LA SEMAINE DE PHILIPPE VANDEL : Un trop-plein de vide

CHRONIQUE - Chaque semaine, notre chroniqueur explore le monde médiatique tel qu’il va… ou pas. Et cette semaine, il s'interroge sur la question du vide sur les réseaux sociaux.
Philippe Vandel
Philippe Vandel (Crédits : DR)

Pourquoi y a-t-il quelque chose plutôt que rien ? C'est l'abyssale interrogation de Leibniz. Personne n'y a jamais répondu vraiment. Personne n'a posé de question plus profonde. En cette fin 2023, le mystère s'inverse : pourquoi y a-t-il rien plutôt que quelque chose ?

🎥 « Rien n'est jamais acquis dans ce métier. » Ludivine Sagnier parle en philosophe. Elle a tourné dans le Napoléon de Ridley Scott, superproduction de 200 millions de dollars (en tête des sorties ciné cette semaine). Elle y incarne une aristocrate espagnole, Thérésa Cabarrus, maîtresse du révolutionnaire Paul Barras (Tahar Rahim) pendant la Terreur. Mais ça, c'était avant. Car elle a été coupée au montage. Couic ! Mais pas de couac. On ne la voit pas, mais elle a été payée. Normal. Et son nom figure toujours au générique. Cruel, mais contractuel.

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👙 L'inverse existe. Aitana Lopez est une influenceuse espagnole qui n'existe pas. Sauf qu'elle gagne 10 000 euros par mois ! Aitana, 25 ans, cheveux roses, tenues sexy, a été créée par une intelligence artificielle. Zéro arnaque : son caractère virtuel est bien spécifié, même si elle reçoit quand même des demandes de rendez-vous de partout dans le monde. Sur Instagram, 186 000 abonnés suivent son existence de rêve, qu'elle n'a jamais vécue. Plusieurs marques l'ont choisie comme égérie. Pour arrondir ses fins de mois, elle publie également des photos d'elle en lingerie sur Fanvue, une plateforme payante similaire à OnlyFans. On en est là : un ordinateur retire à l'aide d'un logiciel des vêtements créés par logiciel sur une image créée par ordi. D'où les 10 000 euros mensuels... Intelligence artificielle. Bêtise réelle.

💬 Franceinfo me fait découvrir hier une vidéo devenue virale sur les réseaux sociaux. Un petit garçon confie sa peine à Alexa, l'assistante virtuelle d'Amazon. Le bambin a une dizaine d'années, il parle français. Alexa aussi. Timidement, il lui fait cette confidence : Ma petite copine m'a quitté. Alexa : Je suis désolée. Vous voulez une blague pour vous remonter le moral ? L'enfant acquiesce : Oui. Alexa : Toc-toc... L'enfant : Qui est là ? Réponse de l'intelligence artificielle : Pas ta copine...

Franceinfo a fait les comptes : cette vidéo a suscité des millions de vues et des milliers de commentaires. Un internaute prend pitié : « Il va lui falloir dix ans de thérapie après cette réponse. »

À qui pourra-t-il en parler ?

📲 Je pose la question car dans C l'hebdo sur France 5, le criminologue Alain Bauer cite l'enseignement d'une méta-étude menée sur plusieurs continents : les jeunes ne se parlent plus. Ce n'est pas un cliché. Certes, les millénials communiquent par SMS, WhatsApp et autres applis. Ils passent justement des heures sur les réseaux. Avec tant d'autres. C'est là que le bât blesse : ils parlent, mais sans se parler. Ils préfèrent envoyer des messages vocaux, pour ne pas avoir à entendre la réponse de l'autre, ou plutôt : pour ne pas avoir à répondre à sa réponse. Comme quand vous vous réjouissez de tomber sur le répondeur de votre boss, plutôt que sur le boss en personne, pour lui annoncer que vous serez en retard.

🙊 Elle non plus ne veut plus parler. Anne Hidalgo s'est retirée cette semaine du réseau X (ex-Twitter). Pour échapper au #Tahitigate, et après ses vives critiques sur l'organisation des transports aux JO de 2024. « On ne va pas être prêts », a-t-elle prévenu (après avoir séché les réunions). La maire de Paris avait engrangé plus de 1,5 million de followers. C'est considérable. Elle a préféré rien plutôt que quelque chose.

🤮 Dans une tribune publiée dans Le Monde, elle s'explique : « Ce média est devenu un vaste égout mondial. [...] X empêche le débat, la recherche de la vérité, le dialogue serein et constructif nécessaires entre les êtres humains. » Exactement ce que cherchent les journalistes en face à face.

🥇 Mardi, Laurent Nuñez, préfet de Paris, a révélé au Parisien le plan de circulation pendant les JO. On savait déjà qu'il y aurait des quartiers interdits à la circulation (Concorde, Champs-Élysées), on découvre que les stations de métro qui s'y trouvent seront fermées par mesure de sécurité, car elles donnent sur des lieux de compétition.

🚇 C'est pas fini. Écoutez le préfet : « Il y a un autre problème : la capacité de desserte des stations. Certaines stations proches de sites fermeront parce qu'elles sont trop petites. »

Didier Rykner, fondateur de la revue en ligne La Tribune de l'art, analyse le raisonnement et s'étrangle : « On est chez les dingues ! Comme il n'y a pas de réseau de transports en commun capable de transporter les foules, on fermera les stations pour être bien certain qu'ils ne pourront pas venir du tout. »

💶 Venir à quel prix ? Dans la foulée, on nous informe que pendant la durée des Jeux, le prix du ticket de métro va doubler, passant de 2,10 à 4 euros. Et le billet pour la journée grimpera à 16 euros. Or on se souvient que, pour obtenir les Jeux olympiques, les organisateurs avaient brandi un bel argument : « les transports seront gratuits ».

Finalement, il faudra payer quelque chose plutôt que rien. Leibniz aurait apprécié.

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Commentaire 1
à écrit le 03/12/2023 à 9:42
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Quand le vide parle du vide cela nous donne une petite idée de ce que pourrait être le néant. Parce que quand on vient de la télé on sait ce que c'est le vide hein ! On n'est que cela. Pour ma part j'ai bien plus à manger sur les réseaux sociaux qu'à...

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