Football : Warren Zaïre-Emery, anatomie d'un phénomène

Le jeune footballeur de 17 ans bat tous les records de précocité au PSG, qui en a fait l’incarnation de son nouveau projet. Place à l’équipe de France désormais ?
Vendredi au Parc des Princes après son but contre Montpellier (3-0).
Vendredi au Parc des Princes après son but contre Montpellier (3-0). (Crédits : Philippe Lecœur / Icon sport)

Une semaine dans la vie d'un futur bachelier. Vendredi : deuxième but en deux matchs et place de leader provisoire avec le PSG. Warren Zaïre-Emery était attendu. Comme à chaque fois désormais. Mardi : match à San Siro contre l'AC Milan en Ligue des champions. Warren Zaïre-Emery est attendu. À l'aller au Parc des Princes (3-0), il avait tissé sur mesure son costume de nouvelle sensation hexagonale, deux passes décisives et le trophée d'homme du match empaqueté dans son sac. Jeudi : annonce de la liste de Didier Deschamps pour les deux dernières sorties de l'équipe de France en 2023. Warren Zaïre-Emery sera attendu.

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17 ans et 242 jours : son âge aujourd'hui. S'il était appelé en Bleu et que Didier Deschamps le faisait jouer dans deux semaines, il battrait le record post-Première Guerre mondiale d'Eduardo Camavinga (17 ans et 303 jours).

Il y a un mois, le sélectionneur avait dépeint le milieu parisien en « candidat sérieux », appuyant un éloge rare dans sa bouche. Aucun enjeu, Tchouaméni blessé : la fenêtre est propice au test. L'intéressé le sait. Les Bleus, c'est son prochain objectif. Il l'a assumé cette semaine dans le quotidien italien Tuttosport, qui en fait un prétendant au Golden Ball (meilleur jeune évoluant en Europe), précisant que ça « ne [le] dérangerait pas de battre le record de Camavinga ». En septembre 2020, à 17 ans et 303 jours, l'ancien Rennais était devenu le plus jeune international tricolore depuis Maurice Gastiger en 1914. Le 18 novembre, au soir de la réception de Gibraltar, Warren Zaïre- Emery affichera 17 ans et 255 jours...

Le 8 mars 2006, quand Warren a vu le jour à Montreuil (Seine Saint-Denis), Sergio Ramos foulait la pelouse avec le Real Madrid en 8e de finale de la Ligue des champions. Lionel Messi était sur le pont la veille avec le Barça. La saison passée, les trois jouaient ensemble. Cela dit autant de la longévité des deux ex-galactiques du PSG que de la précocité de ce pur produit local. De sa découverte officielle du monde professionnel en août 2022, trois semaines après avoir signé un contrat, à sa première passe décisive en Ligue des champions cette saison, sa trajectoire météorite s'égrène au son de « plus jeune joueur à... », d'éternel surclassé.

À 4 ans et demi, il régalait au milieu des 6 ans du club d'Aubervilliers, où son père entraînait en parallèle d'un emploi à La Poste. À 6 ans, au milieu des 8 ans. Et ainsi de suite. Jusqu'à intégrer le PSG à 9 ans. La préformation et la formation avant l'heure. Et à disputer la Youth League avec les U19 à 15 ans.

Dans la foulée, Mauricio Pochettino l'intégrait au groupe pro. Il y a quinze mois, il remportait l'Euro U17 avec un an de moins que les autres et en étant « un des meilleurs » du tournoi. « Parfois, il y a des étoiles filantes, resitue José Alcocer, son sélectionneur d'alors. Lui, il reproduit en Ligue des champions ce qu'il faisait avec nous : mainmise sur le jeu, simplicité... C'est juste une étape de plus. »

3 passes décisives en Ligue des champions cette saison. Warren Zaïre-Emery domine le classement à mi-parcours de la phase de poule. Il est aussi le Parisien qui a parcouru le plus de kilomètres (34,6).

