Chronique de François Simon : la cuisine, comme objet transitionnel

CHRONIQUE CHAUD DEVANT - François Simon a testé le restaurant Couvert de Vignes, ouvert par le chef Benjamin Gilles et situé au cœur de la montagne de Reims (Marne).
(Crédits : DR)

LA CUISINE, COMME OBJET TRANSITIONNEL

Nous sommes à Chigny-les-Roses, joli village de la montagne de Reims. En ce mois de décembre, il tombe une petite bruine serrée. Majestueuse sur la place centrale, la mairie et son escalier monumental à double volée plastronne devant les voitures garées. Par chance, des panonceaux indiquent que sur la gauche, en contrebas, masqué, se tient notre restaurant. C'était ici l'école communale. La salle en a gardé le front haut mais aussi une large baie vitrée grande comme un vaste écran de télévision d'où l'on peut voir les cuisines en surplomb, rappelant le magister de naguère. De fait, les assiettes « marquent » bien le produit comme une entrée de merlu, herbes, sauce hollandaise. Il y a là l'emprise d'un chef qui ne laisse rien passer. Il tient ses saveurs au garrot, les frappe au centre de la raquette. De peur que la clientèle s'émeuve de tant de sobriété, il y a un bonus sur le côté, une tartelette de la mer avec câpres, coques et salicorne comme le ferait un chanteur avec une dernière reprise du refrain. La lotte reprend cette même rythmique multiple avec châtaignes, butternut, jambon ibérique, jus de viande. Il y a dans la cuisine de Benjamin Gilles (ex-Les Crayères, l'Assiette Champenoise), une dimension incantatoire, comme s'il priait son produit de lui rendre sa passion pour la cuisine. De cette bataille fervente, les desserts entrent en compétion mais qu'importe, il souffle sur cette table une énergie sacrée, vibrante, épaulée par un service féminin et militant. Mais en fait, ce qui est le plus important, c'est que ce travail ardent soit écouté. C'était le cas ce jour-là, avec pourtant une grande tablée de collègues ouvrant magnum sur magnum mais gardant le silence le temps de l'énoncé des plats, les premières « fourchettées ». Devant leurs fourneaux, malgré la paroi vitrée, les cuisiniers doivent sans doute ressentir l'écho de leur labeur, sentir que leur dashi, leurs assaisonnements ont fonctionné, touché au but. C'est sans doute cela aussi, la magie et le mystère d'un restaurant, lorsque deux partenaires se rencontrent et se comprennent ; les plats comme objet transitionnel.

Couvert de Vignes, Chignyles-Roses. Tél. 03 26 05 86 31. Comptez 50 euros.

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