Gaz à effet de serre : 40% des émissions de méthane de l'industrie fossile auraient pu être évitées en 2023

Les émissions mondiales de méthane de l'industrie fossile sont restées à des niveaux record en 2023. « Sans raison », selon l'Agence internationale de l'énergie, car des solutions existent et sont abordables, notamment la réparation des fuites. 40% de ces émissions auraient ainsi pu être évitées, sans coût net, avance-t-elle.
La production d'énergie liée au pétrole, au gaz et au charbon fait partie des activités les plus émettrices de méthane, derrière l'agriculture.
La production d'énergie liée au pétrole, au gaz et au charbon fait partie des activités les plus émettrices de méthane, derrière l'agriculture. (Crédits : REUTERS/Stephane Mahe)

Si l'on associe souvent - et à juste titre - réchauffement climatique aux émissions de CO2, il ne faut pas oublier aussi celles de méthane. Deuxième plus important gaz à effet de serre lié à l'activité humaine après le dioxyde de carbone justement, son effet de réchauffement est toutefois 28 fois plus important que celui du CO2 sur un horizon de 100 ans (et 80 fois sur 20 ans).

Or, c'est un gaz très courant qui existe à l'état naturel sur Terre. 40% du méthane - sur les 580 millions de tonnes émises chaque année - provient ainsi de sources naturelles, mais la majorité (autour de 60%) est bien imputable aux activités humaines.

Parmi elles, la production d'énergie liée au pétrole, au gaz et au charbon. Celle-ci « a entraîné environ 120 millions de tonnes d'émissions de méthane en 2023, soit une légère augmentation par rapport à 2022 », estime l'Agence internationale de l'énergie (AIE) dans la version 2024 de son « Global Methane Tracker ». « Dix autres millions de tonnes » proviennent « de la bioénergie », comme le bois brûlé pour les foyers de cuisson.

Ces émissions de méthane de l'industrie fossile restent ainsi proches du record de 2019. Et très loin des 75% de réduction nécessaires d'ici 2030 pour tenir la limite de 1,5°C de réchauffement fixée par l'accord de Paris. L'AIE estime qu'une réduction rapide des émissions de méthane liées au secteur des énergies fossiles permettrait d'éviter jusqu'à 0,1°C de réchauffement d'ici au milieu du siècle. Soit un effet plus important que retirer immédiatement toutes les voitures et les camions de la route.

Agir en priorité sur les fuites

Ce que dénonce aussi l'AIE, c'est le fait qu'« il n'y a aucune raison pour que ces émissions restent aussi élevées », selon Tim Gould, l'économiste en chef de l'institution. En 2023, « environ 40% auraient pu être évitées sans coût net », la valeur du méthane capté et commercialisé étant supérieure aux dépenses pour colmater les fuites, explique l'agence. Réduire de 75% les émissions coûterait « environ 170 milliards de dollars, soit moins de 5% des revenus de l'industrie fossile en 2023 », ajoute-t-elle.

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Pour cela, l'une des pistes est de mettre fin aux fréquents lâchers volontaires de méthane lors de l'entretien planifié de gazoducs. Et, surtout, de réparer les fuites dans les infrastructures énergétiques. « Certains pays, notamment la Norvège, ont montré qu'il est possible d'extraire et de fournir du gaz avec des niveaux minimums de fuites », a souligné en novembre dernier William Gillett, directeur du programme énergie du Conseil scientifique des académies des sciences européennes (Easac). Selon lui, « de telles bonnes pratiques doivent être plus largement adoptées ».

Reste que les grandes fuites « détectées par satellite ont augmenté de plus de 50% par rapport à 2022 », représentant 5 millions de tonnes supplémentaires, a indiqué Christophe McGlade, expert énergie à l'AIE. L'une d'elles, massive, au Kazakhstan, a duré environ 200 jours. L'AIE se félicite toutefois de pouvoir compter sur « un nombre croissant de satellites de pointe surveillant les fuites de méthane, comme le MethaneSAT », lancé avec succès début mars par une fusée SpaceX et contrôlé depuis la Nouvelle-Zélande.

De nouvelles règles, mais encore du travail à faire

Malgré tout, l'AIE reste optimiste.

« Les politiques et réglementations importantes annoncées ces derniers mois, ainsi que les nouveaux engagements pris au sommet climat de la COP28 à Dubaï, peuvent provoquer bientôt leur déclin », écrit l'institution, devenue acteur clé de la transition énergétique.

Lors de la dernière conférence sur le climat, 52 compagnies pétrogazières se sont en effet engagées à atteindre « près de zéro méthane » dans leurs opérations d'ici 2030. Mais sans engagement de leur empreinte carbone pour la grande majorité, cela fait dire aux experts et ONG qu'il s'agit d'un engagement très faible. Par ailleurs, plus de 150 pays ont aussi rejoint l'initiative « Global Methane Pledge », lancée en 2021 par l'Union européenne et les États-Unis. Elle vise à réduire de 30% ces émissions entre 2020 et 2030. Dont récemment l'Azerbaïdjan, hôte de la prochaine COP29, ou encore le Turkménistan, le recordman du monde des fuites de méthane selon l'AIE.

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À noter aussi des initiatives individuelles. Comme en novembre, quand la Chine a dévoilé un plan pour contrôler ses émissions de méthane, sans toutefois s'y fixer d'objectifs chiffrés de réduction. Ou encore le plan annoncé par les États-Unis dans le but de réduire les émissions de méthane de l'industrie pétrolière et gazière. Les géants du pétrole et du gaz ont aussi formulé leurs propres engagements, par exemple avec la Oil and gas climate initiative (OGCI), qui vise zéro émission de leurs actifs d'ici 2030.

« Si toutes ces promesses sont parfaitement remplies et à temps, elles réduiraient les émissions d'environ 50% d'ici 2030 », selon Christophe McGlade. Sauf que ces nouveaux engagements « n'ont pas encore été étayés par des plans détaillés », selon l'analyste.

Pour Tim Gould, « 2024 pourrait marquer un tournant », car « les politiques commencent à être mises en place, une plus grande transparence s'installe, la prise de conscience se généralise et nous avons une meilleure capacité à repérer les fuites importantes » pour les arrêter.

(Avec AFP)

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Commentaires 2
à écrit le 13/03/2024 à 12:36
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"des solutions existent et sont abordables" peut-être mais si ça fonctionne comme ça, pourquoi chercher les fuites et dépenser ne serait-ce que 10$ ? Ça se disperse dans l'atmosphère ? Ben, c'est l'idéal. Ça ne sent rien ? Parfait (les satellites spé...

à écrit le 13/03/2024 à 11:18
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Oui mais 40% de dividendes en moins versés dans leurs paradis fiscaux.

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