À la rentrée, une des premières décisions de Thierry Henry en tant que sélectionneur des Espoirs a été de confier le brassard au cadet de son e ectif. Deux mois plus tard, il gratte donc à la porte des A. « Le ciel est sa limite », a décrété le champion du monde 1998. Directeur adjoint du centre de formation du PSG, Yohan Cabaye a résumé dans The Athletic l'impression laissée : « Tu peux le lancer sur le terrain, il s'adaptera et sera bon. » Voire surnagera quand l'ensemble sombre, comme Paris à Newcastle (1-4). « Il n'est pas avare d'efforts, il casse les lignes, bravo, apprécie Luis Fernandez. En plus, il mange avec sa maman après les matchs et ça, ça me plaît. »

À côté des entraînements, Warren Zaïre-Emery a aussi des cours et devoirs, bac STMG à l'horizon. La tête bien faite et les pieds sur terre ? Du PSG à la Fédération en passant par Aubervilliers, on décrit un garçon « charmant », qui a les codes de son âge mais d'une « maturité incroyable » dans son approche du métier - ses coéquipiers le surnomment « le robot » pour son assiduité à la salle. On loue « un contexte familial idéal », des parents qui accompagnent sans être trop intrusifs, une grand-mère impliquée. Son père, Franck Emery, ancien joueur du Red Star, « le trimbalait partout comme Wilfrid avec Kylian [Mbappé] », sourit son ancien formateur à Aubervilliers, Zizek Belkebla. Le virus est né là, au bord des terrains. Il s'est aussi entretenu sur le bitume autour de Romainville, où habitait sa mère, Gessie Zaïre, originaire de Martinique. « J'ai toujours préféré sortir dans la rue et jouer avec des amis plutôt que de regarder les matchs à la télé », a-t-il confié au journaliste de Tuttosport qui lui demandait s'il avait des idoles.

Pas d'idoles donc mais des références au milieu. Il cite Joshua Kimmich, Luka Modric et Jude Bellingham. Avec l'Anglais du Real Madrid que Carlo Ancelotti a fait monter d'un cran pour une réussite maximale, il partage la capacité à être bon dans tout. Difficile de ressortir une caractéristique tant la panoplie est complète. « Sa priorité, c'est l'efficacité,
analyse José Alcocer. Il fait des choses qui semblent simples alors qu'elles sont di ciles
à réaliser. » Sa puissance impressionne. Ces cuisses comme des troncs et ce corps qui
résiste à l'impact. « Sa technique est adaptée à sa morphologie, poursuit Alcocer. À l'épaule, il peut se faire bouger une fois, pas deux. Il retient très vite. »

Le terrain est plat, mais lui joue sur une ligne de crête. C'est Napoléon.

Zizek Belkebla, son entraîneur à Aubervilliers

Le sélectionneur des U17 français se souvient encore de son entretien individuel, rituel servant à se juger par rapport au haut niveau, vidéos à l'appui : « Son autoévaluation correspondait à ce que j'avais vu. Il savait expliquer et surtout déceler les points d'amélioration. Là, tu te dis "waouh". » Pendant quatre ans à Aubervilliers, Zizek Belkebla a été fasciné par cette brindille qui « éclairait le jeu » sans se mettre en avant.

« Il perçoit des choses que les autres ne voient pas, souligne le consultant Canal+. Ça va plus vite là-haut, il est connecté. Le terrain est plat mais lui joue sur une ligne de crête. C'est Napoléon : il regarde la bataille, réfléchit, descend et fait la différence. »

Pour un garçon discret, « presque taiseux », Warren Zaïre-Emery sait aussi sur-
prendre son auditoire. Qu'il s'agisse du concours d'éloquence du centre de formation parisien, ponctué par une deuxième place en « défendant les valeurs de la jeunesse », ou de prendre le mégaphone au pied de la tribune Auteuil. Après avoir poussé à l'excès la starification et laissé filer ses pépites, le PSG en a fait l'incarnation de son nouveau projet.

Moins tape-à-l'œil, plus francilien. « Peut-être qu'il arrive à une période où le club a enfin pris en compte l'identité, l'attachement, le réservoir immense, estime Luis Fernandez. Peut-être qu'il tombe aussi sur l'entraîneur qu'il faut. » Habitué à miser sur les jeunes, Luis Enrique en a fait un homme de base. Depuis cet été, sa valeur marchande (60 millions d'euros selon le CIES) a presque triplé alors que son contrat n'a pas bougé, avec 2025 pour échéance. Selon L'Équipe, une prolongation est en discussion entre les dirigeants parisiens et Jorge Mendes, le super agent portugais qui gère ses intérêts. ■

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Commentaire 1
à écrit le 05/11/2023 à 8:46
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Le mieux serait que les médias lui lâchent les baskets, M'Bappé a été lourdement handicapé par cette armée de journalistes qui le suivent H24 parce qu'en ayant fait un roi avant son sacre. Le Spectacle tue le sport logiquement.

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