Richard et Romane Bohringer : père et fille, ensemble, sur scène

Au Théâtre de l’Atelier, le père lit des extraits de son livre « Quinze Rounds » et sa fille dit, danse et chante « Le Bel Indifférent » de Jean Cocteau.
Richard et Romane Bohringer.
Richard et Romane Bohringer. (Crédits : © Ambroise Tezenas)

Ils se ressemblent. Par le goût des autres, l'amour de la famille, la passion pour la littérature, la musique, le théâtre, tous les arts. Ils s'épaulent. Ils aiment partager. Entre eux, et bien au-delà. Ils aiment se dépasser. Ils sont tous les deux au Théâtre de l'Atelier. La Tribune Dimanche les a rencontrés. Ensemble.

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Comment s'est monté ce double projet ?

ROMANE BOHRINGER : Le metteur en scène Christophe Perton est venu me chercher. Je ne le connaissais pas. Il m'a convaincue malgré mon inquiétude. Jean Cocteau et ce texte magnifique qu'est Le Bel Indifférent m'apparaissent toujours comme une exigence de dépassement. Christophe Perton a conçu une adaptation particulière en s'inspirant d'une version inédite en vers, et d'autres textes, encore, avec une composition musicale de Maurice Marius et Emmanuel Jessua.

RICHARD BOHRINGER : C'est Romane qui a voulu que je sois là, non loin d'elle. Nous sommes particulièrement attachés au Théâtre de l'Atelier, car nous y avons joué ensemble J'avais un beau ballon rouge, en 2015, le texte d'une Italienne, Angela Dematté. Romane était Mara, une jeune femme des Brigades rouges. Moi, son père. Un homme simple qui tentait de raisonner une terroriste...

Qu'est-ce qui vous a décidés, l'un et l'autre ?

Ro.B : Comme tout le monde le sait, mon papa a été très malade. Il a longtemps lutté. Il a surmonté. Depuis un an ou deux, j'étais habitée par le fait de le retrouver, ses mots, sa voix. En sachant que je serais là, sur le plateau du Théâtre de l'Atelier, je me suis dit qu'il devait revenir. Vous n'imaginez pas le nombre de personnes qui m'arrêtent dans la rue pour me demander de ses nouvelles et me dire qu'ils l'admirent et l'aiment. J'avais un devoir et le désir de retrouver nos partages de jeu. La vie ! J'en ai parlé à Christophe Perton et la directrice de l'Atelier, Rose Berthet, a tout de suite accepté cette idée.

Ri.B. : L'Atelier, oui. Ce n'est pas un théâtre comme les autres. Nous y avons des souvenirs. Mais il s'agit de bien plus. Tant de grands comédiens y sont passés. On ressent les ondes de ceux qui ont joué là et font vivre cette salle merveilleuse. On s'y sent bien... C'est un cadeau.

En quoi consiste la lecture de 19 heures ?

Ri.B. : C'est Romane qui a choisi et adapté Quinze Rounds. Un livre qui date de 2016. J'y racontais ma vie, les rencontres de ma vie. Romane a repris des passages et en a fait une continuité. C'est beaucoup plus court que le livre, mais c'est fidèle.

Ro.B : J'ai choisi ce livre parce qu'il est le plus autobiographique, il va de son enfance à nos jours. Le public connaît bien les années qui vont de Diva ou du Grand Chemin à nos jours. Mais auparavant il a eu une vie très belle et risquée, et cela me touchait, pour Maman Astrid, pour moi et mes frères et sœur, pour ceux qui l'aiment, qu'il puisse évoquer ces années.

Comment avez-vous conçu la mise en scène ?

Ro.B : Mise en scène est un bien grand mot. Disons que je l'ai entouré. J'ai organisé un espace dans lequel il puisse se sentir bien. C'est très simple. Un fauteuil. Une lampe, un lutrin pour les pages qu'il lit. C'est construit en chapitres, avec des images, des chansons. Il s'agit d'un hommage à partager. Pendant qu'il lira les textes, je serai dans la loge et je l'entendrai par les « retours ».

