« Il faut toujours un peu de temps pour m’apprivoiser » (Aurélie Casse, journaliste)

ENTRETIEN - À la tête de « C’est l’hebdo » sur France 5 depuis la rentrée, la journaliste qui a fait ses armes sur BFMTV connaît des records d’audience.
À Paris, en janvier.
À Paris, en janvier. (Crédits : © CYRILLE GEORGE JERUSALMI pour La Tribune Dimanche)

Elle crève l'écran, c'est évident. Le meilleur antidote contre les préjugés à la « sois belle et tais-toi ». Car la parole, elle la prend tous les samedis soir dans C l'hebdo, qu'elle anime sur France 5. Depuis sa première apparition à la télé en 2017 sur BFMTV, cette Française de 37 ans, d'origine mauricienne, trace sa route médiatique, certes discrètement, mais avec discernement pour ne pas tomber dans les pièges de la starification. Aurélie Casse n'a rien d'une star, malgré l'engouement qu'elle suscite sur les réseaux sociaux. Elle qui est si à l'aise face à ses invités, qu'ils soient artistes, écrivains ou politiques, dévoile un tout autre visage lorsqu'il s'agit de parler d'elle. Celui d'une jeune femme qui a connu le racisme, qui malgré sa forte personnalité a dû se battre pour exister et qui s'étonne que La Tribune Dimanche lui donne la parole. Amoureuse mais discrète, passionnée de chats, de rhum arrangé et du journaliste Jacques Legros, c'est dans « Ça reste entre nous » qu'elle franchit le Rubicon de la confession.

LA TRIBUNE DIMANCHE- On ne sait rien de vous. Pourquoi ?

AURELIE CASSE- Parce que j'ai l'impression que ça n'intéresse personne. C'est toujours délicat de parler de soi et encore plus quand on ne sait pas mentir. [Rire.] Dans le monde audiovisuel, où il faut parfois faire des concessions, forcer sa nature.

Être belle à la télé, cela peut-il parfois se retourner contre vous ?

J'imagine que ça a pu m'aider, mais je n'ai jamais misé dessus. Faire de la télé ne faisait pas partie de mes rêves d'enfant. Tout ce que je désirais, c'était exercer le métier de journaliste, avec une préférence pour la radio ou la presse écrite. Avant que BFMTV me propulse devant la caméra, je suis passée par tous les postes qui existent dans ce milieu : caler les invités, aider les journalistes à préparer leur tournage... Je rêvais de faire du terrain. Toutes ces expériences m'ont permis de me sentir de plus en plus légitime et de gommer ce syndrome de l'imposteur. Et pour être très honnête, je ne me suis jamais considérée comme une jolie fille, car on s'est beaucoup moqué de moi à l'école.

Sûrement des filles jalouses !

Pas systématiquement. Les traits de mon visage, surtout mon nez étrange, ont été sources de moquerie. Mine de rien, ça m'a longtemps poursuivie... Il faut toujours s'excuser d'être différente des autres. Les enfants sont très claniques.

Ça s'apparente à du harcèlement !

J'ai connu le racisme assez tôt, dès mes 7 ans. Je savais que ma couleur de peau n'était pas la même que celle des autres. Mais moi, je ne le percevais pas comme un problème. Enfin, je n'avais pas encore compris que ça pouvait en être un.

Quelles étaient ces remarques racistes ?

C'était l'époque où Surya Bonaly était une grande star du patinage artistique. On en parlait beaucoup dans la cour de l'école. J'entendais quelques élèves faire des commentaires abjects sur sa couleur de peau. Jusqu'à ce qu'une fille de ma classe se retourne vers moi pour me balancer une remarque raciste tellement abominable que je n'arrive toujours pas aujourd'hui à prononcer ses mots.

Qu'avez-vous fait ?

J'ai ressenti intérieurement une énorme colère. De retour en classe, l'élève qui venait de m'insulter a rejoint le tableau. Sans pouvoir me contrôler, je me suis levée pour la secouer assez fortement. Je reconnais que ce geste violent n'était pas la meilleure des réponses, mais je devais agir. Puis Marie-Noëlle, notre maîtresse, a demandé des explications. Sans hésiter une seule seconde, j'ai raconté devant toute la classe ce que je venais de subir. Dès le lendemain, elle a convoqué les parents d'élèves... Plus jamais je n'ai été embêtée.

Ressentez-vous ce besoin de revanche ?

Je ne me suis jamais construite dans la lutte, avec ce besoin viscéral de revanche. Je suis très vite passée à autre chose. La télé est arrivée si soudainement que je n'ai pas eu le temps d'intérioriser les appréhensions. Ou de réfléchir à la question « tout le monde est blanc à la télé, est-ce que c'est fait pour moi ? ».

