Comme un impensé. Avant cela, c'est comme si personne ou presque, dans un pays qui regorge de grandes écoles, ne s'était penché sur la question. Ce point aveugle, c'est la balance commerciale de la France, toujours déficitaire, presque inéluctablement déficitaire (*). Et puis, mercredi dernier, interrogé par Jean-Jacques Bourdin sur le déficit de la balance commerciale, de "plus de 90 milliards aujourd'hui", François Bayrou (tout en corrigeant le chiffre: "Cela dépend, vous savez, mettons 70 milliards") se mettait en demeure de refuser le destin:
"Les Allemands ont un excédent de 250 milliards d'euros et pourtant ils ne sont pas plus intelligents que nous, ils ne travaillent pas d'avantage... (...) Comment se fait-il que nous acceptions une telle situation d'échec national ?"
Le haut-commissaire au plan soutenait ensuite qu'un pays comme la France "qui produit des fusées, des avions, des voitures parmi les meilleures du monde" devait aussi être capable de fabriquer des produits du quotidien, comme le fait l'Allemagne.
Stratégie de reconquête "pied à pied, produit par produit"
Puis, enfonçant le clou, il annonçait "une étude qui va montrer, produit par produit, où nous sommes déficitaires" car "nous avons à reconquérir [le terrain perdu, Ndlr] pied à pied, c'est-à-dire, produit par produit."
Ce mardi, comme annoncé, l'étude du haut-commissariat au plan (HCP) est sortie. On y explique que, pour réduire le déficit commercial français, il faut recommencer à produire en France certains biens désormais importés. Dans sa note, le HCP dresse une première liste de 50 produits pour lesquels il veut engager une réflexion avec les filières concernées.
Dans l'introduction à cette note, le haut-commissaire François Bayrou reprend la comparaison avec l'Allemagne qu'il avait déployée la semaine précédente, dénonçant ainsi une situation "inacceptable", selon lui, qui témoigne du "déclassement" industriel français, malgré les réussites nationales dans des "productions technologiquement exigeantes".
Le constat, bien connu, est sans appel: "La France est en situation de déficit vis-à-vis de la plupart de ses partenaires européens", souligne la note, qui pointe que, si nos exportations ont augmenté de plus de +54% entre 2001 et 2019, elles ont progressé dans le même temps de +76% en Italie, de +108% en Allemagne et de +133% en Espagne.
Autrement dit, la France n'est pas sur le podium.
L'enjeu: les 900 produits importés qui représentent 80% du déficit
Avec la hausse encore plus forte des importations françaises, les parts de marché à l'export de la France au niveau mondial "ont fondu de moitié", passant de 6,3% en 1990 à 3% en 2019.
Pour y remédier, le HCP a dressé la liste des plus de 900 postes ou produits qui enregistrent un déficit commercial supérieur à 50 millions d'euros. Ils représentent environ 80% du déficit commercial total de la France, qui a atteint 266 milliards d'euros en 2019.
A titre d'exemple, l'étude cite le cas de la pomme de terre, dont la France est le premier producteur mondial, mais qu'elle importe massivement sous forme de chips et autres flocons. C'est exactement le même schéma concernant la filière bois française face à ses produits dérivés, comme les meubles, qui sont massivement importés.
"Après un examen approfondi de nos avantages comparatifs en la matière, ces produits en déficit pourraient correspondre aux champs potentiels d'une stratégie de reconquête de l'appareil productif", propose le HCP.
Nécessité d'une politique de réindustrialisation
Parmi ces produits, le HCP en énumère une cinquantaine répartis dans huit domaines: alimentaire, transports, objets de la maison, machines et outils, matériaux, textile, produits médicaux et pharmaceutiques, et hydrocarbures.
Il souhaite engager un travail avec les filières concernées "sur la manière dont les productions nationales pourraient être renforcées ou constituées".
La robotisation "permet de rapprocher les coûts de production entre les différentes régions du monde", tandis que le "défi climatique" et "la crise économique et sociale" provoquée par la désindustrialisation rendent nécessaire une politique de réindustrialisation, argumente François Bayrou.
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NOTE
(*) Depuis les années 1950 jusqu'en 2020, la balance commerciale de la France a été en déficit, sauf de 1993 à 1999 et en 2002. Source: Insee.
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(avec AFP)