Électricité : pourquoi les offres tarifaires favorables au climat sont pénalisées

Les offres d'électricité aux tarifs dynamiques incitent les clients à reporter leur consommation, de manière, entre autres, à moins solliciter les centrales de production s'appuyant sur les énergies fossiles. Mais le retour de la taxe TICFE, dont le montant n'est pas différencié selon les offres, pénalise mécaniquement ces formules. Explications.
Juliette Raynal
« Payer le même prix d'électricité chaque heure de la journée n'a plus de sens », affirme Nicolas Goldberg, expert énergie chez Columbus Consulting.
« Payer le même prix d'électricité chaque heure de la journée n'a plus de sens », affirme Nicolas Goldberg, expert énergie chez Columbus Consulting. (Crédits : Reuters)

La facture d'électricité des particuliers n'augmentera pas de plus de 10% en 2024, ne cessait de marteler le gouvernement fin 2023 pour rassurer les Français, toujours confrontés à un contexte inflationniste. Bruno Le Maire l'a confirmé hier au journal de 20 heures de TF1, à une petite nuance près. « Pour 97% des ménages français, l'augmentation sera sous les 10% comme je m'y étais engagé », a annoncé le patron de Bercy, dont le portefeuille a été élargi au périmètre de l'énergie lors du dernier remaniement. Cette précision n'est pas anodine... Et pour cause, quelque 400.000 abonnés particuliers ayant souscrit à l'offre Effacement jour de pointe (EJP) d'EDF, devraient, eux, constater une hausse de 10,1% sur leur facture mensuelle d'électricité.

Certes, ces 400.000 abonnés représentent une goutte d'eau (moins de 2%)  parmi les plus de 21,4 millions de ménages ayant souscrit à une offre aux tarifs réglementés de ventes (TRV). Le surplus de hausse n'est, lui, que de 0,1 point par rapport au plafond sur lequel le gouvernement s'était engagé. Reste que, symboliquement, cette hausse plus appuyée envoie un mauvais signal pour la transition énergétique, dont les enjeux nécessiteraient, au contraire, de mettre en place des incitations fiscales encourageant les consommateurs à souscrire à des offres tarifaires dynamiques.

Des offres dynamiques pour éviter le recours aux énergies fossiles

En effet, l'offre EJP permet aux clients concernés de bénéficier d'un tarif plus avantageux 343 jours par an. En échange, pendant 22 jours dans l'année, étalés du 1er novembre au 31 mars, le tarif du mégawattheure est significativement plus élevé que le tarif réglementé de vente (TRV). Le but : inciter ces abonnés à moins consommer lorsque le système électrique est particulièrement tendu, notamment les jours de grand froid où la consommation électrique est très importante, en raison des besoins de chauffage, tandis que la production à partir des énergies renouvelables est plus faible en raison d'un moindre ensoleillement et d'une absence de vent.

Cette offre, dont les tarifs varient selon les jours, rend plusieurs services. Non seulement elle permet de réduire les risques de coupures lors des moments les plus critiques pour le réseau, comme durant l'hiver 2022-2023 lorsque le parc nucléaire était confronté à un problème de corrosion imposant l'arrêt de nombreux réacteurs, mais elle présente aussi un avantage climatique. « En lissant la pointe de consommation, on évite de solliciter des moyens de production s'appuyant sur les énergies fossiles, c'est-à-dire, les centrales au charbon, au fioul et au gaz », pointe Nicolas Goldberg, expert énergie chez Columbus Consulting, alors que ces dernières sont appelées après les énergies renouvelables et les centrales nucléaires en raison de leur coût marginal plus élevé.

Le contenu carbone de l'électricité varie

« Contrairement à ce que l'on pense, l'électricité produite en France n'est pas toujours décarbonée, son contenu carbone varie. A certaines heures, elle peut descendre à 15 grammes de CO2 par kilowattheure, mais à d'autres grimper à 100 grammes », souligne Nicolas Goldberg.

