Changement climatique, la particularité française

La France se réchauffe presque deux fois plus vite que la moyenne mondiale. Surtout, elle cumule les impacts du dérèglement. Une situation inédite en Europe.
(Crédits : latribune.fr)

La comparaison avec nos voisins européens aurait pu donner un faux sentiment de sécurité. Cet été, la France a échappé au brasier qui a consumé les forêts grecques ou espagnoles, aux glissements de terrain qui ont ravagé la Slovénie, à la tempête Hans qui a inondé la Norvège et la Suède ou encore aux 48,8 degrés relevés en Sicile. Mais depuis, les vagues de chaleur tardives se sont succédé, le mois de septembre a été le plus chaud jamais recensé en métropole et octobre continue d'afficher, pour une semaine encore, une inquiétante douceur d'été. Le dérèglement climatique s'accélère dans l'Hexagone. Il y est même bien plus rapide qu'à l'échelle mondiale. Cela fait vingt mois d'affilée que le mercure excède les normales de saison.

Lundi, alors que le record de chaleur pour un mois d'octobre était pulvérisé, le Haut Conseil pour le climat dévoilait la version grand public de son rapport annuel. Un document ponctué du même avertissement répété :

« La France est particulièrement exposée aux conséquences du réchauffement climatique et n'est pas prête à y faire face. »

Dissiper une fausse croyance

Ainsi, quand l'atmosphère planétaire moyenne a gagné 1,2 °C depuis l'ère préindustrielle, ce chiffre grimpe à 1,7 °C pour la France, d'après une étude parue en octobre 2022 dans la revue scientifique Earth Systems Dynamics. Si les émissions de gaz à effet de serre suivent les tendances actuelles, le monde se dirige tout droit vers un réchauffement de 3,2 °C à la fin du siècle... soit 3,8 °C dans notre pays. Et même 5,1 °C supplémentaires l'été. Le phénomène, observent les chercheurs, est au moins 20 % plus rapide qu'à l'échelle planétaire. Le ministère de la Transition écologique, avec d'autres données, se prépare à un réchauffement « environ 50 % plus élevé » qu'à l'échelle mondiale.

Comment l'expliquer ? Il faut d'abord dissiper une fausse croyance.

« Les océans se réchauffent moins vite que les continents, relativise Olivier Boucher, climatologue à l'Institut Pierre-Simon Laplace, car l'énergie se diffuse vers le fond tandis que les terres, elles, ne conduisent pas bien la chaleur. »

Le globe étant recouvert d'eau aux deux tiers, les continents surpassent mécaniquement le réchauffement planétaire moyen. L'augmentation des températures s'exacerbe aussi dans les moyennes et hautes latitudes, particulièrement dans l'hémisphère Nord. S'ajoute un paradoxe. Les efforts de santé publique fournis pour améliorer la qualité de l'air ont supprimé le seul petit avantage des particules fines : leur rôle de parasol.

« Les aérosols réfléchissent le rayonnement solaire et refroidissent un peu l'atmosphère, décode Olivier Boucher. Or cet effet diminue depuis les années 1980 en Europe et en Amérique du Nord. »

Jusqu'à cette période, la pollution a masqué les conséquences de l'accumulation du CO2 dans l'atmosphère. L'étude d'Earth Systems Dynamics le confirme :

« Les émissions de gaz à effet de serre et les aérosols s'annulaient remarquablement bien avant 1970 », notent les auteurs.

Lire aussi« Il ne faut pas baisser les bras sur le gaz car la transition énergétique prendra du temps» (Dominique Mockly, PDG de Teréga)

Ces facteurs concourent à faire de l'Europe la région du monde où le mercure grimpe le plus vite, après l'Arctique. Selon le programme Copernicus, le Vieux Continent a gagné 0,5 °C par décennie depuis les années 1980, deux fois plus que la moyenne du globe. L'Hexagone ne fait pas exception mais présente néanmoins une singularité de taille :

« La France est particulièrement exposée aux conséquences du réchauffement planétaire, plus que ses voisins », souligne la climatologue Corinne Le Quéré, présidente du Haut Conseil pour le climat et professeure à l'université d'East Anglia (Royaume-Uni).