Ri.B. : Romane a tout fait pour que je puisse être en confiance. Je vais retrouver le public.

J'ai 82 ans. Je sais que c'est un privilège de pouvoir être là, encore.

Comment sont vos autres enfants ?

Ri.B. : Ils ont toujours été au plus près de moi. Avec Romane, j'ai un lien particulier, parce que nous avons partagé beaucoup et qu'elle est mon premier enfant. De plus, nos chemins se sont confondus par le jeu. Elle est sur la première marche. Mais tous sont avec moi. Chacun a son histoire singulière, mais ils sont là. Richard Junior s'occupe beaucoup de moi au quotidien, Lou, avec qui j'ai tourné dans son premier film, est maman... Mathieu court le monde comme j'ai pu le faire, et comme nous l'avons fait ensemble en Afrique, mais il reste en lien.

Ro.B : Moi, c'est vrai, je suis l'aînée de la fratrie. Ma mère ne m'a pas élevée. Elle est partie, elle a quitté mon père alors que je n'avais que 9 mois, et c'est mon papa qui s'est occupé de moi. Je n'étais qu'un bébé. Les huit premières années de ma vie, nous les avons vécues ensemble. J'étais seule avec mon père. Parfois je me demande comment il faisait... Plus tard, en 1986, est arrivée Maman Astrid. Ma mère, elle, est morte alors que j'avais 14 ans.

Quels souvenirs avez-vous, tous les deux, de ces années ?

Ri.B. : Il y avait ma grand-mère, qui m'a élevé, moi, et je vivais chez un pote dont la femme m'a un peu montré comment faire. Elle n'avait pas elle-même d'enfant, mais les femmes savent. Lorsque Astrid est arrivée, alors, du point de vue de la construction philosophique, on s'est retrouvés très haut.

Ro.B : Ma seule boussole, c'était mon père. On était comme sur un radeau.

Revenons à Jean Cocteau...

Ro.B : Dire, jouer Jean Cocteau aujourd'hui est difficile. Christophe Perton connaît bien l'univers, la poésie si particulière de l'écrivain. Il a mis en scène Les Parents terribles, avec entre autres Muriel Mayette-Holtz, Maria de Medeiros, Charles Berling. Pour Le Bel Indifférent, il a fait un travail d'adaptation. Un texte parlé, dramatique, une partition poétique chantée. Cela donne une forme mêlée qui m'oblige à passer de la parole au chant, du jeu dramatique à la danse.

Ri.B : Je sais que Romane peut défendre toutes les couleurs du texte, toutes les formes de la représentation.

Vous identifiez-vous aux interprètes qui vous ont précédée ?

Ro.B. : Jean Cocteau a écrit ce texte pour sa chère Édith Piaf. Son amie. Évidemment je pense à elle, et ce d'autant plus qu'ils se sont éteints le même jour, il y a soixante ans, en octobre 1963. Je l'ai beaucoup écoutée, Édith Piaf. J'ai pensé à d'autres femmes, des passionnées, des douloureuses. J'ai pensé à Véronique Sanson, à Amy Winehouse. Tout ne repose pas sur moi. Je suis entourée, protégée. Il y a mon partenaire Tristan Sagon, Émile, il y a les cinq musiciens, Emmanuel Jessua et Maurice Marius, les compositeurs et aussi Jonathan Maurois, Pierre Rettien, Charles Villanueva. Ils sont au-dessus du plateau, comme des anges. C'est une version pour aujourd'hui qu'a voulue Christophe Perton, un hommage à la modernité de Jean Cocteau.

Quinze Rounds, à 19 heures les mardi, mercredi, vendredi, samedi, le dimanche à 15 heures. Jusqu'au 12 novembre. Le Bel Indifférent, à 21 heures du mardi au samedi et le dimanche à 17 heures. Jusqu'au 12 novembre. En tournée à Longjumeau, Aurillac, Libourne. Tél. : 01 46 06 49 24. theatre-atelier.com

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