Introduite en 1982, l'offre EJP n'est plus commercialisée par EDF mais elle a été remplacée par l'offre Tempo, dont la promotion au cours de l'hiver dernier s'est traduite en résultats commerciaux tangibles : l'électricien historique revendique désormais quelque 500.000 abonnés. Et pour cause, l'offre est plus attrayante et rassurante pour les consommateurs : lors des 22 jours « rouges », les clients sont encouragés à décaler le plus possible leur consommation, entre 22 heures et 6 heures du matin, plage horaire pendant laquelle ils bénéficient d'un tarif heures creuses. Ce qui n'était pas le cas avec l'offre EJP.

« 3% des clients ont une offre tempo et lors des jours de pointe, ils évitent à eux seuls une demi centrale à gaz », fait valoir Nicolas Goldberg.

Une fiscalité non différenciée

Les quelque 9,3 millions de ménages abonnés à l'offre plus classique Heures pleines heures pleines (HPHC) ne verront pas leur facture grimper au-delà de 10%, mais la hausse moyenne anticipée (9,8%) reste plus élevée que celle des 10,6 millions de Français en résidentiel ayant souscrit au tarif de base (8,6%). Or, l'offre HPHC permet, elle aussi, de lisser la pointe de consommation en incitant économiquement les clients y ayant souscrit à chauffer leur ballon d'eau chaude pendant la nuit, lorsque le réseau est peu sollicité et les prix plus avantageux.

Pour rappel, toutes les offres, qu'elles soient en tarif de base, ou proposant des tarifs horosaisonnalisés (EJP, HPHC ou Tempo) augmenteront au 1er février prochain en raison du retour de la TICFE (la taxe intérieure de consommation finale sur l'électricité), qui avait été drastiquement abaissée dans le cadre du bouclier tarifaire, mis en place à l'automne 2021. Alors qu'elle s'établissait initialement à 32 euros le MWh pour les particuliers, l'exécutif avait choisi de la limiter à 1 euro le MWh afin de protéger les consommateurs en pleine crise crise de l'énergie.

Mais Bruno Le Maire a démontré sa volonté de sortir définitivement du fameux « quoi qu'il en coûte » en dépit d'une actualité sur le pouvoir d'achat toujours brûlante. Il a donc acté le retour progressif de la TICFE, laquelle passera dès le 1er février à 21 euros le MWh, soit plus que ce qui était envisagé initialement (15 à 16 euros).

Or, cette hausse de taxe est similaire pour toutes les offres et non proportionnelle au montant du tarif proposé dans chaque offre. Elle se traduit donc, en pourcentage, par une hausse plus importante pour les offres dont les tarifs étaient plus bas. Ce qui est le cas des offres HPHC et EJP, précise l'entourage du ministre.

« Il n'y a rien de logique »

« Il en résulte que l'écart de prix entre une offre aux tarifs horosaisonnalisés est désormais moins prononcé qu'avec une offre au tarif de base », regrette Nicolas Goldberg. « Il n'y a rien de logique là-dedans. Ces tarifs devraient au contraire bénéficier d'un coup de pouce fiscal au regard du service rendu (...) », écrit-il encore sur X (anciennement Twitter). « La logique de fin du bouclier tarifaire est ainsi uniquement budgétaire et elle manque de cohérence sur les plans énergétique et climatique », déplore-t-il.

Selon l'expert, les offres à pointe mobile, comme l'offre Tempo, où les 22 jours rouges ne sont pas connus à l'avance par les clients, mais décidés la veille pour le lendemain afin de mieux prendre en compte les prévisions de consommation et de production selon les conditions météorologiques « sont l'avenir » alors que le réseau électrique devra être beaucoup plus flexible compte tenu de l'intégration croissante des énergies renouvelables. « Ces offres sont extrêmement efficaces car positionnées au bon endroit », explique-t-il. Autrement-dit, lorsqu'il y a un réel besoin du réseau.

« Payer le même prix d'électricité chaque heure de la journée n'a plus de sens », tranche-t-il. « Il faut qu'il y ait un minimum d'incitations économiques pour encourager le report de consommation d'électricité des ménages. Démarrer sa machine à laver à 10 heures ou à 22 heures n'a pas la même signification pour le réseau ».

