La guerre reprend à Gaza après l'expiration de la trêve

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Les soldats israeliens operent dans la bande de gaza[reuters.com]
(Crédits : Israel Defense Forces)

par Nidal al-Mughrabi et Suhaib Salem

GAZA (Reuters) - L'armée israélienne a repris vendredi ses bombardements intensifs sur la bande de Gaza, notamment dans le sud de l'enclave, tandis que les sirènes d'alerte ont de nouveau retenti dans le sud d'Israël, l'Etat hébreu et le Hamas palestinien se rejetant la responsabilité de l'absence d'accord pour prolonger la trêve observée depuis une semaine.

Des journalistes de Reuters présents à Khan Younès, dans le sud de la bande de Gaza, ont dit entendre d'intenses bombardements et voir de la fumée s'élever de la partie orientale de la ville alors que la trêve expirait, tandis que des habitants fuyaient à la recherche d'un abri ou transportaient morts et blessés vers des hôpitaux.

Dans le nord de l'enclave, jusqu'alors le principal champ de bataille, d'immenses colonnes de fumée étaient visibles au-dessus des ruines depuis le territoire israélien.

Personnel soignant et témoins ont rapporté que les bombardements avaient été particulièrement forts à Khan Younès et à Rafah, deux secteurs du sud de la bande de Gaza où, depuis le 7 octobre, des centaines de milliers de Palestiniens ont fui les combats qui se déroulaient essentiellement dans le nord.

À l'hôpital Abu Yousef al-Najjar, situé à proximité, la première vague de blessés était composée d'hommes et de garçons.

Le ministère de la Santé de Gaza, contrôlé par le Hamas, a fait état de 109 morts et de dizaines de blessés dans ces nouveaux bombardements israéliens sur Gaza, quelques heures seulement après la reprise des combats.

L'armée israélienne a dit avoir "repris ses opérations de combat", accusant le Hamas d'avoir tiré des roquettes en direction d'Israël en violation de la trêve. Elle a déclaré que son aviation bombardait des "cibles terroristes".

Le gouvernement israélien a en outre reproché au mouvement islamiste palestinien d'avoir refusé des libérations d'otages supplémentaires nécessaires à la prolongation de la trêve, notamment de toutes les femmes qu'il retient captives depuis qu'il a enlevé environ 240 personnes lors de son attaque du 7 octobre dans le sud d'Israël.

Le Hamas, qui contrôle la bande de Gaza, a affirmé qu'Israël portait la responsabilité de "la reprise de la guerre et de l'agression" après avoir repoussé toutes les propositions sur de nouvelles libérations d'otages.

Les brigades Al Qods, branche armée du Djihad islamique, autre mouvement actif dans la bande de Gaza, ont pour leur part revendiqué avoir attaqué des villes israéliennes vendredi matin en représailles aux "crimes contre (le) peuple" palestinien.

La trêve entre Israël et le Hamas, qui a débuté le 24 novembre et a été prolongée à deux reprises, a permis l'échange de dizaines d'otages détenus à Gaza contre des centaines de prisonniers palestiniens et a facilité l'entrée de l'aide humanitaire dans l'enclave palestinienne, dévastée par sept semaines de conflit.

L'acheminement de cette aide et du carburant via le terminal de Rafah, à la frontière entre Gaza et l'Egypte, a été interrompu avec la reprise des combats, a-t-on appris de sources sécuritaires égyptiennes et humanitaires.

LE QATAR DIT MAINTENIR SES CONTACTS AVEC ISRAËL ET LE HAMAS

Le Qatar, dont la médiation avec l'Egypte avait permis d'aboutir à cette accalmie d'une semaine, a déclaré que des négociations se poursuivaient aussi bien avec Israël qu'avec les Palestiniens pour tenter de rétablir la trêve.

La reprise des combats a suscité la consternation d'une grande partie de la communauté internationale, Volker Türk, haut commissaire des Nations unies aux droits de l'homme, la jugeant "catastrophique" tandis que Catherine Colonna, ministre française des Affaires étrangères, a parlé pour sa part de "très mauvaise nouvelle, regrettable (qui) n'apporte aucune solution et (...) complique la résolution de toutes les questions qui se posent".

Israël a largué vendredi des tracts sur les quartiers Est de Khan Younès, pour ordonner aux habitants d'évacuer cette zone. Contrairement à de précédents ordres similaires, Israël ne leur demande pas cette fois de partir vers d'autres quartiers de Khan Younès mais vers Rafah, plus au sud, ville déjà surpeuplée.

"Vous devez évacuer immédiatement et vous rendre dans des abris dans le secteur de Rafah. Khan Younès est une dangereuse zone de combat. Vous aurez été prévenus", est-il écrit en arabe.

105 OTAGES LIBÉRÉS EN SEPT JOURS

Le gouvernement israélien et le Hamas ont tous deux affiché leur détermination après une semaine de trêve.

"Avec la reprise des combats, nous soulignons: le gouvernement israélien est déterminé à atteindre ses objectifs de guerre - libérer nos otages, éliminer le Hamas et garantir que Gaza ne constitue plus jamais une menace pour les habitants d'Israël", a déclaré dans un communiqué le cabinet du Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu.

Ezzat el Rachk, membre du bureau politique du Hamas, cité sur le site internet du mouvement islamiste, a dit pour sa part :"Ce qu'Israël n'a pas obtenu durant les 50 jours avant la trêve, il ne l'obtiendra pas en poursuivant son agression après la trêve."

Israël a exigé précédemment la libération d'au moins 10 otages par jour pour prolonger la trêve, qui a permis de libérer 105 otages et 240 prisonniers palestiniens en sept jours.

Alors que de moins en moins de femmes et d'enfants restent captifs dans la bande de Gaza, la poursuite des libérations pourrait être compliquée par la nécessité d'y inclure des hommes.

L'Etat hébreu a juré d'anéantir le Hamas après l'attaque menée le 7 octobre par le groupe palestinien dans le sud d'Israël qui a fait 1.200 morts en plus des quelque 240 personnes enlevées et emmenées à Gaza.

En représailles à l'attaque du Hamas, Israël a mené une intense campagne de bombardements dans la bande de Gaza, où elle a ensuite lancé une offensive terrestre. Cette riposte a jusqu'à présent fait plus de 15.000 morts dans l'enclave en partie dévastée, selon les autorités locales dirigées par le Hamas, dont le bilan est jugé fiable par les Nations unies.

Cette reprise des combats intervient alors que le secrétaire d'Etat américain, Antony Blinken, se trouve dans la région. Le chef de la diplomatie américaine n'a pas commenté la situation ce vendredi, alors qu'il doit s'envoler vers les Emirats arabes unis.

Jeudi, il a dit avoir déclaré à Benjamin Netanyahu qu'Israël ne pouvait pas reproduire dans le sud de Gaza le lourd bilan humain et les déplacements massifs de population infligés dans le nord de l'enclave.

(Reportage Nidal al-Mughrabi au Caire, Mohammed Salem et Roleen Tafakji à Gaza, Humeyra Pamuk à Tel Aviv, Ari Rabinovich et Emily Rose à Jérusalem, Andrew Mills à Doha et les rédactions de Reuters, rédigé par Cynthia Osterman et Lincoln Feast, version française Camille Raynaud, Bertrand Boucey et Kate Entringer, édité par Zhifan Liu et Blandine Hénault)