Adèle Exarchopoulos et Mélanie Laurent : « Voleuses est un film sur la liberté des femmes »

ENTRETIEN - Dans le cadre intimiste du Bristol, la réalisatrice Mélanie Laurent et la comédienne Adèle Exarchopoulos se livrent avec bonne humeur et intimité sur le film qui les réunit : Voleuses. Interview croisée.
Mélanie Laurent et Adèle Exarchopoulos à l’hôtel Bristol à Paris, lundi.
Mélanie Laurent et Adèle Exarchopoulos à l’hôtel Bristol à Paris, lundi. (Crédits : ⓒ Cyrille George Jerusalmi pour La Tribune du Dimanche)

Voleuses marque votre première incursion dans la comédie d'action. Était-ce un désir de longue date ?

MÉLANIE LAURENT : C'est un vrai plaisir de spectatrice d'aller voir des films d'action. J'avais donc le petit fantasme d'en réaliser un. Mais c'est compliqué à écrire, à imaginer, surtout lorsque l'on a fait du film qualifié « d'auteur » sans d'énormes budgets. Puis on m'a proposé le projet alors que j'étais en plein montage du Bal des folles. J'étais super heureuse. J'ai vu ça comme une respiration.

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Qu'est-ce qui vous a plu dans ce projet ?

ADÈLE EXARCHOPOULOS : Beaucoup d'amis très différents ont travaillé avec Mélanie et l'aiment beaucoup. En lisant le scénario, j'ai adoré l'idée de pouvoir faire un divertissement, ce que j'ai toujours trouvé essentiel, et d'y allier de l'action avec un côté ultra-décalé, presque à la Tarantino. On passe d'une scène dans un supermarché où on se demande ce qu'il y a de périmé à des réflexions profondes sur ce qu'est le sens de cette vie en tirant sur un drone. C'est génial.

Aviez-vous déjà vos actrices et acteurs en tête au moment de l'écriture ?

M.L.: J'ai écrit le personnage de Marraine pour Isabelle Adjani et celui d'Alex pour Adèle. C'était au point où si Adèle refusait le rôle, je n'étais pas complètement sûre de vouloir faire le film. Pour Isabelle Adjani, ç'aurait été compliqué, mais j'aurais pu trouver une idée complètement différente et essayer de l'oublier. Pas pour Adèle.

Qu'avez-vous aimé dans le personnage d'Alex ?

A.E. : Alex est une femme très complète et pleine de contradictions. C'est un immense cœur d'artichaut qui ne demande qu'à être aimé, qui se trompe parce qu'elle est maladroite, trop rapide, trop impatiente. Mais elle peut tuer de sang-froid pour un animal qu'elle aime ou pour ses amis.

« Si Adèle refusait le rôle, je n'étais pas sûre de vouloir faire le film »

Mélanie Laurent

Mélanie Laurent, vous réalisez le film. Saviez-vous dès le début que vous alliez aussi enfiler la casquette d'actrice ?

M.L.: Pas du tout ! Je ne veux jamais être dans mes films, d'ailleurs. Tout s'est décidé au dernier moment. L'actrice que j'avais choisie a eu des problèmes de calendrier. Même si c'était fatigant et inattendu, l'alchimie née dans la réalité avec Adèle dès la première seconde a permis de donner ce que l'on voit à l'écran. Ce que les gens nous disent beaucoup, c'est qu'ils ont envie d'être avec nous. Ce sont des petits miracles que l'on ne peut pas calculer.

Le film parle de loyauté, de sororité, et révèle une figure d'héroïne inédite. Pour autant, il n'est pas pensé contre les hommes ou pour ne plaire qu'aux femmes. Comment avez-vous réussi le bon dosage pour parler de la féminité sans tomber dans le clivage hommes-femmes ?

M.L.: Parce que je ne l'aime pas dans la vie. Il y a une force illimitée lorsque l'on est entre femmes qui s'aiment, se respectent et sont loyales. Je trouve qu'il n'y a rien de plus beau. Mais je n'ai pas du tout envie de faire un film « pour les femmes ». Justement, si on veut être féministe, faisons un film qui va plaire aux hommes et dans lequel ils peuvent apprendre à mieux nous connaître.

On vous voit tirer, conduire, courir, vous battre... Comment vous êtes-vous préparées pour vos rôles ?

A.E.: Ça a été difficile, mais ça a fait naître une discipline chez moi, ce qui était justifié puisque mon personnage est quelqu'un de discipliné. On a eu un coach sportif. C'était une nouvelle méthode de travail que je n'avais jamais expérimentée et qui m'excitait beaucoup. C'était une chance de pouvoir faire mes cascades, que ce soit en voiture ou dans les bagarres. Bon, résultat, je me suis fait casser le nez dans une scène : on a arrêté le tournage pendant quinze jours.

