Les conséquences de la pandémie s'annoncent longues et massives. Entre le 17 mars et le 11 mai, des pans entiers de l'économie française ont été mis sous cloche afin de limiter la propagation du virus sur l'ensemble du territoire. Après deux mois de paralysie, de nombreuses entreprises ont pu redémarrer depuis lundi dernier, parfois dans des conditions angoissantes pour les salariés et les employeurs. Les prochaines semaines vont être déterminantes pour assurer la sécurité sanitaire des salariés et éviter une nouvelle vague de contamination. Lors d'une interview à BFM jeudi 13 mai, le ministre de l'Économie Bruno Le Maire a expliqué que "le redémarrage est progressif... Je préfère un redémarrage par étape que brûler les étapes et risquer l'interruption". Cette pandémie, qui a provoqué à la fois un choc d'offre et un choc de demande, risque d'assombrir les perspectives économiques pour de nombreux dirigeants.
60% des entreprises anticipent des difficultés financières avant la fin de l'année
Les dirigeants sont globalement pessimistes. Selon une vaste enquête menée par le cabinet Xerfi, 60% des chefs d'entreprise interrogés prévoient des tensions sur leur trésorerie avant la fin de l'année. Des disparités peuvent apparaître en fonction des secteurs, des mesures de fermeture administrative annoncées par le gouvernement, des conditions de déconfinement et des réponses apportées pour faire face à la crise. Ainsi, dans le commerce, les transports, l'hébergement-restauration, 48,8% des répondants anticipent des tensions sur leur trésorerie d'ici à la fin de l'année. Ils sont 47,9% dans l'information-communication, les services financiers et immobiliers. Viennent ensuite les services aux ménages (46,7%), les services aux entreprises (43%), et enfin, l'industrie construction (42,4%).
Une reprise très lente pour les chefs d'entreprise
La reprise s'annonce lente et périlleuse. Les statisticiens du cabinet Xerfi montrent que le retour aux pleines capacités de production ne devrait pas se faire avant le mois de juillet 2021. En effet, les opinions sont assez partagées sur le rythme de la reprise, mais elles sont globalement pessimistes. Cité par 82% des répondants, le premier facteur qui risque de freiner le rebond est le manque ou l'absence de demande de clients.
Viennent ensuite l'absence de ressources financières de l'entreprise et de ressources humaines. Dans certains secteurs spécifiques, comme l'industrie ou la construction, près de 30% des dirigeants évoquent des difficultés pour trouver des composants disponibles. En effet, la propagation du virus en Chine et dans l'ensemble des régions du globe a fortement perturbé les chaînes d'approvisionnement mondiales. De nombreuses industries européennes sont extrêmement dépendantes d'intrants chinois. En outre, la fermeture des frontières et le blocage de multiples ports de commerce ont fait reculer les échanges du commerce mondial.
Le scénario d'un rebond rapide paraît de moins en moins crédible
A ce stade, il est encore difficile d'avoir une évaluation solide de l'ampleur des dégâts de la crise. La plupart des économistes et des statisticiens ont revu fortement leurs prévisions à la baisse. Le scénario d'une reprise en V avec un rebond rapide, espéré en début de confinement, paraît de moins en moins crédible. Beaucoup de restrictions demeurent et quelques secteurs économiques sont encore soumis à des fermetures. Dans une récente note, l'économiste de Oddo Securities Bruno Cavalier expliquait la situation en ces termes:
"Le 11 mai marque le début du plan de déconfinement. Presque toutes les restrictions sont maintenues dans la plupart des domaines de la vie sociale. L'offre de transports est un peu accrue. La réouverture des écoles n'est que partielle, concentrée sur les crèches et l'enseignement élémentaire, mais en pratique, les contraintes pour organiser le retour des enfants à l'école sont telles que la reprise de l'enseignement sur site sera minimale (ce qui freine le retour à la normale pour l'activité de millions de parents d'élèves). Les restrictions de déplacement sont allégées. L'économie française ne vont donc pas rouvrir d'un coup."
L'inquiétude des Français, frein à la consommation
En outre, le retour de la confiance chez les agents économiques pourrait prendre du temps. Lors des deux mois de confinement, les Français ont fortement privilégié l'épargne de précaution (environ 55 milliards d'euros selon une récente évaluation de l'OFCE). Il est complexe d'anticiper de tels comportements dans les mois à venir. Une reprise délicate et une hausse du chômage pourraient alimenter l'angoisse et les craintes pour de nombreux Français, favorisant des comportements d'épargne au détriment de la consommation.
> Lire aussi : Coronavirus : un rebond poussif de l'économie française se profile
Les délais de paiement s'accentuent
Les tensions sur les délais de paiement s'intensifient. Dans leur étude, les experts de Xerfi notent que plus de la moitié (52%) des patrons interrogés constatent une hausse des délais de paiement. Là encore, il existe des écarts selon les secteurs. Dans l'industrie et la construction par exemple, plus de 66% des répondants ont signalé un allongement des délais de paiement. Ils sont 58% à exprimer également ce type de difficultés dans les services aux entreprises.
Depuis le début de la crise, le gouvernement a mis sur un pied une cellule dédiée à la résolution des difficultés de paiement entre des clients et des fournisseurs. Malgré les multiples rappels à l'ordre exprimés, le médiateur des entreprises et le médiateur du crédit ont noté un allongement des délais de paiement de la part de plusieurs grands groupes. Avec la récession, ces comportements risquent de s'amplifier, mettant en péril de nombreux fournisseurs et PME intermédiaires.
> Lire aussi : Covid-19 : la catastrophe des délais de paiement s'amplifie
(*) Enquête réalisée du 24 au 30 avril 2020 avec 1.130 questionnaires exploitables.