Tractations politiques après le choc de la dissolution

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Un agent electoral se tient devant une urne lors de l'election du parlement europeen, au touquet-paris-plage[reuters.com]
(Crédits : Hannah Mckay)

PARIS (Reuters) -Le choc de l'annonce de la dissolution de l'Assemblée nationale à peine digéré, les manoeuvres allaient bon train lundi en vue des élections législatives anticipées, un scénario inédit qui pourrait marquer l'histoire de la Ve République si l'extrême droite confirme son bon score obtenu au scrutin européen.

Une réunion entre les élus Rassemblement national (RN) Marine Le Pen et Jordan Bardella et la nouvelle eurodéputée Reconquête Marion Maréchal, se tenait lundi après-midi, laissant envisager un accord entre les deux formations ayant respectivement recueilli dimanche 31,4% et 5,5% des voix.

Si Marine Le Pen, présidente du groupe à l'Assemblée, a déclaré dès dimanche que son camp était "prêt" à diriger le pays, ses lieutenants ont souligné la lourdeur de la tâche.

"Ça n'est jamais un cadeau une élection, dans ces conditions, ce n'en est pas un", a ainsi déclaré le député RN Sébastien Chenu sur BFMTV.

Rejetant une union des droites - "trop restrictif" -, il a appelé à le rejoindre "des gens issus des LR (Les Républicains), de la gauche patriote, peut-être parfois de chez Zemmour".

Dimanche, Marion Maréchal avait esquissé un appel du pied au RN, pour "travailler ensemble" et "bâtir une "coalition".

En cas de victoire aux élections législatives le Premier ministre sera "évidemment Jordan Bardella, c'est le candidat naturel", a précisé la porte-parole du RN, Laure Lavalette.

ACCORD À GAUCHE ?

Chez LR, dont le candidat François-Xavier Bellamy a obtenu 7,3% des voix aux européennes, certains s'inquiétaient d'un éclatement du parti qui compte une soixantaine de députés à l'Assemblée.

"Ce qui est sûr, c'est que LR va avoir beaucoup de mal à atterrir sur ses deux pieds le 30 juin. D'ici les élections et après, beaucoup seront tentés d'aller soit vers Macron soit vers Le Pen", a dit à Reuters une source parlementaire.

Dimanche, le président de LR Eric Ciotti a balayé tout rapprochement avec l'exécutif. "Plus que jamais nous sommes dans l'opposition", a-t-il écrit sur X.

Selon une source sénatoriale, Éric Ciotti, les présidents du groupe des deux chambres Bruno Retailleau et Olivier Marleix ainsi que le président du Sénat Gérard Larcher devaient se retrouver en fin d'après-midi au Palais du Luxembourg pour élaborer une stratégie électorale.

La France insoumise, créditée de près de 10% des voix dimanche, a proposé aux députés de gauche une rencontre afin de préparer un accord pour les législatives des 30 juin et 7 juillet.

Les quatre chefs de partis de gauche du Palais-Bourbon -, Marine Tondelier pour EELV, Fabien Roussel pour le PCF, Olivier Faure pour le PS et Manuel Bompard pour LFI, qui totalisent 75 députés - se sont réunis dans lundi après-midi.

Si accord il y a, il devra reposer sur "un programme de rupture" comprenant la retraite à 60 ans, la reconnaissance de la Palestine et une réforme de la fiscalité, a déclaré à Reuters l'élu LFI Eric Coquerel dans les couloirs désertés du Palais-Bourbon, où les travaux ont été interrompus.

Sur France Inter, son collègue de LFI François Ruffin a appelé à la formation d'un "front populaire" face au RN.

"Il n'y a pas de fatalité, nous pouvons l'emporter", a-t-il lancé. "Il faut jeter à la rivière nos rancoeurs, on n'est pas là pour revenir éternellement sur le passé mais pour se tourner vers l'avenir. On pensait avoir trois ans pour donner une issue au pays, finalement on a trois semaines."

Fort des 13,83% de son candidat aux élections européennes Raphaël Glucksmann, le PS aura son mot à dire dans les négociations.

"ON Y VA POUR GAGNER", DIT LE CAMP MACRON

Alors qu'Emmanuel Macron est accusé à gauche comme à droite de jouer à la "roulette russe", au "poker", avec l'avenir de la France, le camp présidentiel défend une décision "en toute conscience".

"C'est une démarche sincère, au moment où 40% des électeurs ont fait le choix d'une liste d'extrême droite", a déclaré le ministre de l'Europe et des Affaires étrangères, Stéphane Séjourné, sur France Inter.

Même tonalité du côté du ministre de l'Economie, Bruno Le Maire, qui a appelé sur RTL la majorité "à définir un projet qui soit le plus clair possible".

"C'est l'élection législative qui aura les conséquences les plus lourdes pour la France, pour les Français, de l'histoire de la Ve République", a-t-il prévenu. "Il faut entendre le message qui a été adressé et il faut pouvoir y répondre sur la base d'un projet clair."

Dans l'entourage d'Emmanuel Macron, on assure qu'"on y va pour gagner".

"Notre volonté, en opérant la dissolution de l'Assemblée nationale, c'est d'aller chercher une majorité pour pouvoir agir fort au service des Français", indique-t-on.

Mais dans les rangs de la majorité, le coup était rude au lendemain de l'annonce du faible score de l'eurodéputée Valérie Hayer - 14,6%, soit moitié moins que le RN.

"On est encore sous le choc, c'est assez difficile", a dit à Reuters Emmanuel Pellerin, député Renaissance. "Tout porte à croire qu'on va avoir une majorité relative voire absolue du RN. Mais cela va amener les Français à réfléchir à cette échéance."

Le groupe Renaissance devait se réunir mardi matin pour parler investitures. Le MoDem de François Bayrou et Horizons, parti d'Edouard Philippe, alliés de la majorité, se préparaient aussi de leur côté.

Les milieux financiers ont fait part de leur inquiétude face à la perspective d'un gouvernement d'extrême droite en France.

La Bourse de Paris a terminé lundi en baisse de 1,6%.

Au nom du patronat, le président du Medef Patrick Martin a lui aussi lancé une mise en garde.

"Une nouvelle campagne démarre dans laquelle nous ne partagerons pas certaines visions politiques incompatibles avec la compétitivité des entreprises et la prospérité du pays et de nos concitoyens", a-t-il dit.

(Elizabeth Pineau, avec la contribution de Michel Rose et Blandine Hénault, édité par Sophie Louet)