Hugo Clément sur tous les fronts

Figure de la cause environnementale, le journaliste va s’essayer sur France 2 à un nouvel exercice : l’émission de témoignages. Portrait d’un hyperactif.
Hugo Clément, journaliste français
Hugo Clément, journaliste français (Crédits : © ROMAIN RIGAL/FRANCE TV)

Dégoter un créneau d'une heure et demie dans l'agenda d'Hugo Clément n'est pas chose aisée. Non pas que notre « client » de la semaine fuie les interviews - il a accepté de bonne grâce de se faire tirer le portrait -, mais parce que sa vie réglée comme du papier à musique ne laisse guère de place pour les « extras ». Rendez-vous est finalement pris un mercredi soir glacial de mi-janvier, dans les locaux épurés de Winter Productions. Un nom de circonstance pour cette société fondée en 2019 avec son associé Régis Lamanna-Rodat. Là même où il va deux jours par semaine, quand il se rend dans la capitale. « Lorsque ma fille est née en 2020, j'ai fait le choix de déménager à Biarritz, confie le journaliste de 34 ans. Tous les mardis, je prends le train pour Paris, car j'ai ma chronique sur France Inter le mercredi matin. Puis, le jeudi, je pars généralement tourner Sur le front [l'émission qu'il présente sur France 5 consacrée à l'environnement], avant de rentrer à la maison. » Le week-end, place à la pratique de ses sports fétiches - la natation et la pelote basque - et surtout à de précieux moments en famille. « C'est sacré pour lui. Hugo est un papa et un mari très attentionné », glisse amoureusement sa compagne, Alexandra Rosenfeld.

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Le 7 février, il ajoutera une ligne à son CV déjà bien garni, en prenant les commandes de Nos grandes décisions, une nouvelle émission de témoignages diffusée en direct le mercredi soir sur France 2 (lire ci-contre). Coproducteur de ce programme, Thierry Ardisson confesse avoir flashé sur le jeune homme dès la première rencontre. « Un vrai coup de foudre professionnel ! Il est beau gosse, possède beaucoup d'aspérités et a la tête bien faite. Je lui ai dit : "Tu as tout pour devenir le nouveau Delarue." »

Ce destin cathodique, Hugo Clément ne l'aurait pas imaginé une seule seconde quand il était gamin, dans sa zone pavillonnaire de Pompertuzat, en banlieue toulousaine. « J'ai grandi dans une famille de profs. Mes deux parents enseignaient la sociologie à l'université. Ça ne m'a jamais attiré. Moi, je voulais plutôt être commissaire de police. » Lors d'une rencontre avec l'un d'eux, il comprend qu'il fait fausse route. Trop de paperasse et pas assez de terrain : impensable pour celui qui se définit comme un hyperactif, pas franchement du genre à rester assis derrière son ordinateur. Il est finalement piqué par le virus de la presse en 2006, lors des manifestations contre le CPE. « Je défilais avec les autres lycéens. Quand j'ai vu les journalistes travailler, j'ai immédiatement compris que ce métier était fait pour moi. »

La machine est lancée. Après de nombreuses piges - notamment à La Dépêche du Midi - et un passage à Sciences-Po Toulouse, il entre à la prestigieuse École supérieure de journalisme de Lille. Il y décroche la bourse Jean-d'Arcy, qui lui ouvre les portes de Télématin puis du JT de France 2. À l'époque déjà, son style détonne et tape dans l'œil de Nicolas Plisson, connu dans le landerneau télévisuel pour être l'un des plus éminents dénicheurs de talents. « Un soir, je l'ai vu assurer un duplex au 20 Heures de David Pujadas ; il dégageait quelque chose d'extrêmement moderne et sympathique, rembobine celui qui a, entre autres, participé au lancement de Canal+ en 1984. Je l'ai rencontré puis l'ai présenté à Laurent Bon, qui produisait Le Petit

Journal. » Affaire conclue. Fin 2015, Hugo Clément rejoint l'équipe de Yann Barthès, s'asseyant au passage sur le CDI que lui proposait France Télévisions. « Tout le monde m'a dit que j'étais taré ! » s'amuse le journaliste.

