Anne-Élisabeth Lemoine : « Dans “C à vous”, on cherche en permanence l’équilibre »

ENTRETIEN - La présentatrice de l’émission de France 5 nous plonge dans l’arrière-cuisine du plus célèbre dîner de France. Rencontre exclusive.
Anne-Élisabeth Lemoine.
Anne-Élisabeth Lemoine. (Crédits : LTD / AUDOIN DESFORGES)

Avec 1,2 million de téléspectateurs en moyenne depuis la rentrée - et 7,3 % de part d'audience -, C à vous est en passe de réaliser une saison record depuis la création du talk-show, en 2009. Rare dans les médias, sa « taulière » nous a accordé un entretien. Son premier depuis la rentrée.

LA TRIBUNE DIMANCHE- Ce succès, vous l'expliquez comment ?

ANNE-ÉLISABETH LEMOINE- En réalité, le vrai déclic a eu lieu pendant le Covid. Nous étions les seuls à être restés en direct et en plateau pendant toute la durée de la pandémie. On a noué un lien unique avec le public. Cette montée en puissance s'est poursuivie lors de la campagne présidentielle de 2022, où l'on s'est imposé comme une émission de référence. Désormais, les prises de parole importantes se font aussi chez nous. Les invités savent qu'ils peuvent nous faire confiance. Nous ne recherchons pas le clash, le buzz ou la confrontation. Et puis il y a une réelle alchimie dans la bande, ce qui renforce le côté familial. Dans la rue, même si je fais plus de selfies qu'avant, les gens continuent de m'appeler « Babeth » !

En décembre, Emmanuel Macron a été votre invité. Comment avez-vous réussi ce « coup » ?

Il voulait du temps pour faire de la pédagogie, car il sortait d'une séquence compliquée avec la loi immigration. Il aimait l'idée d'aller dans une émission de bande et non pas face à deux journalistes dans un cadre plus institutionnel. La seule chose qu'il a demandée, c'est de le faire à l'Élysée et pas dans notre studio. Mais on a conservé toutes nos chroniques habituelles. Bertrand Chameroy y est d'ailleurs allé très fort avec son « ABC », qui n'était pas tendre avec lui. Tout ça s'est monté en seulement vingt-quatre heures. La veille, quand je suis arrivée chez moi, j'ai dit à mon fils de 10 ans, Vasco, que je ne pouvais pas m'occuper de lui car j'avais énormément de travail. Il m'a répondu : « D'accord, à une seule condition : qu'Emmanuel Macron s'excuse parce que je ne peux pas profiter de ma maman. » J'ai transmis, et le président s'est excusé. [Rires.]

Lors de l'interview, sa défense farouche de Gérard Depardieu a suscité la polémique...

J'ai été effectivement surprise par sa réponse. Il a défendu la présomption d'innocence sans assez faire référence aux victimes. Et il a relayé la théorie qui remettait en question l'honnêteté du montage de Complément d'enquête. À la fin de l'émission, on savait tous autour de la table que ses propos allaient faire polémique. Je pense que lui aussi s'en doutait.

Après Emmanuel Macron, pourrait-on voir un jour Brigitte Macron dans C à vous ?

J'en rêve ! Ça fait quelque temps déjà que j'essaie de la convaincre. On a déjeuné ensemble une fois. C'est une femme hyper moderne qui casse les codes et que je trouve très inspirante. On n'imagine pas à quel point cela a dû être difficile pour elle d'avoir vingt-quatre ans de plus que son mari. Aujourd'hui, elle est la cible de rumeurs misogynes insupportables qui les touchent profondément, elle et Emmanuel Macron. On a envie de l'entendre sur tout ça. Mais elle ne souhaite pas lui nuire en s'exprimant sur autre chose que les Pièces jaunes. Et puis, en France, le statut de première dame est très flou, ce qui rend difficile toute prise de parole.

Il y a quinze jours, vous avez fait un malaise en direct et disparu de l'antenne pendant quelques minutes. Que s'est-il passé ?

Ce jour-là, j'avais très mal au dos. Avant l'émission, j'ai oublié de prendre mes anti-inflammatoires. Pendant l'interview de François Villeroy de Galhau, le gouverneur de la Banque de France, j'ai commencé à me sentir mal et à avoir très chaud, car je m'étais mis une ceinture chauffante. J'ai essayé de l'enlever discrètement, mais je n'y suis pas arrivée. L'invité a été formidable car il a continué comme si de rien n'était alors qu'il me voyait me débattre avec ma ceinture et faire ce malaise vagal. J'ai profité d'un magnéto pour m'éclipser et me requinquer en coulisse.

N'y a-t-il pas un risque de surmenage quand on anime un talk-show quotidien aussi exposé ?

