Les tourbières, une réponse pour limiter les effets du réchauffement

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(Crédits : Reuters Staff)

TOULOUSE (Reuters) - Les tourbières piègent le CO2, même en cas de sécheresse, ce qui fait de leur conservation une priorité pour limiter les effets du changement climatique, montre une étude de deux chercheurs français menée dans le Jura.

Cette étude, conduite par Vincent Jassey, chercheur du CNRS au Laboratoire d'écologie fonctionnelle et environnement (EcoLab) de Toulouse et Constant Signarbieux, de l'Institut de géographie de l'Université de Neuchâtel, vient d'être publiée dans l'édition de septembre de la revue Global Change Biology.

Les tourbières, zones humides caractérisées par une forte abondance de mousses qui recouvrent le sol et piègent l'eau, se trouvent principalement dans l'hémisphère nord et en France, notamment dans le Jura, les Vosges et les Pyrénées.

Dans le cadre de cette étude menée dans les années 2010, les deux chercheurs ont étudié l'assimilation de carbone par les deux principales variétés de mousses qui composent la tourbière du Forbonnet, à Frasne, dans le Jura.

Ils ont découvert qu'en cas de fortes chaleurs mais aussi de sécheresse, ces deux sphaignes avaient des sensibilités opposées : Sphagnum medium résiste à la sécheresse alors que la photosynthèse de Sphagnum fallax est affectée.

A l'inverse, par temps très chaud mais humide, Sphagnum fallax augmente sa photosynthèse, et donc l'assimilation de carbone, tandis de Sphagnum medium est affectée. Dans les deux cas, la tourbière subsiste donc.

"On pensait jusqu'à présent que les tourbières allaient souffrir du réchauffement climatique et de l'augmentation des températures et donc arrêter de piéger le CO2. Nous avons montré au contraire qu'une compensation s'opérait entre les différentes espèces de mousses qui permettait d'annuler les effets négatifs en période de sécheresse", explique Vincent Jassey.

Ces résultats viennent confirmer le rôle indispensable des tourbières qui représentent seulement 3 % de la surface terrestre mais captent à elles seules un tiers du dioxyde de carbone piégé dans les sols.

"L'une des solutions pour limiter les effets de la forte concentration de CO2 dans l'atmosphère est de piéger le carbone dans les sols. On estime que 1.500 gigatonnes de CO2 sont stockées dans les sols contre 750 Gt dans l'atmosphère. Sur ces 1.500, 500 Gt le sont par les tourbières. A condition qu'elles ne soient pas perturbées", alerte le chercheur.

"Les tourbières sont des milieux fragiles, très perturbés par l'activité humaine. Elles sont drainées pour enlever l'eau, transformées en prairies pour les besoins de l'agriculture, comblées pour l'aménagement d'infrastructures. Les préserver à l'échelle mondiale est pourtant une priorité", ajoute Vincent Jassey.

Le chercheur, qui continue de se consacrer à l'étude des tourbières face au réchauffement climatique, dirige depuis janvier 2018 le projet Mixopeat au sein du laboratoire toulousain EcoLab.

Ce projet porte sur cinq sites en Europe, en Pologne, en Estonie, en Finlande, en Suède et en France, sur la tourbière de Counozouls, dans l'Aude.

"L'objectif est de savoir si dans d'autres conditions, avec d'autres variations climatiques, les espèces de mousses étudiées dans le Jura, qui sont les plus communes, réagissent de la même façon et si à partir d'elles on peut généraliser nos résultats à l'ensemble des tourbières", expliquent Vincent Jassey.

(Johanna Decorse, édité par Yves Clarisse)