir No1 dans le gaz-méthane liquide dans sa forme la ...

à écrit le 26/01/2024 à 18:54
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[qui pose néanmoins question quant à l'approvisionnement européen en gaz. L'UE dépend fortement des Etats-Unis depuis la guerre en Ukraine] Ben ça n'aura pas attendu trop longtemps après mon post de ces derniers jours sur l'autonomie des États-Unis s...

le 26/01/2024 à 19:31
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Alors on fait quoi ? On va lécher les bottes du despote Poutine ?

le 26/01/2024 à 20:49
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@Tototiti. Poutine n'était-il alors pas considéré par l'UE et les États-Unis comme un despote avant le renversement du pouvoir ukrainien pourtant élu (pro-russe) - en 2014 - par les forces nationalistes ukrainiennes? Les séparatistes ukrainiens (pro...

à écrit le 26/01/2024 à 18:26
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Joe Biden vient officiellement de passer ceinture noire 9 éme dan du coup de poignard dans le dos!!!!

le 26/01/2024 à 18:59
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L'UE s'assendait à quoi d'autre (déjà) des États-Unis après l'Inflation Reduction Act? 😂🤡

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