La grande calamité des restaurants : le no-show

Pas compliqué de faire grimper les restaurateurs sur leurs grands chevaux : leur parler des tablées qui réservent mais qui ne viennent pas.
À Paris, la brasserie Thoumieux et, à droite, le bistrot Paul Bert.
À Paris, la brasserie Thoumieux et, à droite, le bistrot Paul Bert. (Crédits : © THOUMIEUXPARIS/INSTAGRAM ; BISTROTPAULBERT/INSTAGRAM)

Pour certains clients, c'est presque un sport ; surtout chez les touristes anglo-saxons. Ils réservent dans quatre restaurants pour le même soir. Mais le jour venu, grands seigneurs, ils font choisir à leurs amis la table qu'ils préfèrent, sans décommander les trois autres. Cela s'appelle le « no-show », la grande calamité des restaurants. « Dimanche soir, sur 110 couverts, témoigne Bertrand Auboyneau, du Bistrot Paul Bert, à Paris, 32 ne sont pas venus. Pourtant, une personne chez nous passe son temps à confirmer les tables, mais rien n'y fait. Nous avons essayé les sites de réservation, mais c'est le même pourcentage de gens qui ne viennent pas. Le manque à gagner ? Avec un ticket moyen de 60 euros, faites le calcul... » La profession, qui aime bien se plaindre, évoque non seulement cette perte sèche mais aussi le gaspillage de produits, la désorganisation du personnel et surtout la déception des clients qui se sont vu refuser une table.

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Tout autre son de cloche à la brasserie Thoumieux, du groupe Beaumarly, une vingtaine de restaurants, hôtels et clubs haut de gamme à Paris, Deauville et Nice. « Le jeudi soir, explique Thierry Costes, directeur du groupe, nous avons 1 000 demandes pour 340 couverts. Si nous n'avons pas de problème avec le no-show, c'est que nous avons une clientèle d'habitués qui viennent et reviennent et réservent sur notre site. Maintenant, c'est entré dans les mœurs. Même à l'église le dimanche, on donne à la quête via son téléphone. Les réservations en ligne sont la garantie pour les restaurateurs. Bientôt, ce ne sera plus un problème. » En fait, la donne a changé. Il y a d'un côté un large public réticent à laisser les empreintes de carte bancaire et à se voir punir d'une amende s'ils omettent d'annuler.

Nous allons être prisonniers d'un système qui ne sait en rien gérer une clientèle, impose des horaires, des captations de caution

Jean-Gabriel de Bueil (Chez Georges)

Celle-ci peut même atteindre des sommes importantes. Si vous oubliez d'annuler dans ce trois-étoiles parisien soixante-douze heures avant, le coup de martinet est cinglant pour une tablée de quatre personnes : 800 euros de punition. Même allergie chez certains restaurateurs craignant de braquer une clientèle ô combien volatile par un système qu'ils estiment coercitif, outre la commission (jusqu'à 4 %) qui de surcroît, selon eux, « pompe [leur] data » et prend la main sur l'occupation du restaurant, voire jusqu'au plan de salle. Ces derniers préfèrent, non sans un certain snobisme, fonctionner « au cahier », avec crayon et gomme. Seul petit problème, le téléphone est devenu impraticable à l'heure du service quand il n'est pas sur répondeur. Par chance, il n'existe pas encore de réservation où l'on vous demande, comme cet été sur une plage de Saint-Tropez, de garantir de dépenser au moins 1 400 euros par personne pour obtenir une table. On appelle ça « minimum spending ».

Naviguant entre ces deux systèmes, Jean-Gabriel de Bueil (restaurant Chez Georges, à Paris, 75 places) constate non sans tristesse que « l'homme crée son propre problème » : « Par incivisme, notre métier, qui reste par nature artisanal, bascule dans la financiarisation, déplore-t-il. Bientôt comme dans les centrales de réservation hôtelières, nous allons être prisonniers d'un système qui ne sait en rien gérer une clientèle, impose des horaires, des captations de caution. Alors que c'est à nous de composer nos salles, et de créer une ambiance électrique et hétérogène. Avec ce système, un de mes clients qui adore venir à 20 h 30 à la table 10 sort des radars. S'il vient chez moi, c'est pour avoir "sa" table avec "ses" habitudes, "sa" serveuse et "son" assiette de radis. »

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Commentaire 1
à écrit le 04/02/2024 à 8:24
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Le pouvoir d'achat se réduisant les restaurants sont de plus en plus obligés de faire avec ceux qui ont le plus d'argent qui sont en général les clients les plus ch... parce qu'ils s'ennuient tellement ces gens là que faire choisir leurs tables de re...

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