Un « axe prioritaire » pour RTE, un grand « chantier » pour la CRE

Cette décision budgétaire semble, en tout cas, aller à l'encontre des chemins dessinés par RTE, qui considère le développement de la flexibilité de la demande comme un axe prioritaire dans son dernier bilan prévisionnel. Son patron Xavier Piechaczyk avait même pointé, en octobre dernier, la contribution à venir des consommateurs pour « gérer les bosses et les creux » de la production en décalant leur consommation, lors d'un entretien accordé à La Tribune Dimanche. Au sujet des incitations financières, il avait estimé que l'offre actuelle HPHC n'était pas suffisante.

Il y a une semaine à peine, Emmanuelle Wargon, à la tête de la Commission de régulation de l'énergie (CRE), a réinsisté sur ces enjeux :

« Notre objectif est (...) que les consommateurs soient toujours plus incités à souscrire des offres qui les amènent à différencier leur consommation selon les situations de marché et des besoins du système électrique », a-t-elle déclaré lors de la cérémonie de vœux, précisant qu'un « grand chantier » était programmé en ce sens en 2024.

Juliette Raynal

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Commentaires 9
à écrit le 27/01/2024 à 10:57
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Ce raisonnement est bien curieux : certes, l'avantage tarifaire pour ceux qui acceptent la flexibilité sera proportionnellement moindre. Mais se contraindre pour économiser est-il un vrai progrès social ??? Ceux qui ont un contrat dit EJP (kWh 7 foi...

à écrit le 23/01/2024 à 14:28
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Si c'est une une taxe, le retour à un nouvel impôt, alors il devrait être financé par tous et non seulement par ceux qui payent l'électricité. A combien en % sont assujettis les personnels EDF?

à écrit le 23/01/2024 à 11:45
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Demander au français de payer les nouvelles centrale ,culpabilisez les , faite les consommer moins avec des tarifs très élever, vendez le surplus à l'étranger à prix d'or , et avec gain arrosez les actionnaires , les mafias et faite de la corruption...

à écrit le 23/01/2024 à 10:49
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"les offres tarifaires favorables au climat " Des faux mots pour pseudo faire du climat un sujet ! et comme les prix artificiels actuels qui sont la pour montrer comment l'état pompe l'argent des citoyens pour nourrir des amis et des intérêts ! E...

à écrit le 23/01/2024 à 9:08
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Croyez vous vraiment qu'ils ne savent pas ce qu'ils font ? Ils veulent vous envoyer chez leur concurrent politique (européiste), qui n'en est pas un pour l'UE de Bruxelles, en vous faisant les poches et vous maintenir, ainsi, dans un régime autoritai...

le 23/01/2024 à 9:21
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m macron n'a retenue aucune leçon de la crise gilet jaune ila bien connaissance de toute les difficultés rencontrer par les francais lors de ces conferences mais il ne fait rien et ne fera rien pour les resoudres son seul et unique but deconstruir...

à écrit le 22/01/2024 à 20:54
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La TCFE (indiqué ainsi sur ma facture, TICFE ne rentre pas dans la case) va peut-être reprendre une valeur 'normale' mais une taxe qui avait beaucoup baissé c'est la CSPE passé de 22 à 1 (et va remonter à 22, pour 1,8kWh/an ça me fera 50€, la TCFE ét...

à écrit le 22/01/2024 à 20:28
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De qui se moque. T- on? Seulement une augmentation de moins 10%? Et Lemaire nous prend pour des c… il se croit malin par son annonce par son tour de passe - passe ? Moi je lui prédis une avancée des extremes de seulement 50%… tout augmente de 10...

à écrit le 22/01/2024 à 20:25
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De qui se moque. T- on? Seulement une augmentation de moins 10%? Et Lemaire nous prend pour des c… il se croit malin par son annonce par son tour de passe - passe ? Moi je lui prédis une avancée des extremes de seulement 50%… tout augmente de 10...

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