Il ne s'en cache pas. Vincent Lindon se rêve parfois en (vrai) président de la République française, loin des plateaux de cinéma et des rôles de fiction. Lui qui fut un Premier ministre candidat à l'Élysée devant la caméra malicieuse d'Alain Cavalier dans Pater (2011). Inutile de dire alors que la figure professorale l'intéresse au plus haut point : de prof de collège à père de la nation, c'est presque un parcours naturel.

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Dans Comme un fils, le nouveau film de Nicolas Boukhrief, l'acteur incarne donc Jacques Romand, professeur d'histoire. Mais il est « comme une truie qui doute », pour reprendre la formule d'un ancien prof, Claude Duneton, qui à l'orée des années 1980 déjà écrivait sur le malaise enseignant et la dépression qui guette. Bertrand Tavernier en avait d'ailleurs fait un film, Une semaine de vacances, avec Nathalie Baye dans le rôle de la prof déboussolée. Jacques Romand, lui, décide dès le début du film de quitter cette Éducation nationale et son collège où il ne se sent plus comme un poisson dans l'eau. Mais, témoin de l'agression violente d'un petit épicier de son quartier, il permet l'arrestation de l'un des voleurs, Victor, un garçon de 14 ans (Stefan Virgil Stoica).

Or il découvre rapidement que cet adolescent, membre de la communauté des Roms, est déscolarisé et forcé de voler pour survivre. Comme un fils est l'histoire de la relation tendue, chaotique et difficile qui se noue par à-coups entre cet homme au passé douloureux et cet adolescent au présent dramatique. En partie rejeté par les siens parce qu'il est un bâtard, Victor n'accepte pas d'emblée la bienveillance de celui qui se voudrait un Pygmalion moderne. Victor, c'est aussi le prénom du jeune héros de L'Enfant sauvage (1970) de François Truffaut. Nul doute que le cinéaste cinéphile Boukhrief ne l'a pas choisi au hasard pour raconter cette version actuelle d'une éducation en milieu hostile.

Veine clairement sociale, voire politique

Comme un fils est le neuvième film écrit et réalisé par Nicolas Boukhrief, dont la filmographie recèle notamment des polars qui ont fait date comme Le Convoyeur en 2004 et Trois Jours et une vie en 2019, d'après le roman de Pierre Lemaitre. Mais c'est une veine résolument différente et clairement sociale, voire politique, qu'il aborde avec ce film, comme il avait déjà pu le faire en 2016 avec le thème de la radicalisation et du terrorisme dans Made in France. Selon son propre aveu, l'assassinat de Samuel Paty est d'ailleurs à l'origine de ce nouvel opus, avec la volonté affichée de rendre hommage à ceux qui l'ont aidé à se constituer. La figure fictive de Jacques Romand, qu'incarne Vincent Lindon avec infiniment de conviction, s'inscrit dans cette démarche. Il est tout au long du film présenté comme une sorte de saint laïque. Certes, d'entrée de jeu, il abandonne l'enseignement, mais c'est pour mieux en retrouver les missions à travers l'alphabétisation de migrants.

L'autre volonté assumée de Nicolas Boukhrief porte assurément sur les Roms et l'image qui est véhiculée de cette population en France comme en Europe. « Tout le monde semble avoir oublié qu'après les Juifs c'est la deuxième population exterminée pendant la guerre, précisément en raison de leur race », n'hésite pas à rappeler le cinéaste quand on l'interroge sur ce qui l'a conduit à faire des Roms le second sujet de son film.

Autant d'éléments qui font de Comme un fils une contribution utile aux débats en cours sur le rôle et la place des enseignants dans notre société confrontée par ailleurs à un autre pari éducatif : l'accueil et la formation de tous. Il est des fictions plus nécessaires que d'autres.

Comme un fils, de Nicolas Boukhrief, avec Vincent Lindon, Karole Rocher, Stefan Virgil Stoica. 1 h 42. Sortie mercredi.