Apple utiliserait des "minerais de sang", selon des avocats de la RDC

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Un apple store a new york[reuters.com]
(Crédits : Mike Segar)

par Sonia Rolley

PARIS (Reuters) - Des avocats représentant le gouvernement de la République démocratique du Congo (RDC) ont déclaré mercredi disposer de nouvelles preuves fournies par des lanceurs d'alertes, et qui font craindre qu'Apple pourrait utiliser des minéraux extraits des zones de conflit du pays.

Dans un communiqué, les avocats ont pressé Apple de répondre à leurs requêtes sur ses chaînes d'approvisionnement en RDC, tout en précisant réfléchir aux outils juridiques à leur disposition. Apple n'a pas répondu à une demande de commentaires de Reuters.

Les avocats de la RDC avaient manifesté leurs inquiétudes le 22 avril au directeur général d'Apple, Tim Cook, ainsi qu'aux filiales d'Apple en France, exigeant des réponses sous trois semaines. Le cabinet Amsterdam & Partners LLP a enquêté pour savoir si du minerai extrait au Congo par des entreprises et des groupes armés a pu passer en contrebande au Rwanda, au Burundi, ou en Ouganda.

Quatre semaines après la demande formulée par le groupe, "le géant de la technologie est demeuré silencieux et n'a ni répondu à nos questions, ni admis les avoir reçues", relève Amsterdam & Partners LLP dans son communiqué.

Robert Amsterdam, avocat au sein du groupe, précise disposer de nouvelles preuves, transmises par des lanceurs d'alerte.

"Il est plus qu'urgent qu'Apple donne de véritables réponses aux questions très graves que nous avons soulevées", déclare-t-il dans le communiqué.

Peter Sahlas, un autre avocat du cabinet, a expliqué à Reuters que des personnes ayant travaillé sur le contrôle des chaînes logistiques d'Apple au Congo s'étaient manifestées et avaient déclaré que leurs contrats avaient été révoqués, après qu'ils se sont inquiétés de la présence de "minerais de sang" au sein des chaînes logistiques du groupe.

"Nous sommes en discussions avec ces personnes, nous évaluons les preuves qu'ils apportent, et nous nous exprimerons davantage une fois ces fortes vérifications effectuées", a ajouté Peter Sahlas.

Apple a déclaré par le passé ne pas directement s'approvisionner en minerais mais réaliser des audits de ses fournisseurs depuis plusieurs années, dont les résultats sont publiés.

Dans son rapport de l'an dernier, le groupe américain a déclaré que la totalité des fonderies et raffineurs identifiés dans ses chaînes de valeurs en 2023 avaient été soumis à des vérifications tierces, afin de déterminer si l'étain, le tantale, le tungstène ou l'or qu'ils utilisaient provenaient de zones de conflit.

"Au 31 décembre 2023, il n'existe pas de base raisonnable permettant de conclure que l'un des raffineurs ou fondeurs (de ces métaux) au sein de notre chaîne logistique a financé directement ou indirectement des groupes armés au sein de la RDC ou des pays adjacents", concluait le rapport.

Depuis le 22 avril, les combats se sont intensifiés dans l'est de la RDC, le groupe rebelle M23, soutenu par le Rwanda, ayant pris le contrôle de Rubaya, ville d'où est extrait la majorité du coltan de RDC. Le coltan est essentiel à la fabrication de smartphones et de certains produits électroniques.

La RDC est déchirée par la violence depuis les années 1990, en particulier dans l'est du pays où de nombreux groupes armés, certains soutenus par le voisin rwandais, s'affrontent pour les ressources, des questions ethniques ou encore de territoire.

(Reportage Sonia Rolley, rédaction Bate Felix, version française Corentin Chappron, édité par Blandine Hénault)