Il est beau gosse et a la tête bien faite. Je lui ai dit : "Tu as tout pour devenir le nouveau Delarue"

Thierry Ardisson

Près de dix ans après, le pari est pourtant réussi pour Hugo Clément, revenu depuis dans le giron du service public après avoir été aperçu entre-temps sur le site Konbini. En parallèle, il a créé son propre média en ligne - baptisé Vakita - et s'est imposé au fil de ses enquêtes comme un visage incontournable de la cause animale et environnementale. Son action est louée par des associations comme L214 ou Sea Shepherd France, et ses vidéos très incarnées font mouche sur les réseaux sociaux, où il affole les compteurs : 1,2 million d'abonnés sur Instagram, 800 000 sur TikTok et 700 000 sur X (anciennement Twitter). « Les messages que je reçois sont dans leur immense majorité bienveillants », assure Hugo Clément. Il n'empêche, le jeune homme est régulièrement la cible de vives critiques, notamment de ceux dont il entend dénoncer les pratiques. « Comment se fait-il qu'un journaliste qui travaille sur le service public puisse en même temps être un activiste et un militant ? peste Willy Schraen, président de la Fédération nationale des chasseurs. Ce mélange des genres est inacceptable ! »

Pour Hugo Clément, circulez, y a rien à voir. « Ces lobbys ne sont pas représentatifs, je croise souvent sur le terrain des chasseurs qui partagent mes combats, martèle-t-il, tout en contestant cette étiquette de "militant". En revanche, je ne vois aucun problème à ce qu'un journaliste dise ce qu'il pense. C'est étonnant, on ne ferait jamais ce reproche à un journaliste culturel qui passe pourtant son temps à juger des films, des livres ou des émissions de télévision. Comme le résume Jean-Michel Aphatie, il s'agit simplement de "maîtriser sa subjectivité". »

Dans son entourage, on assure d'ailleurs qu'il ne cherche nullement à imposer ses convictions. Exemple plusieurs fois cité : son végétarisme. « À l'époque, je mangeais du saucisson au petit déjeuner, une entrecôte à midi et une côte de bœuf le soir, se marre Alexandra Rosenfeld. J'ai depuis réduit ma consommation, mais il ne m'a jamais dit : "C'est mal, ce que tu fais." » Son ami Marc Simoncini abonde : « Hugo est tout sauf un "végan gris triste", assure le serial entrepreneur. C'est quelqu'un d'extrêmement drôle et très ouvert. » Une « ouverture » qui se manifeste notamment par la farouche volonté de discuter avec tous les camps, y compris les extrêmes. Comme lorsqu'il se rend en avril dernier à une soirée organisée par le magazine Valeurs actuelles pour débattre avec Jordan Bardella. Au risque de devenir la caution écolo du Rassemblement national ? « C'est hypocrite de me mettre ça sur le dos, s'agace-t-il. Peu de journalistes ont pris la peine d'écouter ce débat, où j'ai mis en avant les contradictions du RN sur les questions environnementales. Je n'ai aucun regret, je ne vois pas pourquoi je ne parlerais pas aux 13 millions de Français qui ont voté pour Marine Le Pen. » Ce soir-là, le débat s'achève par cette formule provoc de Jordan Bardella : « Il faudrait peut-être moins de Sandrine Rousseau et un peu plus d'Hugo Clément. » La députée écologiste rit jaune : « On n'échange pas avec le Rassemblement national, on le combat. »

Une divergence de vues avec Hugo Clément qui ne l'empêche pas de reconnaître certaines qualités au journaliste. « C'est un lanceur d'alerte, il a un petit côté cow-boy de l'écologie, nous confie-t-elle. Il s'inscrit dans la lignée de figures très médiatiques comme Nicolas Hulot. » Tiens, justement, franchir le Rubicon en s'engageant en politique comme l'avait fait l'ancien présentateur d'Ushuaïa ne lui a jamais traversé l'esprit ? « Aujourd'hui, ce n'est pas l'endroit où je pense pouvoir faire avancer les choses. Mais je ne ferme la porte à rien. Et j'ai appris en travaillant au Petit Journal qu'il ne faut jamais dire "jamais" dans une interview. Imaginons que je change d'avis, je n'ai pas envie que dans dix ans Quotidien ressorte ce portrait de La Tribune Dimanche ! [Rires.] »

AU SERVICE DU PUBLIC

Dans l'émission Nos grandes décisions - diffusée en deuxième partie de soirée sur France 2 -, Hugo Clément recevra des témoins confrontés à un dilemme dans la sphère professionnelle ou personnelle. Pot-pourri : « Dois-je arrêter de travailler à l'hôpital pour éviter le burn-out ? », « Dois-je avoir recours à la vasectomie ? », « Dois-je offrir un smartphone à mon fils de 11 ans ? ». Des experts seront en plateau pour les conseiller, tandis que les téléspectateurs seront invités chez eux à répondre par SMS « oui » ou « non » à la question. Avant que l'intéressé ne fasse son choix ultime. « Le programme sera en direct, ce qu'aucune autre chaîne n'avait jusqu'alors accepté », insiste Thierry Ardisson, à l'origine de ce concept « populaire mais pas populiste ». Le maître mot, selon Hugo Clément : la bienveillance. « Les débats seront apaisés, on veut faire l'inverse de ces émissions où les invités ont des idées arrêtées et se hurlent dessus. » Première prévue le mercredi 7 février à 22h55.

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Commentaire 1
à écrit le 28/01/2024 à 11:26
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Et l’environnement dans tout ça ? lol

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