Variétés des paysages

Nordique, continental ou méditerranéen : tous les types de climat se mêlent dans les paysages français.

Résultat, « la France doit répondre à une gamme d'impacts climatiques extrêmement variés et complexes » là où nos voisins peuvent concentrer leurs politiques d'adaptation sur des aléas ciblés. « C'est déjà beaucoup mais c'est un peu plus facile », précise la climatologue.

Dans le nord du pays et sur le littoral atlantique, érosion des côtes, submersion marine et montée du niveau de la mer. Dans le centre et les zones montagneuses, canicules, diminution de l'enneigement et effritement des roches. Sur le pourtour méditerranéen, chaleur et sécheresse extrêmes couplées à des mégafeux. Partout, des précipitations intenses, des risques de crue et d'inondation.

« C'est unique, insiste Corinne Le Quéré. Il n'y a pas d'autre pays européen dans cette configuration. »

Cette contrainte implique, poursuit-elle, « de travailler de manière systématique sur l'adaptation pour prévenir et anticiper les catastrophes, et pas seulement réagir après coup ».

En février, la société australienne XDI, spécialisée dans l'évaluation des risques climatiques, a classé toutes les provinces du globe en fonction des dangers que font peser les phénomènes extrêmes sur le bâti et sur les infrastructures. Huit régions françaises figuraient parmi les 10 % les plus exposées. Les plus touchées sont les Hauts-de-France, grignotés par la montée des eaux, la Provence-Alpes-Côte d'Azur, menacée par les brasiers et les orages, et le Grand-Est, transformé en étuve l'été. Comme une illustration de la variété des défis à relever.

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Commentaires 9
à écrit le 09/10/2023 à 14:48
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La remise à niveau de notre outil de production d'énergie nucléaire est indispensable pour limiter nos émissions de gaz à effet de serre. Cela passe par la construction de nouvelles centrales et le démantèlement de plus anciennes. Ajoutons à cela de...

à écrit le 09/10/2023 à 13:53
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La France, état paradisiaque! Même le Fisc en est convaincu! Il est temps de larguer les amarres et de la lâcher du Monde.

à écrit le 09/10/2023 à 7:49
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Si ces hypothèses se confirment, il faut changer complètement de stratégie. Il faut mettre tous nos moyens sur l'adaptation. Notre avenir, qui semble voué au sur-réchauffement de notre pays, ne dépend pas tant de nos efforts en matière de GES, que du...

le 09/10/2023 à 9:20
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C'est évident. La température ne va pas cesser de croître car plus de 75% de la population mondiale va continuer ( par manque de moyens) d'entretenir le réchauffement ,donc il serait plus intelligent d'investir pour s'adapter que de mener un comba...

le 09/10/2023 à 9:26
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@toutfaux? ADAPTATION est le mot juste, mais adaptation Individuelle parce qu'il n'y a pas grand chose à attendre de la collectivité en général. Impuissante au problème global du réchauffement.

à écrit le 08/10/2023 à 23:58
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La particularité Française c'est que le réchauffement s'arrête a la frontière

à écrit le 08/10/2023 à 9:03
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Notre proximité avec le désert saharien nous fait du mal c'est clair et cette météorologie est démente c'est clair aussi. Cela fait au moins 40 ans que les classes dirigeantes savaient et qu'elles n'ont strictement rien fait où la malédiction oligarc...

le 09/10/2023 à 9:31
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@Dossier 51 Les classes politiques ne font rien parce qu'elles sont coincées par un système économique qui ne peut pas s'adapter au changement climatique. Ça devrait durer jusqu'à la fin des énergies fossiles. Prévoir à terme une Terre in-vi-va-ble.

le 09/10/2023 à 10:37
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Quand on ne veut pas on ne peut pas en effet, n'y a t'il donc que l’insurrection populaire qui peut sauver la planète et surtout nous autres ?

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