Les vacances promettent d'être studieuses pour le gouvernement. Au lendemain de l'annonce au compte-goutte de la nouvelle équipe ministérielle, Emmanuel Macron a fixé le cap pour les prochaines années en amont du conseil des ministres. « J'ai choisi la continuité et l'efficacité pour les temps qui s'ouvrent devant nous », a-t-il déclaré dans un discours long de 25 minutes. En envoyant le communiqué tard dans la soirée de jeudi, l'Elysée n'a pas provoqué de surprise. Après de longs atermoiements et de nombreux couacs dans la communication, le chef de l'Etat a finalement conservé une grande partie de ses ministres.
Certains poids lourds du gouvernement sont toujours à leurs postes. Gérald Darmanin a conservé l'Intérieur. Bruno Le Maire reste à l'Economie, Eric Dupont Moretti à la Justice, et Sébastien Lecornu à la Défense. Les deux grandes surprises concernent le ministère de l'Education nationale avec l'arrivée de Gabriel Attal auparavant au Budget et celui de la Santé désormais piloté par l'ex-directeur de cabinet d'Elisabeth Borne, Aurélien Rousseau. A Bercy, l'arrivée du député de Gironde et chantre de « la startup nation » Thomas Cazenave aux manettes des comptes publics ne devrait pas provoquer de grand chamboulement dans la politique budgétaire entamée depuis 2017.
Réindustrialisation et planification écologique
Dans son intervention très solennelle, le chef de l'Etat a rappelé sans vraiment de surprise les grands chantiers prioritaires de la réindustrialisation et de la planification écologique. Pendant son allocution, le chef de l'Etat est revenu sur les trois textes présentés par l'exécutif « pour déployer plus vite les énergies renouvelables, les nouveaux réacteurs nucléaires, et verdir plus rapidement le système productif ». Initialement prévue à la mi-juillet, la présentation « dans sa complétude » de la planification écologique « qui touchera tous les secteurs devrait avoir lieu à la rentrée », a précisé le chef de l'Etat.
Face à l'urgence de reconstruire après les émeutes, le gouvernement a complètement chamboulé son agenda des « 100 jours ». La mort du jeune Nahel tué par un policier à bout portant pour un refus d'obtempérer lors d'un contrôle routier a mis le feux aux poudres dans les quartiers populaires.
« Un cadre exigeant »pour les finances publiques
Sur le front budgétaire, le chef de l'Etat a souhaité « un cadre exigeant » pour les finances publiques. « Nous allons pleinement définir la stratégie de finances publiques qui nous permet d'être fort. Elle doit donner le chemin de baisse de la dette, de diminution des impôts et de réduction des déficits », a-t-il complété. Au ministère de l'Economie, le nouveau ministre des Comptes publics Thomas Cazenave sera rapidement plongé dans les volumineux rapports budgétaires.
Il doit rendre les derniers arbitrages budgétaires avant la présentation du projet de loi de finances traditionnellement prévue à l'automne. Lors de la passation de pouvoir vendredi matin, ce fidèle macroniste a fait du redressement des comptes publics de la France et du financement de la transition écologique ses priorités. « Il n'y a ni modèle social pérenne, ni souveraineté, ni justice si nous ne parvenons pas à réduire notre déficit et à faire refluer progressivement la dette », a-t-il déclaré.
Afin de financer les montagnes d'investissements de la transition écologique, le ministre de l'Economie Bruno Le Maire a écarté tout recours à l'endettement ou la taxation des plus hauts revenus. Le nouveau comptable de l'exécutif va devoir raboter certaines niches fiscales favorisant l'énergie fossile pour tenter de récupérer des subsides et les flécher vers les investissements de la transition.
Un nouveau conseil de la refondation à l'automne
Sur le plan méthodologique, Emmanuel Macron a annoncé qu'il voulait relancer un conseil national de la refondation à l'automne malgré les critiques. « Il faut être à la tâche et au service d'un projet collectif pour les Français a-t-il averti devant ses ministres. « J'attends de vous de l'efficacité. Les décisions n'arrivent pas suffisamment vite. Nous devons redoubler d'énergie pour que l'efficacité soit là », a-t-il poursuivi.
Encore sans majorité absolue au Parlement, le gouvernement va encore « devoir bâtir des majorités sur les textes ». Mais cette stratégie a montré ses limites cette année, notamment sur des réformes controversées comme les retraites. La première ministre Elisabeth Borne a dû brandir l'article 49-3 et d'autre outils constitutionnels pour passer outre le vote des parlementaires.
Des gages à la droite avant les sénatoriale et les européennes
Lors de son intervention, Emmanuel Macron a fortement insisté sur « l'ordre républicain» et « l'autorité ». Après les émeutes de juin dernier, le gouvernement n'a pas hésité à communiquer sur la hausse des moyens régaliens et la réponse sécuritaire. Derrière cette communication, Emmanuel Macron prépare le terrain pour les nombreuses échéances électorales à venir. De septembre prochain à juin 2024, la macronie va devoir aller chercher des soutiens à droite au cours des élections sénatoriales et européennes. Autant dire que l'année à venir s'annonce chargée.