Les Beatles, l’IA et la guerre des clones

Grâce à l'IA, une ballade chantée par John Lennon en 1970 a été dépoussiérée. « Now and Then » complète maintenant le répertoire des Beatles.
(Crédits : Gerd Altmann via Pixabay)

Depuis jeudi, le répertoire des Beatles s'est donc enrichi d'une nouvelle chanson. Elle s'appelle Now and Then. À l'origine, une ballade de piètre qualité sonore, chantée et enregistrée par John Lennon sur un magnétophone dans les années 1970. La cassette avait été remise en 1994 par Yoko Ono à Paul McCartney, Ringo Starr et George Harrison, mais n'avait jamais pu être exploitée. C'est chose faite grâce à la magie de l'intelligence artificielle : la voix a pu être totalement dépoussiérée, pour être claire comme du cristal. La chanson a été enregistrée l'année dernière à Los Angeles, avec Ringo Starr à la batterie, Paul McCartney au piano et à la basse, mais aussi la guitare de George Harrison enregistrée en 1994. « Rien n'a été créé artificiellement ou de manière synthétique, tout est vrai », avait tenu à préciser Paul McCartney en juin à la BBC. Le légendaire bassiste avait sans doute à l'esprit d'autres expérimentations liées à l'IA, pour mieux s'en démarquer. On songe à cette version de Grow Old With Me, l'une des dernières chansons de John Lennon, recréée par un amateur d'intelligence artificielle. Autre exemple, Daddy's Car, une chanson « à la manière des Beatles » composée par un certain Skygge à l'aide d'une IA. Des expériences plus ou moins heureuses qui posent évidemment des questions éthiques et légales.

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« Je ne sais pas quoi penser de l'intelligence artificielle. Je trouve que c'est une dinguerie, et en même temps j'ai peur pour mon métier. »

Car la révolution de l'IA dite « générative », celle capable de produire des contenus, bouleverse le monde de la musique tant les possibilités semblent infinies. Les logiciels de modélisation vocale permettent ainsi de recréer la voix de vos artistes préférés, vivants ou décédés, de Frank Sinatra à Amy Winehouse... Cet été, Angèle a pu entendre sa propre voix clonée dans un remix du titre Saiyan, des rappeurs Gazo et Heuss L'Enfoiré. Sur les réseaux sociaux, elle a posté une vidéo où elle déclare, mi-inquiète, mi-amusée : « Je ne sais pas quoi penser de l'intelligence artificielle. Je trouve que c'est une dinguerie, et en même temps j'ai peur pour mon métier. » Le morceau cumule des millions de vues sur TikTok et la chanteuse belge l'a interprété lors de son concert à la Fête de l'Huma. Dans le cas de ces « deep fake », c'est le droit de la personnalité qui s'applique, le droit d'auteur protégeant des créations originales.

Hasard du calendrier, le jour de la sortie de Now and Then se tenait à Londres un sommet international sur « les risques » liés à l'intelligence artificielle en matière de sécurité nationale. Et le ministre de l'Économie, Bruno Le Maire, indiquait porter une attention particulière au dossier du droit d'auteur et des compensations financières pour les créateurs. Une question cruciale quand on sait que les IA peuvent désormais composer des morceaux clé en main grâce à la technique du deep learning (l'apprentissage profond) qui permet de nourrir sa mémoire vive avec des millions de données musicales protégées par le copyright. « Face à cette révolution, la filière musicale n'est pas totalement désarmée, ce n'est pas le Far West », souligne Alexandre Lasch du Snep (Syndicat national de l'édition phonographique).

Il y a deux semaines, la Sacem a ainsi choisi d'exercer son « opt-out ». Ce dispositif, prévu par un décret européen de 2019, interdit aux entreprises liées à l'intelligence artificielle d'utiliser les œuvres protégées sans une autorisation préalable. Mais son efficacité reste limitée selon l'avocate Alexandra Bensamoun, qui a rédigé deux rapports sur la question pour le ministère de la Culture. « Ces dernières années, des millions de contenus ont été aspirés sans aucun accord. Il faut donc imposer aux entreprises du secteur de l'IA un principe de transparence. » Reste à savoir si les Gafa (Google, Meta...), qui possèdent la plupart des entreprises de la tech, joueront le jeu. La présidente de la Sacem, Cécile Rap-Veber, confirme : « Nous sommes en négociation directe avec les opérateurs d'IA pour avoir accès à leurs bases de données et vérifier qu'ils respectent leurs obligations. Nous pouvons également traquer l'usage illégal de notre répertoire grâce à des métadonnées, des codes, des immatriculations attachées à nos œuvres. » D'ici à la fin de l'année, un texte présenté comme fondateur sur la responsabilité des systèmes d'IA devrait être définitivement adopté au Parlement européen.

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Commentaire 1
à écrit le 05/11/2023 à 8:40
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Une utilisation de leur deep learning déjà profondément ennuyante. Comme je dis, qu'importe la qualité de l'outil, seule la qualité des mains qui le tiennent est importante. Comme si nous n'étions déjà pas assez abreuvé de bobards marchands ! Au seco...

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