Chronique de François Simon : La Cigale enchantée

CHRONIQUE CHAUD DEVANT - François Simon a testé la brasserie La Cigale, à Nantes, classée monument historique depuis le 12 octobre 1964.
Chronique de François Simon : La Cigale enchantée
Chronique de François Simon : La Cigale enchantée (Crédits : DR)

LA CIGALE ENCHANTÉE

Pourquoi le monde des brasseries nous émeut-il autant ? Sans doute parce qu'il nous renvoie en un temps où il y avait de la féerie dans un restaurant. Elles ne ressemblaient guère à nos salles à manger raisonnables, prévisibles, déjà datées. Elles en étaient un contraire flamboyant, kitsch, surjoué qui nous poussait à faire de même : sortir de notre train-train quotidien, commander une « coupette » et ne pas regarder l'addition. La Cigale, à Nantes, appartient à cette catégorie enjouée de restaurants qui semblent rejouer du Offenbach dès l'entrée. Du reste, même avant, la place Graslin donne aussi dans le spectaculaire en épousant, lorsqu'elle fut construite, le même dispositif que la place de l'Odéon à Paris avec son théâtre et ses huit colonnes, et juste en face « notre » Cigale. Par chance, celle-ci fut classée monument historique car, même dans ses moments de dérive (elle fit self dans les années 1970), les admirables céramiques, les vitraux et bars monumentaux restèrent de marbre et attendirent que la déchéance ne se prolonge pas trop. En 1982, la partie pouvait reprendre en ce lieu qui fit le bonheur de Jacques Prévert et André Breton. Lola de Jacques Demy (1961) participa au culte tout comme Agnès Varda avec Jacquot de Nantes (1991). Aujourd'hui, l'esprit magique rôde encore à l'heure du déjeuner. Les lumières rasantes venues du cours Cambronne donnent un éclat joyeux à cette brasserie dont les nourritures ont le bon esprit de ne pas détonner. Elles aussi jouent le jeu. Elles sont même vaillantes, ferraillant ferme et faisant le job. À chaque ligne de la carte, les plats donnent du clin d'œil : volaille fermière d'Ancenis, mousseline de potimarron, jus truffé ; plateau de fruits de mer écumant d'iode, tartare de charolais tranché au couteau et préparé sur chariot. Il y a là cette félicité naïve du retour au restaurant, l'entrain des brasseries pour un public conquis d'avance avec ce qu'il faut de familles, de célibataires en tête à tête avec leur carafon et de couples en hypnose d'eux-mêmes.

La Cigale, 4, place Graslin, Nantes. Tél. : 02 51 84 94 94. Comptez 45 euros.

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