Alors que la consommation électrique doit significativement augmenter dans les années à venir, si la France veut se débarrasser des énergies fossiles (charbon, gaz et pétrole), la tendance observée au cours des dernières années est, elle, totalement opposée. Dans l'Hexagone, la consommation électrique diminue après une décennie de quasi stabilité. Le recul est même significatif en 2023, selon le gestionnaire du réseau de transport d'électricité RTE, qui publie ce mercredi son bilan électrique 2023.
Au cours des douze derniers mois, la consommation électrique française s'est en effet établie à 445 térawattheures (TWh), corrigée des effets météorologiques et calendaires, « ce qui est largement en dessous de la consommation électrique enregistrée en 2020 [459 TWh, ndlr], qui était l'année des confinements », a souligné Thomas Veyrenc, directeur exécutif et membre du directoire de RTE.
Une des plus fortes baisses
Dans le détail, la consommation électrique enregistre un recul de 3,2% par rapport à l'année 2022, où la consommation avait déjà atteint un creux de 460,2 TWh, du fait de la crise énergétique. Cette baisse « est une des plus fortes jamais constatées», précise RTE dans son bilan. Et le décrochage est bien plus important encore (- 6,9%) par rapport à la période de référence, allant de 2014 à 2019. « 445 TWh est un niveau comparable à celui du début des années 2000 », pointe Thomas Veyrenc. Ce « fort recul » s'était en réalité déjà amorcé au dernier trimestre 2022. « La trajectoire acquise fin 2022 s'est prolongée sans déformation notable en 2023 », explique le directeur exécutif.
Plusieurs facteurs expliquent cette tendance baissière. Il y a tout d'abord la conjoncture économique dégradée, qui combine les prix élevés de l'électricité et une inflation persistante. RTE relève ainsi que 27% de la baisse structurelle de la consommation est attribuable aux grands consommateurs industriels, alors que ces derniers ne représentaient qu'environ 14% de la consommation d'électricité sur la période de référence. Mais ce recul tient aussi des économies d'énergies, encouragées par le plan de sobriété élaboré par le gouvernement fin 2022. « Et une partie de cette baisse est susceptible d'être pérenne », estime le gestionnaire. En effet, lorsqu'une collectivité constate, par exemple, des économies grâce à une baisse du niveau de chauffage dans ses bâtiments publics, il est très probable qu'elle maintienne cette action dans le temps.
Incertitudes sur le calendrier et l'ampleur de l'inflexion attendue
La trajectoire de la consommation d'électricité devrait toutefois s'infléchir dans les années à venir, « si nous engageons réellement une dynamique de sorties des énergies fossiles », a rappelé Thomas Veyrenc. Et ce, même si les réflexes de sobriété et d'économies d'énergies perdurent. Ce désengagement des énergies émettrices de CO2 passe, en effet, par une électrification accrue de la mobilité, du chauffage dans les bâtiments ou encore de certains procédés industriels. Il reste cependant des « incertitudes concernant l'ampleur et le timing [de cette inflexion, ndlr]», a précisé le directeur exécutif.
Selon le scénario de référence de RTE, qui permettrait à la France d'atteindre ses objectifs climatiques dans les temps, une augmentation de la consommation électrique pourrait intervenir autour de 2025 et ensuite s'accentuer. En revanche, dans le cadre d'un scénario dit de « mondialisation contrariée », correspondant à un environnement international de crise avec des taux d'intérêt élevés et une inflation durable, la consommation électrique ne devrait retrouver un niveau d'avant crise qu'en 2030. De fait, les lourds investissements nécessaires à la transformation des entreprises seraient bien plus lents.
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