Théâtre : Robin Renucci, meneur de troupe à Marseille

Le directeur du théâtre La Criée à Marseille met en scène « À la paix ! » d’Aristophane et développe ses ambitions pour la ville et ses publics.
L’acteur est aux commandes du Théâtre national de Marseille depuis avril 2022.
L’acteur est aux commandes du Théâtre national de Marseille depuis avril 2022. (Crédits : © CHRISTOPHE RAYNAUD DE LAGE)

Micro à la main, il se lève dans la pénombre : « J'aimerais que l'on reprenne cette scène. Sans les effets d'envol. On doit régler d'abord le texte, les temps entre les répliques. » Avec sa haute et très mince silhouette, Robin Renucci pourrait être pris pour un jeune assistant. Mais c'est bien lui. Le patron de La Criée, le Théâtre national de Marseille, qu'il dirige depuis le plateau.

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Les techniciens, engagés à vue dans la représentation, sont à l'écoute, comme les comédiens présents cet après-midi-là, à quelques jours de la première. L'atmosphère est légère. Concentrée et heureuse. On répète À la paix ! d'après Aristophane, dans une adaptation du metteur en scène et de Serge Valletti, écrivain né dans la cité phocéenne à l'orée des années 1950.

Sur la scène, une étrange construction mobile, sa cuve transparente où bouillonne un liquide indéfinissable, ses tuyaux comme autant de tentacules inquiétants. Cela pourrait être un alambic surdimensionné. « On reprend encore une fois ! » La troupe s'amuse dans cette belle et grande salle rebaptisée Déméter.

« C'est une manière d'inscrire l'histoire même de Marseille au cœur du théâtre, observe Robin Renucci. Déméter est la Terre mère. Un salut à Jean Giono, qui s'est tant inspiré de la Grèce. Et toute la saison durant, nous proposerons des rendez-vous où apparaîtront les grandes figures de la mythologie. » On devine, en découvrant la saison 2023-2024 de cette maison magnifique, installée sur le Vieux-Port dans l'ancienne Criée de la ville réhabilitée, que Robin Renucci prend grand soin du lieu. Comédien connu et reconnu, il a depuis longtemps assumé de lourdes responsabilités dans les institutions culturelles du pays. De lui-même, il a fondé il y a vingt-cinq ans sur l'Île de Beauté, l'île de sa mère, l'Association des rencontres internationales artistiques (Aria), qui a reçu le label centre culturel de rencontres, et organisé depuis les très fertiles Rencontres internationales de théâtre en Corse. Robin Renucci est un bâtisseur. Pas seulement l'acteur formé au Conservatoire, inoubliable Don Camille du Soulier de satin de Paul Claudel, mise en scène d'Antoine Vitez, dans la cour d'honneur d'Avignon en 1987, portant de grands rôles sous la direction de Christian Schiaretti, très demandé au cinéma, d'Eaux profondes à Jeanne du Barry en passant par Escalier C, vedette aimée à la télévision, notamment avec Un village français. Non. Jouer le passionne, mais il veut construire. Il a été élevé dans la vénération de l'éducation populaire de l'après-guerre. Il y a trouvé des maîtres, et dans la distribution d'À la paix ! figure Frédéric Richaud, qui a longtemps voyagé avec Éclats de scènes - Cultures itinérantes et qui codirige depuis 2019 le premier Centre dramatique des villages du Haut Vaucluse, avec une base à Valréas. « Là même où j'ai tout appris », glisse Renucci. Loin des coteries parisiennes, il est un héritier de Jean Vilar.

Un jour, je me suis dit qu'il y avait une chose que je n'avais pas faite, diriger un centre dramatique...

Robin Renucci

Cette nomination, qui date d'avril 2022, ne s'est pas faite sans quelques protestations. Il y avait pas mal de candidates et de candidats en lice. Une vraie bagarre a opposé la Drac (direction régionale des affaires culturelles) à la ministre d'alors, Roselyne Bachelot-Narquin, d'accord avec la Ville de Marseille pour nommer Robin Renucci. Il peut en parler d'autant plus sereinement qu'il se sait légitime et renforce pas à pas cette légitimité. Dans son projet, le public est au premier rang et au centre est la langue, le souffle, donc l'acteur.

À la paix ! est une farce. On y voit la guerre telle une furie effrayante. On y voit un certain Yv(r)e, joué par Guillaume Pottier, vigneron du Sud qui monte dans les nuées à la recherche de la réponse des dieux : où est donc passée la Paix ? On se doit de demander au metteur en scène s'il n'est pas délicat, ces temps-ci, de proposer une farce sur la guerre et la paix ? « Ce texte fait partie de mon projet, répond-il. Le déclenchement de la guerre en Ukraine et, alors que nous étions en plein travail, le 7 octobre et tout ce que cela a enclenché auraient pu nous faire vaciller. Mais nous sommes du côté de la fiction. » Et si, à la fin, surgit un enfant-soldat, ne vous y trompez pas : c'est Aristophane qui l'a voulu.

À la paix !, à La Criée - Théâtre national Marseille, jusqu'au 26 novembre. Le mercredi à 19 heures, les mardi, jeudi, vendredi, samedi 20 heures, dimanche 16 heures. Durée : 1 h 30. Tél. : 04 91 54 70 54. theatre-lacriee.com

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