Séisme à LR après le choix de Ciotti de faire alliance avec le RN

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PARIS (Reuters) - Le président du Rassemblement National (RN), Jordan Bardella, a assuré mardi soir avoir conclu un accord avec son homologue chez Les Républicains (LR), Eric Ciotti, qui avait plaidé plus tôt dans la journée à une alliance entre les deux partis, provoquant un séisme au sein de LR.

Invité du Journal de 20h de France 2, Jordan Bardella a précisé qu'en vertu de cet accord, "plusieurs dizaines" de députés sortants ou candidats investis par LR seraient "soutenus" par le RN lors des élections législatives anticipées des 30 juin et 7 juillet.

Plus tôt dans la journée, Eric Ciotti avait provoqué la stupéfaction et la colère des caciques de son parti en plaidant pour une alliance avec le parti d'extrême droite, arrivé très largement en tête des élections européennes, une première dans l'histoire du parti.

"Il faut une alliance avec le Rassemblement national, ses candidats, une alliance à droite", avait-il déclaré sur TF1, assurant avoir, entre autres, le soutien du président des jeunes LR, Guilhem Carayot.

Dans certaines circonscriptions, il n'y aura pas de candidat RN face à des candidats LR, a-t-il expliqué.

"Arrêtons de faire des oppositions un peu factices", a dit Eric Ciotti, député des Alpes-Maritimes, qui a repoussé toute idée de démission de la présidence de LR.

Un départ pourtant réclamé par de nombreux ténors du parti, à commencer par le chef de file du groupe LR qui compte 61 membres à l'Assemblée nationale, Olivier Marleix, et le président du Sénat où la droite est majoritaire, Gérard Larcher.

Les présidents des régions Hauts-de-France, Auvergne-Rhône-Alpes et Ile-de-France, Xavier Bertrand, Laurent Wauquiez et Valérie Pécresse, ainsi que l'ancien ministre Michel Barnier, ont aussi fait part de leur profond désaccord.

"Je n'y crois pas", a dit Laurent Wauquiez, qui était soutenu par Eric Ciotti dans son projet de briguer l'Elysée.

Le sénateur LR Bruno Retailleau a prôné au nom du groupe qu'il préside "une ligne d'indépendance d'autonomie et de clarté" entre "macronisme" et "lepénisme". A ses yeux, "la girouette ne peut pas être un idéal" et Eric Ciotti "a menti" à ses troupes.

"Eric Ciotti est assez seul", a dit à Reuters le député de la Manche Philippe Gosselin. "Une scission est tout à fait vraisemblable, on va créer un autre groupe".

Eric Ciotti, qui préside LR depuis décembre 2022, a donc répondu positivement aux appels du pied de son homologue du Rassemblement national, Jordan Bardella.

"Dans les candidats que mon mouvement politique va soutenir pour ces élections législatives, il n'y aura pas simplement des gens issus du Rassemblement national, il y aura aussi des gens issus des Républicains", a dit l'eurodéputé en début de journée sur RTL.

"FRONT POPULAIRE"

Aucun accord en revanche entre le Rassemblement national, qui a obtenu plus de 31% des voix dimanche, et le parti Reconquête fondé par Eric Zemmour.

"Jordan Bardella m'a informée cet après-midi d'un changement de position et du refus du RN du principe même d'un accord", a écrit sur les réseaux sociaux Marion Maréchal, tête de liste Reconquête aux élections européennes.

"Malgré mes tentatives de négociation, le regrettable argument qui m'a été avancé étant qu'ils ne souhaitaient aucune association directe ou indirecte avec Éric Zemmour", a ajouté l'eurodéputée, qui a mené lundi des négociations avec Marine Le Pen et Jordan Bardella pour une former "une coalition des droites et des patriotes".

Jordan Bardella a confirmé sur France 2 que les conditions d'un accord avec Reconquête étaient "caduques" en raison des "invectives et des positions très excessives d'Eric Zemmour" pendant la campagne européenne.

Les manoeuvres politiques en vue des élections anticipées se sont aussi intensifiées à gauche.

Au terme d'une longue réunion lundi soir, Les Écologistes, La France insoumise (LFI), le Parti socialiste (PS) et le Parti communiste (PC) ont annoncé un accord de principe portant sur des candidatures uniques à gauche dans chaque circonscription en vertu d'une répartition à négocier.

Reste aussi à élaborer un "programme de rupture" commun pour ce "Front populaire" et à désigner la personnalité susceptible de devenir Premier ministre en cas de victoire.

Forte de ses près de 14% des voix recueillies aux européennes dimanche, la tête de liste Place publique-Parti socialiste, Raphaël Glucksmann, a proposé pour Matignon l'ancien secrétaire général de la CFDT, Laurent Berger.

"Ça permet de dire que le Front populaire, ce n'est pas exclusivement un accord entre des partis politiques. Ça doit être quelque chose de beaucoup plus large", a estimé mardi le premier secrétaire du PS Olivier Faure sur TF1, prônant un gouvernement ouvert à la société civile.

Quant au programme, il sera "présenté dans les prochaines heures", a indiqué la députée européenne LFI Manon Aubry sur franceinfo, précisant qu'il traiterait des "100 premiers jours face aux urgences sociales, démocratiques et écologiques".

CONFÉRENCE DE PRESSE DE MACRON MERCREDI

Dans le camp de la majorité présidentielle, on tente de faire front après la cinglante défaite aux européennes.

Invité du JT de TF1, où il a confirmé qu'il mènerait la campagne au nom de la majorité sortante, comme plus tôt dans la journée devant le groupe Renaissance, le Premier ministre Gabriel Attal a appelé les Français à rejeter les "blocs d'extrême droite et d'extrême gauche".

"Il faut y aller en expliquant aux Français que cette élection est un choix clair. D'un côté le rejet de l'autre et de l'autre le respect des personnes", a dit le chef de la majorité, selon son entourage. "D'un côté le choix du KO financier et social et en face le choix de la stabilité et de la construction."

"Affirmons l'unité de notre famille politique", a dit le ministre de l'Economie, Bruno Le Maire, sur BFMTV/RMC. "Car que je regarde, soit sur l'extrême droite, soit sur l'extrême gauche, je ne vois que marchandages et tripatouillages."

Emmanuel Macron s'exprimera pour sa part mercredi en conférence de presse où il "indiquera l'orientation qu'il croit juste pour la Nation", a fait savoir son entourage.

Dans un entretien au Figaro Magazine, Emmanuel Macron affirme qu'il ne démissionnera pas, quel que soit le résultat des élections législatives. "J'y vais pour gagner", dit-il.

(Reportage Elizabeth Pineau, avec Blandine Hénault et Tangi Salaün)