M.L : Elle a été tellement courageuse ! Elle est tombée dans les pommes, il y avait du sang, et la première chose qu'elle m'a dite en reprenant ses esprits a été : « Dis-moi que t'as eu la prise ! »

Malgré les cascades et les décors impressionnants, vous semblez tourner avec beaucoup de naturel. Quelle place laissez-vous à l'improvisation ?

M.L.: Je ne suis pas de la catégorie des réalisatrices qui s'en tiennent au scénario à la ligne près. J'écris très vite, parce que je sais que tout peut changer. J'ai par exemple réécrit la séquence finale la veille du premier jour de tournage. Après, le naturel, c'est la patte d'Adèle à 80 % ! Elle m'a fait des vannes, a créé des fins de séquence.

Comment décririez-vous Mélanie Laurent en tant que réalisatrice ?

A.E. : Il y a quelque chose d'extrêmement bienveillant chez Mélanie, ce qui n'est pas toujours le cas sur un plateau. Ça a ravivé chez moi ce désir de travailler avec des gens que l'on aime, que l'on estime humainement et qui nous tirent vers le haut. Elle voulait qu'on se sente jolies et féminines mais sans imposer une vision de ce qui l'est. Lorsque je lui ai dit que je trouvais le jogging-claquettes ultra-sexy, elle m'a juste dit : « Vas-y ! »

« J'aime les gens qui ne sont pas blasés »

Adèle Exarchopoulos

Aviez-vous des références en tête durant le tournage ?

M.L.: Depuis que je fais des films, j'ai toujours eu l'impression d'entrer dans une grammaire référencée sans en sortir. Là, je me suis lâchée et ça m'a fait un bien fou. J'ai compris que l'on pouvait arrêter d'enfermer des films dans des genres.

A.E.: C'est un film sur la liberté. La liberté de concevoir la maternité, l'amitié. Et lorsque les messages transmis dans le film sont en accord avec ce qui se déroule sur le plateau, c'est là que l'on crée le mieux.

M.L. : Ce film nous a donné beaucoup de force.

Quel souvenir gardez-vous de vos scènes avec Isabelle Adjani ?

A.E.: Un rêve. J'aime les gens qui ne sont pas blasés. Elle a beau avoir une carrière phénoménale, elle garde une passion de chaque instant. Vous ne vous ennuyez jamais avec elle. C'est rare de rencontrer des gens que l'on adule et de les aimer encore plus après les avoir réellement découverts. C'est là que l'on voit que l'intelligence est sexy, et que c'est un peu éternel.

M.L.: J'ai une relation très forte avec Isabelle Adjani. C'est la première personne qui a vu mon fils à la maternité avant même ma famille. Voilà pourquoi j'ai écrit le rôle en pensant à elle. C'est une femme extraordinaire.

Est-ce que l'on aura droit à un Voleuses 2 ?

M.L. : Oui, j'en ai très envie ! Il faudrait que celui-ci plaise. Mais si c'est le cas, j'ai déjà imaginé ce que j'allais raconter dans la suite. ■

Voleuses, film de Mélanie Laurent. Avec elle-même, Adèle Exarchopoulos, Isabelle Adjani, Manon Bresch, Philippe Katerine. D'après la série de bande dessinée La Grande Odalisque.

Sur Netflix mercredi. 1 h 55.

MANON BRESCH, ALIAS SAM

Jamais deux sans trois. À l'image de son personnage dans Voleuses, Manon Bresch est celle grâce à qui un duo soudé et établi se mue en un trio singulier et épanoui. Du haut de ses 25 ans, la comédienne révélée dans Plus belle la vie puis repérée dans la série fantastico-horrifique Mortel nous en met plein la vue sous la combinaison de Sam. Comme cet as du volant qui en impose, elle a su s'allier aux forces de Mélanie Laurent et Adèle Exarchopoulos pour faire vrombir son style à l'écran. Impressionnante lorsqu'elle change de vitesse comme de bolide, l'actrice en est pourtant à ses premières fois. Elle qui n'avait pas le permis de conduire avant le tournage emporte tout sur son passage dès son entrée en scène, dans laquelle elle envoie se rhabiller ses concurrents sur le circuit du Mans. Percutante de sincérité, la pilote se défait de sa carapace au fur et à mesure, laissant entrevoir ses failles. Sam embrasse alors le destin de Manon Bresch en se mettant à nu pour marquer les esprits. Un talent à suivre de très près. M.F.

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Commentaire 1
à écrit le 29/10/2023 à 9:44
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Adèle Exarchopoulos et Leila Bekhti sont sans doute nos meilleures représentantes du cinéma français, elles sont aussi belles à l'intérieur qu'à l'extérieur.

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