C'est vrai que j'ai dû adapter mon mode de vie. Je suis obligée d'avoir une vie très monacale. Si je sors, je le paie immédiatement le lendemain. Pareil pour l'alcool. Avant, je buvais un peu de vin au dîner pendant l'émission. Désormais, c'est fini. Je fais aussi du sport trois fois par semaine avec un coach pour tenir le coup. Faire du direct, c'est beaucoup d'adrénaline, et je mets d'ailleurs du temps à redescendre après les émissions. Je le constate avec mes deux fils quand je rentre chez moi à 21 h 30. Je suis encore une tornade quand j'arrive alors qu'eux ne sont pas du tout dans la même énergie !

Regardent-ils C à vous ?

Pas du tout. Il arrive qu'Arthur [son fils aîné, âgé de 20 ans] tombe sur des séquences sur les réseaux sociaux et qu'on en parle. Son petit frère, lui, s'en fichait un peu jusqu'à ce qu'il me demande de manière insistante il y a quelques jours de recevoir le youtubeur Joyca. Je pense qu'il est fier de sa maman uniquement quand elle reçoit des youtubeurs !

Pascal Praud décrit C à vous comme un « vecteur de pensée dominante ». Que lui répondez-vous ?

Je ne comprends pas qu'on puisse nous faire ce reproche ! On reçoit sur notre plateau des responsables politiques de tous bords, de Marion Maréchal à Mathilde Panot en passant par Yannick Jadot. On cherche en permanence l'équilibre. C'est le cas sur des sujets extrêmement complexes à l'image du conflit israélo-palestinien, où l'on a invité des personnalités comme Alain Finkielkraut qui n'ont franchement pas un discours de gauche. De même, on ne peut pas nous accuser de faire une « télé macroniste ». Il suffit de revoir les émissions avec Gabriel Attal ou Bruno Le Maire, que l'on n'a pas épargnés.

On reproche parfois aux éditos de Patrick Cohen d'être orientés à gauche...

D'abord, je ne sais pas pour qui il vote, Patrick. Et puis, sur un tas de sujets comme MeToo, le véganisme ou encore le wokisme, il ne me semble vraiment pas qu'il ait des positions de gauche. Patrick est exemplaire. Il rappelle à chaque fois les faits et les met en perspective, que cela plaise ou non aux différents camps politiques.

L'Arcom a récemment estimé que, lors d'un édito sur Crépol, certains de ses propos étaient « dénués de précautions oratoires »...

Lui-même a reconnu qu'il avait manqué de prudence, mais les faits ne l'ont pas démenti. Ses chroniques sont toujours des démonstrations argumentées et objectives. Dans C à vous, on ne fait jamais de l'opinion comme on peut le voir sur certaines chaînes d'info.

Quel regard portez-vous sur CNews ?

Mon père, qui est un fidèle téléspectateur de C à vous, regarde aussi beaucoup CNews. Il ne supporte pas cet effet de meute contre la chaîne. Il pense que c'e st contre-productif. Ils assument de donner leur avis et ça parle à un certain nombre de Français. À C à vous, on ne donne pas notre avis. C'est un autre choix éditorial.

Cap sur la Croisette !

Du 14 au 25 mai, le talk-show prendra ses quartiers à Cannes durant le Festival, avec au casting de nombreuses stars françaises et internationales. « Aurélie Casse présentera la première partie depuis Paris, avant de nous passer l'antenne à 20 heures, explique Anne-Élisabeth Lemoine.
L'an dernier, on y est allés pour la première fois et les audiences ont cartonné. C'est l'occasion de proposer un vrai show. Mais attention, on reste nous-mêmes, avec notre côté "imparfait" et une ambiance pas du tout bling-bling. »
Proposée sur un plateau extérieur situé à quelques encablures du Palais des festivals, cette émission sera une nouvelle fois en public.

« C'est génial, car ça permet d'être en contact direct avec nos téléspectateurs, ce qui n'est pas possible le reste de l'année. L'an passé, ils étaient hyper contents de nous voir. Ils taquinaient Patrick Cohen sur son bon coup de fourchette... On a constaté à quel point ils étaient familiers du programme. »

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Commentaires 3
à écrit le 05/05/2024 à 12:22
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Elle est tellement ... Ir-regardable ! Comment certains participants, dignes d'intérêt, se vautrent là dedans ???

à écrit le 05/05/2024 à 9:32
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Le rire d’Élisabeth devrait être couvert par la sécu. Longue vie à cette émission même si parfois ils devraient être plus incisif (livres, film, Etc.) ou le propos politique...

à écrit le 05/05/2024 à 9:30
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J'ai bien aimé une de vos dernières émission quand vous faisiez un débat entre "comiques" Par contre je ne savais pas que Philippe Val en était un, quand le doué Tanguy Pasturo répondait à ses confrères" Je comprends parfaitement que les gens comment...

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