Action de groupe "santé" : mode d'emploi d'une procédure laborieuse

À partir de vendredi 1er juillet, les personnes victimes présumées d'un préjudice dont d'un laboratoire pharmaceutique, notamment, peuvent se regrouper pour lancer une action en justice. Mais pour réussir à être indemnisés, les plaignants devront attendre cinq à dix ans.
Jean-Yves Paillé
La possibilité de lancer des actions de groupe "santé" est l'une des mesures phares de la loi santé.

Ce vendredi 1er juillet, les actions de groupe "santé", une des mesures phares de la loi santé de Marisol Touraine, votée en décembre, entre en vigueur. Ces "class actions" sont fortement inspirées des actions de groupe pour les consommateurs qui existent depuis 2014 dans l'Hexagone.

Comment lancer une action de groupe "santé"

Dans un premier temps, les victimes présumées de dommages médicaux doivent déterminer la responsabilité du fabricant de médicaments, vaccins ou de dispositifs médicaux, et ce sous la bannière d'une des centaines d'associations de santé. Cela peut concerner aussi bien des lentilles de contact, des vaccins, ou des médicaments.

Les plaignants doivent rassembler un certain nombre de cas (au moins deux personnes sont nécessaires pour réaliser une action de groupe "santé") afin de mettre en évidence une pathologie commune causée par un manquement du fabricant. Puis ils saisissent un tribunal pour engager la responsabilité du fabricant.

Pour la déterminer, il faut qu'il y ait un lien de causalité entre le préjudice et le manquement, ce que le juge tranche.

"Cette phase de jugement risque d'être longue. Elle peut durer à minima 2 ans et demi, et plus vraisemblablement cinq ans. Et il est possible pour le fabricant mis en cause de faire appel", explique Thomas Baudesson, avocat chez Clifford Chance.
"Au final, cette phase peut durer sept ans".

La phase d'indemnisation

Si le laboratoire est jugé responsable d'un manquement, "une publicité formelle est prévue par la loi lors du jugement définitif, pour que les personnes ayant subi un dommage du fait du manquement constaté en prennent connaissance", et puissent se greffer à l'action de groupe, ajoute Thomas Baudesson. Une possibilité est ouverte pendant cinq ans pour les "personnes intéressées ou dont la maladie vient de se révéler".

Au même moment, la phase d'indemnisation démarre.

"C'est une phase fastidieuse. Il faudra définir les personnes ayant subi un préjudice au cas par cas, avec le jugement de médecins experts. Ces personnes devront également prouver qu'elles ont pris le produit ou ont eu recours au dispositif médical mis en cause", précise l'avocat.

Il n'y a pas de nombre limite de plaignants.

Fabricants et plaignant sont censés parvenir à se mettre d'accord sur le montant des indemnisations.

Selon l'avocat, "c'est une idée un peu naïve. Il y a des problématiques individuelles, la pathologie est différente selon les personnes et celles-ci sont donc indemnisées différemment. L'action de groupe n'est pas adaptée au secteur de la santé. Dans une class action de consommateur, l'indemnisation est forfaitaire".

Que se passe-t-il en cas de mésentente sur le montant de l'indemnisation?

Il y a donc de fortes chances que le laboratoire pharmaceutique ou autre fabricant de dispositifs médicaux mis en cause conteste le montant de l'indemnisation. Mais il reste une autre possibilité : le recours à un médiateur désigné par le juge. Sa mission dure un mois et est renouvelable une fois. Et si aucun accord n'est trouvé, le juge tranche, in fine.

Au total, obtenir une indemnisation sans décision à l'amiable peut prendre dix ans, et cinq ans dans le meilleur des cas, estime Thomas Baudesson.

L'action de groupe "santé", une efficacité limitée ?

Principal avantage de ces actions de groupe "santé", permettre aux plaignants de "réaliser des économies d'échelle lors de la phase de détermination ou non du manquement et de la responsabilité du fabricant, grâce à la mutualisation des moyens financiers investis", précise l'avocat.

Mais il se montre très sceptique quant à l'efficacité globale de ces "class actions santé".

"Obtenir une indemnisation sera plus long que lorsqu'on porte plainte seul. Les cas plus complexes de plaignants subissant un préjudice vont ralentir l'avancée de la procédure."

En 2015, le Collectif interassociatif sur la santé s'inquiétait de la future mesure et de son efficacité et proposait dans un document plusieurs amendements:

"L'esprit de ce dispositif est de faciliter et d'accélérer, pour les victimes, la réparation de leurs préjudices. Il convient donc que la procédure ne ralentisse pas cette indemnisation", prévenait l'organisation.

Jean-Yves Paillé
Commentaire 1
à écrit le 03/07/2016 à 19:35
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Merci pour cet article. 5 à 10 ans, le temps que les plaignants meurent donc et leurs plaintes avec, c'est franchement cynique.

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