Théâtre : Zabou choisit Zazie

La comédienne, réalisatrice et metteuse en scène propose, avec le compositeur Reinhardt Wagner, une adaptation du livre de Raymond Queneau en comédie musicale.
Alexandra Datman dans « Zazie dans le métro ».
Alexandra Datman dans « Zazie dans le métro ». (Crédits : © Christophe RAYNAUD DE LAGE)

Si l'on écrivait comme Raymond Queneau dans son livre de 1959, Zazie dans le métro, le titre de cet article pourrait être « Zabouchoizizazi ». Zabou Breitman, comédienne, réalisatrice, metteuse en scène, femme qui va de l'avant et aime entreprendre, réalise l'un de ses rêves : monter une comédie musicale s'inspirant de l'ouvrage qui apporta la notoriété à Raymond Queneau. L'argument peut être circonscrit en quelques lignes : venues de province, une maman et sa fille arrivent à Paris pour quelques jours. La mère, qui a occis son mari abuseur, pressée de retrouver l'un de ses amants, dépose sa fille de pas même 10 ans chez un oncle qui gagne sa vie dans un cabaret, la nuit... Zazie n'a qu'une idée : quitte à être à Paris, elle veut découvrir le métro. Hélas, il y a grève... L'ouvrage, construit comme un roman d'initiation, une aventure épique, conduit la jeune héroïne à rencontrer des personnages hauts en couleur, y compris Laverdure, perroquet de grande éloquence : « Tu causes, tu causes, c'est tout ce que tu sais faire ! » oppose-t-il au monde désinvolte. Tandis que cette délurée de Zazie ponctue souvent ses répliques d'un « mon cul », interjection qu'on lui pardonne !

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Un an à peine après la parution du livre, Louis Malle avait bouclé son immortel film, sur un scénario coécrit avec Jean-Paul Rappeneau. Un film en couleur qui réunissait des personnalités exceptionnelles pas encore très connues du 7e art : Philippe Noiret, Jacques Dufilho, Hubert Deschamps, Annie Fratellini, Yvonne Clech, entre autres. Et, révélation malicieuse, irrésistible avec ses dents du bonheur, sa coupe à la Jeanne d'Arc, son merveilleux naturel et son intelligence pétillante, Catherine Demongeot. On ne l'a jamais oubliée. Avec son pull orange et sa vivacité insolente, elle avait beaucoup séduit. Même si public et critiques d'alors étaient un peu secoués par les envolées verbales charriant des gros mots comme des petits cailloux scintillants.

Noirceur et allégresse mêlées

Le temps a passé. Une première adaptation de Zazie en comédie musicale aurait été présentée en 2012 au Châtelet. Mais avouons-le, cette production a si peu marqué que l'on n'est même pas sûr qu'elle ait jamais existé... « Il y a longtemps que je pensais à Zazie, dit Zabou-Isabelle Breitman, qu'enfant son père Jean-Claude Deret, l'auteur de Thierry la Fronde, appelait... Zazie, évidemment. J'avais été affermie dans mon désir en créant, avec le compositeur Reinhardt Wagner, une version musicale de Poil de Carotte à l'opéra de Montpellier, en 2019. Jules Renard est très noir. Raymond Queneau également. On reconnaît en eux quelque chose de ces contes cruels qui font notre éducation, enfants. Mais il y a chez Raymond Queneau une pensée philosophique, pataphysique, qui s'exprime en une manière d'écrire hors norme. Il est aussi sombre que Jules Renard, mais en même temps il y a en lui plus de fantaisie. Cette fantaisie prend le pas sur tout ce qu'il peut laisser sourdre de pessimisme. C'est l'élégance suprême. »

La musique est là pour traduire noirceur et allégresse mêlées. Reinhardt Wagner excelle à s'inscrire dans le droit fil des maîtres du grand théâtre musical. On pense à Kurt Weill, Hanns Eisler, Jean Wiener, notamment. Sur le plateau, six instrumentistes et leurs contrebasse et basse électrique, clarinettes et sax baryton, violoncelle, violon, trompette, accordéon, flûte à bec, percussions, vibraphone, piano électrique... Pas mal ! Et sept comédiens-chanteurs-danseurs tels que Franck Vincent qui est l'oncle Gabriel et Fabrice Pillet qui joue Turandot mais aussi Trouscaillon, pour n'en citer que deux. Car, évidemment, les chansons sont très importantes et soutiennent l'alacrité de l'ensemble.

Dans le rôle de Zazie, on va découvrir une jeune artiste de 22 ans, Alexandra Dalman, brunette hyperdouée, qui va ajouter son charme très « vert » aux représentations. Une « perle », dit Zabou Breitman, qui a beaucoup tourné ces derniers temps, avec Lucien Jean-Baptiste, avec Hélène Merlin pour son premier film, et travaille déjà sur un projet filmique singulier à base de photographies récupérées dans une brocante et qui s'intitule Le Garçon... Le saviez-vous ? Queneau avait d'abord pensé à un garçon pour Zazie...

Création à la Maison de la culture d'Amiens du 12 au 15 mars, à la MC93 de Bobigny du 20 au 23 mars, à l'Azimut - Antony-Châtenay-Malabry les 27 et 28 mars, puis en avril au Havre, à Liège, Antibes, Fribourg, et en mai à Anglet, La Rochelle, Villeurbanne. Le texte de Raymond Queneau est disponible chez Folio (Gallimard).

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