Avez-vous déjà croisé la route de Patrick Poivre d'Arvor ?

Lorsque j'étais à LCI, il n'était déjà plus là. J'ai eu beaucoup de chance de pas être tombée dans des rédactions avec des prédateurs. Par contre, j'ai ressenti du machisme diffus, même si à mes débuts je ne l'avais pas conscientisé. Aujourd'hui, je reconnais que certains hommes, principalement des politiques, ont sous-estimé mes capacités de journaliste. Certains me faisaient sentir qu'à cause de mon jeune âge j'étais moins légitime à leurs yeux.

Par exemple ?

Ils me faisaient des petites remarques bien sournoises du genre « vous êtes trop jeune pour comprendre ». Mais ceux-là ont l'habitude d'utiliser ces techniques avec tous les jeunes journalistes, aussi bien des femmes que des hommes.

Et si on vous propose le JT de TF1 ou de France 2 ?

[Silence.] J'espère que vous me croyez si je vous dis que je n'ai jamais rêvé de présenter le JT. Aujourd'hui, la question ne se pose pas, de toute façon. J'avance par étapes et suis avant tout reconnaissante du terrain que m'offre Mediawan avec C l'hebdo. En revanche, si un jour je me retrouve face à une telle proposition, c'est difficile de dire non. Il faut être Mélissa Theuriau pour y renoncer. Et la suite lui donne raison. J'admire beaucoup ses documentaires, qu'elle réalise de manière toujours engagée. Et entre nous, j'ai une affection toute particulière pour Jacques Legros. Lorsque je tombe sur son JT, il capte directement mon attention. J'ai l'impression d'être à ses côtés, comme s'il parvenait à traverser mon écran de télé.

Vous doutez de vous ?

Tout le temps, à chaque instant. J'essaie de travailler sur mon manque de confiance. Quand j'ai quitté BFMTV avant l'été pour France 5, j'ai ressenti une vraie angoisse : celle de laisser mon équipe, qui m'a vue grandir, pour m'émanciper vers l'inconnu. Aujourd'hui, je commence à trouver mes marques dans C l'hebdo, mais il m'aura fallu trois mois.

On ne vous voit plus dans C à vous. Pourquoi ?

J'ai adoré ces quelques mois avec Babeth et toute son équipe car j'ai beaucoup appris à leurs côtés. Aujourd'hui, je dois me concentrer davantage sur C l'hebdo afin de mieux l'incarner, d'ajouter ma vraie touche personnelle. Et c'est une bonne décision, car les audiences sont très bonnes avec plus de 1 million de téléspectateurs en moyenne. Par ailleurs, j'ai des projets en cours avec Mediawan.

J'essaie de travailler sur mon manque de confiance

La « date de péremption » d'une femme à la télé vous angoisse ?

Pas du tout. Je ne la crains même pas. Depuis peu, les quinquas, les sexagénaires sont de plus en plus à l'antenne. Je pense d'ailleurs qu'elles sont encore mieux dans leur peau. J'espère qu'à cet âge je ne serai plus habitée par le doute.

Vous êtes aussi sauvage dans votre vie privée ?

Demandez à mon compagnon. Je ne pense pas être compliquée à vivre mais je suis assez sauvage, avec un très fort caractère. Il faut toujours un peu de temps pour m'apprivoiser. J'aime prendre mon temps pour tout. Un peu comme les chats.

Votre passion...

J'ai une grande passion pour tous les animaux. Ils ont tellement de choses à nous apprendre... Il est nécessaire de regarder le monde à leur hauteur pour voir l'essentiel.

Vous êtes du genre à ne pas écraser un moustique ?

[Rire.] Ah non ! Les tuer ne m'a jamais causé de problème. En revanche, je me contrôle depuis peu avec les araignées. Et ce n'était vraiment pas gagné !

C'est comment, le dimanche d'Aurélie Casse ?

C'est tout d'abord un dimanche qui débute tard. Je cuisine des spaghettis boulettes, mon plat signature ! Et il y a très souvent une balade vers le canal de l'Ourcq ou une expo en cours.

COUPS DE CŒUR

Pour décompresser d'une semaine intense, elle boit un rhum à La Cagnotte*, dans le 19e. « Je ne veux pas passer pour la grosse pochetronne, mais pour ceux qui aiment les rhums arrangés, les rhums pimentés, c'est la bonne adresse ! » En tant que grande amoureuse des animaux, elle a été bouleversée par le livre Son odeur après la pluie, de Cédric Sapin-Defour. Enfin, le film La Fille de son père, d'Erwan Le Duc, lui a permis de découvrir l'actrice Céleste Brunnquell. « Elle est tellement bluffante... Une vraie claque. »

* La Cagnotte, 114, rue de Belleville (Paris 20e).

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