Benalla : Le pouvoir accuse des subalternes, l'opposition cible Macron

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(Crédits : Pool New)

PARIS (Reuters) - L'onde de choc de l'affaire Alexandre Benalla a continué lundi à secouer la classe politique avec les premières auditions de la commission d'enquête parlementaire qui ont vu les autorités pointer du doigt les fautes individuelles de subalternes, sans apaiser une opposition bien décidée à en découdre.

Le ministre de l'Intérieur, Gérard Collomb, et le préfet de police de Paris, Michel Delpuech, se sont longuement exprimés devant la commission des Lois de l'Assemblée, dotée pour l'occasion de pouvoirs d'enquête sur ce dossier à l'origine de turbulences politiques sans précédent sous le quinquennat.

Alexandre Benalla, un jeune conseiller d'Emmanuel Macron omniprésent pour tout ce qui concerne la sécurité du candidat et, dans la foulée, du président, a été filmé, coiffé d'un casque de police, en train de frapper un jeune homme et de malmener une jeune femme lors d'une manifestation le 1er mai.

"Fondamentalement, ces événements résultent de dérives individuelles inacceptables, condamnables sur fond de copinage malsain", a déclaré Michel Delpuech en visant explicitement trois policiers mis en examen dans cette affaire.

Gérard Collomb, dont une partie de l'opposition demande la démission, a lui aussi rejeté toute responsabilité en affirmant que c'était à la préfecture et à l'Elysée de prendre des sanctions -- Alexandre Benalla n'avait écopé en mai que de deux semaines de mise à pied après que l'Elysée eut été informée.

Au reproche de n'avoir saisi ni la police des polices, l'IGPN, ni la justice après avoir pris connaissance le 2 mai de l'existence d'une vidéo de la scène, le ministre de l'Intérieur estime que ce n'était pas à lui de le faire.

UNE "AFFAIRE D'ETAT, DIT L'OPPOSITION

Gérard Collomb dit avoir été prévenu dans l'après-midi du 2 mai par son directeur de cabinet, lequel aurait saisi à la fois le préfet de police de Paris, Michel Delpuech, et le directeur de cabinet d'Emmanuel Macron, Patrick Strzoda.

L'Elysée lui a dit à ce moment qu'il s'agissait "de faits inacceptables et qu'une sanction serait prise", a-t-il dit. Pour le ministre, "le problème était donc traité au niveau approprié" et dès lors il ne s'en est plus occupé.

Gérard Collomb et Michel Delpuech ont reconnu avoir croisé Alexandre Benalla, mais ont démenti toute proximité.

Ils ont défendu la pratique selon laquelle des "observateurs" - parfois des députés ou des magistrats - sont emmenés sur le parcours des manifestations pour voir comment le maintien de l'ordre se déroule. Mais s'il était normal qu'Alexandre Benalla soit équipé d'un casque, il ne devait pas arborer un brassard police ni disposer d'une radio, ont-ils dit.

Ces explications n'ont guère convaincu l'opposition, qui tient avec ce dossier un redoutable angle d'attaque.

"Nous sommes face à une affaire d'Etat, au coeur de la République, qui pose la question d'une police parallèle, qui pose la question de la régularité des procédures, qui pose la question de la dissimulation d'une affaire dont, monsieur Collomb l'a redit, l'Elysée lui-même était informée dès le 2 mai sans que rien ne se passe avant que la presse ne fasse ces révélations mercredi dernier", a dit le Républicain Eric Ciotti.

Alexandre Benalla est sorti lundi de son silence par le biais de ses avocats en affirmant qu'il avait aidé les forces de l'ordre à maîtriser "deux fauteurs de trouble qui agressaient les policiers" en marge des manifestations du 1er-Mai.

"Cette action vigoureuse mais menée sans violence n'a causé aucune blessure", écrivent-ils. "Cette initiative personnelle de Monsieur Benalla (...) sert manifestement aujourd'hui à porter atteinte à la Présidence de la République dans des conditions qui défient l'entendement".

LA REFORME DES INSTITUTIONS PARALYSÉE

L'entourage d'Emmanuel Macron a fait savoir dimanche soir qu'il jugeait "inacceptable" le comportement d'Alexandre Benalla. Un de ses proches a précisé qu'il avait demandé à Alexis Kohler, secrétaire général de la présidence, de travailler à une réorganisation des services internes et du cabinet "pour que ça ne puisse pas se reproduire".

Mais le chef de l'Etat a prolongé lundi le silence radio qu'il observe depuis que l'affaire a éclaté, et, selon Gérard Collomb, qui l'a rencontré au cours du week-end, il continue à s'occuper des affaires du pays plus que du cas Benalla.

"Le président de la République était plutôt préoccupé de l'avancement de la réforme constitutionnelle et des blocages qui pouvaient exister", a-t-il dit devant la commission d'enquête.

Mais l'affaire a déjà eu des répercussions sur la vie parlementaire : l'examen du projet de loi de révision constitutionnelle, suspendu dimanche par le gouvernement en raison des répercussions de l'affaire Benalla sur les débats à l'Assemblée, ne reprendra qu'à la rentrée.

Patrick Strzoda et Alexis Kohler seront entendus respectivement mercredi et jeudi par la commission d'enquête mise sur pied par le Sénat parallèlement à celle de l'Assemblée, qui les auditionnera également à une date encore inconnue.

Alexandre Benalla est mis en examen de cinq chefs, dont "violences en réunion", comme Vincent Crase, gendarme réserviste salarié de Larme qui se trouvait à ses côtés le 1er mai.

Les trois policiers mis en examen, un contrôleur général de la préfecture et deux commissaires suspendus depuis jeudi à titre conservatoire, sont soupçonnés d'avoir extrait illégalement puis communiqué des images de télésurveillance de la Ville de Paris montrant les scènes de la Contrescarpe à "une tierce personne" - en l'occurrence Alexandre Benalla.

(Service France, édité par Yves Clarisse)