Moscou conteste toute violation des droits de l’homme en Crimée

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(Crédits : Vincent Kessler)

STRASBOURG (Reuters) - La Russie a réfuté mercredi toute violation des droits de l'homme en Crimée devant la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH), où elle répondait aux accusations de l'Ukraine dont elle a annexé ce territoire à majorité russophone en 2014.

Kiev dénonce des meurtres, des tortures, des détentions arbitraires, des atteintes aux libertés d'expression, de culte ou de propriété visant les minorités ukrainiennes et plus généralement les opposants à la russification du territoire, depuis le 27 février 2014, date du début de l'intervention des forces russes.

"La Russie s'est lancée dans une campagne de persécutions politiques visant à éliminer toute opposition", a déclaré devant les juges de Strasbourg, Ivan Lischyna, vice-ministre ukrainien de la justice, évoquant une "pratique administrative" décidée par Moscou.

Ben Emerson, avocat du gouvernement de Kiev, a rappelé que ces violations des droits fondamentaux étaient attestées par des Organisations non gouvernementales, par le commissaire aux droits de l'homme du Conseil de l'Europe, dont dépend la CEDH, et par le comité des droits de l'homme des Nations unies.

Le vice-ministre russe de la Justice, Mikhail Galperin, a balayé ces accusations, dénonçant une requête ukrainienne "politique" fondée "sur de la propagande plutôt que sur des éléments de preuve".

L'avocat de Moscou, Michael Swainston, a évoqué "des ressources énormes" qui auraient été consacrées par l'Ukraine "à la confection de preuves contre la Russie" et financées par "les mêmes payeurs qui financent les ONG dénonçant les pratiques administratives (de Moscou en Crimée)".

BAISSE DES TENSIONS

Il a cité les Etats-Unis, "M. Soros et ses fondations de l'Open society" ainsi que les Pays-Bas, dont la justice pilote l'enquête sur le crash de l'avion MH17 de la Malaysian Airlines, reliant Amsterdam à Kuala Lumpur, abattu en juillet 2014 alors qu'il survolait l'est de l'Ukraine.

Une enquête internationale a conclu que le missile utilisé appartenait aux forces armées russes et avait été tiré depuis une zone contrôlée par les séparatistes pro-russes.

La Russie a également plaidé l'irrecevabilité de la requête ukrainienne pour la période précédant la "réunification" de la Crimée avec elle, actée le 18 mars 2014.

Elle estime n'avoir exercé aucun contrôle sur le territoire avant cette date, Moscou n'ayant jamais reconnu l'intervention de ses forces auprès des unités paramilitaires indépendantistes de la région.

La Cour de Strasbourg devra se prononcer sur la recevabilité de la requête ukrainienne avant, si elle l'admet, de rendre son arrêt d'ici environ un an. Quatre autres requêtes interétatiques relatives au conflit russo-ukrainien sont encore pendantes devant elle, ainsi que plus de 4.000 requêtes individuelles.

Cette première audience intervient alors qu'une légère détente, marquée la semaine dernière par un échange de prisonniers, est observée entre les deux pays.

"Nous savons depuis des temps immémoriaux que tout conflit entre deux Etats doit se conclure par un compromis. Seriez-vous disposé à proposer un compromis à l'autre partie ?", a interrogé, à l'issue des débats, le juge tchèque Ales Pejchal.

"La Fédération de Russie est sensible à ce qui semble être une amélioration des relations entre les deux pays. Cette amélioration pourrait peut-être s'étendre à la question actuelle", a répondu Michael Swainston au nom de la Russie.

"Un compromis doit respecter les principes du droit international. Un Etat ne peut pas avoir recours à la force pour intervenir dans un pays voisin sans autorisation du Conseil de sécurité (de l'Onu)", a répliqué Ben Emmerson pour l'Ukraine.

(Gilbert Reilhac, édité par Yves Clarisse)