Cop28 : stocker le carbone, une technologie onéreuse mais décisive

C'est la star de la Cop28 qui se tient à Dubaï jusqu’au 12 décembre : la technologie de captage et de stockage du CO2, ou CCS (carbon capture and storage), a le vent en poupe.
Marine Godelier
(Crédits : © DORIANO STROLOGO POUR LA TRIBUNE DIMANCHE)

C'est la star de la COP28 qui se tient à Dubaï jusqu'au 12 décembre: la technologie de captage et de stockage du CO2, ou CCS (carbon capture and storage), a le vent en poupe. Et pour cause, elle permettrait, sur le papier, de continuer à utiliser des énergies fossiles... tout en absorbant les gaz à effet de serre que ces dernières auraient pu émettre dans l'atmosphère. Le beurre et l'argent du beurre.

Il faut dire que la sortie du charbon, et surtout du pétrole et du gaz, n'est pas pour tout de suite. À la COP, les seules parties qui appellent à une élimination pure et dure de ces combustibles sont la Nouvelle-Zélande et la High Ambition Coalition, une « coalition de haute ambition » qui compte 26 pays dont la France et plusieurs autres membres de
l'Union européenne ; l'Australie, les États-Unis ou encore le Royaume-Uni ne suivent pas cette voie et plaident pour ne pas condamner ceux dont l'impact aurait été compensé par le CCS. Un projet d'accord a d'ailleurs été rédigé, et la sortie des énergies fossiles « non équipées de dispositif de captage de carbone » figure parmi les options, même si rien n'est arrêté.

Alors, s'agit-il là d'un chèque en blanc aux industriels pour continuer leur business juteux, ou bien d'une piste prometteuse afin de limiter la hausse des températures globales ?

La méthode, à ne pas confondre avec la captation de CO2 directement dans l'air (DAC), n'est en tout cas pas nouvelle. La première installation de ce type date de 1996, sur le champ gazier Sleipner situé en mer du Nord et appartenant à la Norvège. Depuis près de vingt-cinq ans, le CO2 y est en effet capté, avant d'être injecté dans un réservoir salin situé à 800 mètres sous la mer. Jusqu'ici, elle est restée pour le moins marginale. Alors que les émissions brutes de CO2 liées à la combustion fossiles et à l'industrie ont atteint près de 35 milliards de tonnes dans le monde en 2022, la trentaine d'entreprises commerciales qui utilisent le CCS à travers le globe en a « attrapé », dans le même temps, moins de 40 millions de tonnes. À titre de comparaison, rien que la centrale au charbon polonaise de Belchatow a émis en 2018 plus de dioxyde de carbone que l'intégralité des émissions « arrêtées » grâce au CCS sur toute la planète, avec 37,6 millions de tonnes larguées dans l'atmosphère.

2 millions de tonnes de CO2 par an captées d'ici à 2050

Cela signifie-t-il que cette méthode n'a finalement que peu d'intérêt ? Si l'on regarde dans le détail, un kilowattheure (kWh) d'électricité générée à partir de charbon émettrait en moyenne 1 tonne de CO2 sans capture puis stockage du carbone, contre moins de 100 grammes si une telle solution était déployée à la source. Quant aux électrons issus du gaz, leur intensité carbone passerait de 400 grammes par kWh environ à moins de 50 grammes !

Surtout, les technologies existent. L'entreprise française Technip Energies, par exemple, maîtrise déjà plusieurs procédés permettant d'obtenir des taux de captage de plus de 90 % du CO2. Et ce en emprisonnant la fumée produite par l'activité industrielle, puis en y ajoutant un solvant afin de séparer le CO2 du reste des composants, avant de le récupérer. Cette méthode est d'ailleurs testée dans l'immense usine sidérurgique d'ArcelorMittal à Dunkerque à travers l'un des rares projets de CCS en France.

Les principaux scénarios traçant la voie vers la neutralité carbone d'ici à 2050, une condition nécessaire au maintien des températures en deçà de +2 °C, confèrent d'ailleurs une place de choix à ces technologies. Notamment les rapports du groupe d'experts de l'ONU pour le climat (Giec), lesquels affirment que 10 milliards de tonnes de CO2 devraient être captées et stockées chaque année dans le monde d'ici à la moitié du siècle, soit environ 250 fois plus qu'aujourd'hui. Du côté de l'Agence internationale de l'énergie (AIE), le scénario de transition table plutôt sur 2 millions de tonnes de CO2 captées par an d'ici à 2050 - ce qui représente tout de même 50fois plus que le volume actuel. Parvenir à généraliser le CCS sera ainsi décisif, sinon nécessaire. Sans quoi « il serait pratiquement impossible d'atteindre les objectifs mondiaux pour le climat », a fait valoir l'an dernier Fatih Birol, le directeur exécutif de l'AIE. Il n'empêche: fin septembre, la même AIE a mis en garde contre un retard dans les ambitions climatiques qui pousserait le monde à recourir massivement aux technologies de captage de CO2 alors qu'elles sont « chères » et encore non éprouvées à grande échelle.


Capturer du dioxyde de carbone coûte beaucoup d'argent. Au point que l'équation économique freine la plupart des grands énergéticiens: les investissements devront en effet concerner le transport et le stockage géologique de ce CO2 à travers une logistique complexe et mondialisée.

Marine Godelier

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Commentaires 7
à écrit le 11/12/2023 à 12:16
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Le stockage et la capture du carbone une martingale idiote et délétère mais planche de salut pour les financiers et les gouvernements actuels. C'est un non sens... économique, énergétique et écologique... Maintenant il ne faut pas se faire d'illus...

à écrit le 11/12/2023 à 11:39
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Cel ne correspond-il pas à cacher la poussière sous le tapis?

à écrit le 10/12/2023 à 12:29
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"puis en y ajoutant un solvant afin de séparer le CO2 du reste des composants" c'est pas de la soude aqueuse (NaOH) le "solvant" ? On fait un carbonate et régénère le CO2 en acidifiant pour avoir du CO2 'concentré' (= pas dilué) pur. Bilan, beaucoup...

à écrit le 10/12/2023 à 11:03
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Voyez vous au Carbonifère, la solution était toute trouvé, avec le taux du carbone présent dans l'air et les hautes températures.... c'est la flore qui en a profité pour se développer ! A nous de revivre dans les forêts ! ;-)

à écrit le 10/12/2023 à 9:27
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Ben oui puisque quand on ne veut pas on ne peut pas. Après eux le déluge.

à écrit le 10/12/2023 à 9:22
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Onéreuse et inefficace vu les volumes à séquestrer. Tout simplement une "couillonade". Une de plus.

le 11/12/2023 à 11:50
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J'ai bien peur que vous ayez raison!

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