LA SEMAINE DE PHILIPPE VANDEL : Rubrique faits divers

CHRONIQUE - Notre chroniqueur explore le monde médiatique tel qu’il va... ou pas.
(Crédits : DR)

🥶 L'année a débuté par grand froid. Dans les pages « Philosophiques » de Libération, un titre attire mon attention : « Les faits d'hiver ».

🐻‍❄️ Pas de neige ni de blizzard, pas même un ours polaire : c'est une réflexion nietzschéenne sur les faits divers, signée Michaël Fœssel, prof de philo à Polytechnique. Je retrouve bien là Libé et son goût des calembours (atcha !). Vous avez vu la une de lundi ? « Les champs enlisés ». Et samedi : « Attal, le baptême du foin ». Humour !

🔫 Michaël Fœssel a rendu son texte fin décembre. Il est toujours en ligne. Mais depuis la Saint-Sylvestre, les faits divers ont déserté le paysage médiatique. Même les disparitions ont disparu.

🌊 Janvier 2024 aura été un mois unique pour l'actu. À peine le réveillon digéré, les chaînes de télé se sont mangé des inondations dévastatrices. Là-dessus est arrivée la « vague de froid ». Avec des micros-trottoirs dévastateurs : « C'est quoi votre astuce pour avoir chaud ? - Ben, je mets un pull. - Ah, OK... »

🧦 Pensée pour les diplômés des grandes écoles de journalisme qui rêvaient de grands reportages sur les filières de l'opium ou d'entretiens avec les grands de ce monde, mais qui se retrouvent à filmer des superpositions de chaussettes.

🌥️ Enfin arrive le redoux. Le service police-justice revit : c'est à nous, maintenant ! On va bien dégotter un ado qui a tué sa belle-mère d'une rafale de chevrotine. Hélas...

🎤 Remaniement ! Gabriel Attal déboule à Matignon. Il est jeune, homo, et il parle vrai. Ça change. Les articles pleuvent. La chevrotine attendra. Mais voici qu'entre en scène Amélie Oudéa-Castéra. Dès sa première sortie, la nouvelle ministre de l'Éducation se met tout le monde à dos : les profs, les syndicats, les parents d'élèves du public et même du privé, qui se disent stigmatisés par une parole censée les défendre.

🔥 Jamais un ministre n'a affronté un tel feu dès sa nomination. Oudéa-Castéra ou le bad buzz quotidien. Le deuxième jour, après les « paquets d'heures non remplacées », on apprend que le fils de la ministre a été placé dans le privé quand il était en maternelle. Le troisième jour, les éditorialistes sacralisent son surnom : AOC.

😂 Quatrième jour, les humoristes se jettent sur l'appellation. Ils épuisent toutes les plaisanteries possibles entre ministre et vignoble. Régalade, rigolade.

😥Cinquième jour, les seconds couteaux essorent : « AOC : la piquette ». « AOC : la gueule de bois ». « AOC n'est pas un bon cru : personne ne la croit ». Trop trop rigolo !

🍷 Sixième jour, le réel supplante le ricanement. Le Premier ministre voit venir la menace de ceux qui produisent pour de vrai les AOC : viticulteurs, éleveurs, cultivateurs. C'est le début de la crise agricole.

🚜 Mardi, Attal prononce son discours de politique générale à l'Assemblée. Les tracteurs bloquent la France. Les blindés bloquent les tracteurs. Rungis est sauvé, Orly et Roissy épargnés. Note pour plus tard : pour bosser tranquille, faut être pilote d'avion ou importateur de kiwis. Quand c'est fini, ça recommence. Jeudi : grève des enseignants. AOC en cave ? On ne l'entend plus. Le même soir, Macron est à Bruxelles avec les « Vingt-Sept ». Les tracteurs roulent en tous sens. Les chefs d'État se demandent ce que ça signifie.

🧑‍🌾 Les Français soutiennent à 87 % le mouvement des agriculteurs. Y compris les Verts (oui, les mêmes qui demandent toujours plus d'interdictions contre lesquelles se battent les agriculteurs). Les médias sont en mode « récup ». Avec sincérité. Entendu ce lapsus d'un correspondant radio en direct : « Il est monté sur des potes de paille.

💃La cheffe du service culture de BFMTV, Candice Mahout, quitte les studios pour intervenir en duplex depuis un barrage de tracteurs. C'est pour la bonne cause : elle piste Karine Le Marchand, présentatrice de L'amour est dans le pré (M6), venue à la rencontre des paysans avec une cargaison de 300 croissants. Chaudement applaudie.

📺 Je ne reconnais plus ma télé. Où sont passés les faits divers ?

💊 2023 fut un millésime exceptionnel : Pierre Palmade et le chemsex, le petit Émile envolé, les rebondissements de l'affaire Jubillar : ce mari qui lave soudain sa couette à 4 heures du matin... Depuis le début de l'année, plus aucun feuilleton sordide à se mettre sous la dent. Pas la moindre breaking news depuis une maison isolée, avec le Kangoo de la gendarmerie, une barrière en plastoc, et l'envoyé spécial qui n'a rien vu mais qui meuble l'antenne.

☠️ Allez, si, quand même, ce titre du Parisien : « Elle conduit 120 kilomètres jusqu'à Paris avec sa mère de 93 ans, morte, sur le siège passager avant ». Explication : sa fille a ainsi économisé les frais de transport facturés par les pompes funèbres. Dans Télématin, Alex Vizorek ironise : « Pour une fois que les Français font du covoiturage... »

⤵️ Et puis ? Et puis plus rien. En temps normal, cette histoire aurait fait la une des journaux, alimenté débats de société et talk-shows. Car elle coche toutes les cases : la mort, l'amour filial, la paupérisation du pays, le fameux diptyque fin du monde-fin du mois. Essence et décence.

Roland Barthes disait : le fait divers n'a pas de sens, mais il a une signification.

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