Le verdict est enfin tombé. Après plusieurs semaines de suspense et de tergiversations, le gouvernement a enfin dévoilé le casting du nouveau gouvernement d'Elisabeth Borne. Parmi les surprises figure l'arrivée d'Aurélien Rousseau à la tête du ministère de la Santé. L'ex-directeur de cabinet d'Elisabeth Borne va devoir s'atteler à la crise qui mine l'hôpital depuis des années. Ce haut-fonctionnaire et ancien professeur d'histoire pourrait avoir un agenda bien chargé après plusieurs années tourmentées de Covid à la tête de l'agence régionale de la santé (ARS) d'Île-de-France.
De son côté, Gabriel Attal va prendre les manettes du ministère de l'Education nationale. Il retrouve ainsi la rue de Grenelle qu'il avait connue lorsqu'il était secrétaire d'Etat chargé de la jeunesse sous la responsabilité de Jean-Michel Blanquer. Au ministère de l'Economie, Thomas Cazenave va se confronter aux Comptes publics. Ce macroniste de la première heure avait travaillé lors du premier mandat d'Emmanuel Macron au programme CAP 22 visant à transformer l'action publique. Spécialiste des collectivités locales, il aura la lourde charge de négocier avec les élus locaux pour faire baisser la dépense.
Un budget 2024 sous pression
Le premier grand chantier qui attend le nouveau gouvernement à l'automne est la présentation du budget 2024. L'exécutif a déjà tracé ses grands objectifs lors de l'envoi du programme de stabilité envoyé à Bruxelles au printemps et des assises des finances publiques en juin. L'objectif est de trouver entre 10 et 12 milliards d'euros d'économies par an. A Bercy, le ministre de l'Economie Bruno Le Maire veut s'attaquer aux arrêts de travail, à certaines niches fiscales sur le carburant professionnel, la suppression de la loi Pinel ou encore les dépenses de médicament.
S'agissant de la fiscalité des entreprises, l'exécutif pourrait reporter la suppression de la cotisation de la valeur ajoutée (CVAE). Le gouvernement avait jusqu'à présent prévu de faire disparaître la CVAE sur deux ans, en 2023 et 2024, ce qui représentera pour l'an prochain une perte d'environ 8 milliards d'euros de recettes fiscales.
Mais le financement de l'impérieuse transition écologique et de la réindustrialisation va nécessiter des ressources fiscales importantes. Du côté des ménages, la baisse d'impôts sur les classes moyennes de 2 milliards d'euros promise par l'ex-ministre des comptes publics Gabriel Attal pourrait être abandonnée.
Le difficile pari du « plein emploi »
Lors de la campagne présidentielle de 2022, le chef de l'Etat avait signifié son intention de vouloir atteindre « le plein emploi ». Pour y parvenir, l'exécutif a déroulé un copieux programme de réformes controversées durant la première année du gouvernement Borne. Entre l'assurance-chômage, les retraites, la loi France Travail, Elisabeth Borne a dû faire face à de fortes défiances et de vives critiques chez les syndicats et une vaste partie des Français.
Et la seconde année de son mandat devrait être marquée par des tentatives d'apaisement. Elle a nommé à tête de son cabinet, Jean-Denis Combrexelle, un spécialiste du droit social et fin connaisseur du paritarisme tricolore après une année éprouvante pour son ex-directeur de cabinet Aurélien Rousseau pourtant rompu aux crises. En face, les principaux syndicats renouvelés en grande partie ces derniers mois vont devoir affronter un cycle de négociations sociales potentiellement explosives à la rentrée. Au menu des discussions, la question épineuse de l'emploi des seniors et les salaires toujours à la traîne de l'inflation.
Le vaste chantier de la réindustrialisation
Actuellement en débat au Parlement, le texte de loi sur l'industrie verte devrait être voté avant la fin de la session parlementaire cet été. Le gouvernement a porté ce texte après le passage de la réforme des retraites au 49-3. Le projet de loi vise à simplifier les démarches d'implantation de nouvelles usines et raccourcir les délais d'autorisation. Il prévoit également des crédits d'impôt pour doper la production de nouvelles batteries, de panneaux solaires, d'éoliennes et de pompes à chaleur.
En parallèle, l'Etat va devoir accélérer la décarbonation des sites existants. Lors d'un grand raout à l'Elysée, le chef de l'Etat avait à l'automne dernier présenté son plan de décarbonation devant un parterre de grands industriels. Le nouveau gouvernement va devoir prendre à bras le corps ce dossier alors que les conséquences du réchauffement climatique se multiplient partout dans le monde.
La planification écologique chamboulée
Initialement prévu à la mi-juillet, l'agenda de la présentation des grandes lignes de la planification écologique a été chamboulé par les émeutes. Lors d'un conseil national de la transition écologique le 12 juillet dernier, le secrétaire en charge de ce vaste chantier Antoine Pellion et la Première ministre Elisabeth Borne ont dévoilé les objectifs de décarbonation par secteur. Ce chantier pourrait à nouveau prendre du retard avec la mise en place du nouveau gouvernement alors que le réchauffement climatique frappe actuellement tout le sud du Vieux continent.
Une rude bataille en vue au Parlement
Ce nouvel exécutif va devoir une nouvelle fois batailler au Parlement pour faire adopter ses réformes. Sans majorité absolue, la cheffe du gouvernement devrait tenter de trouver des coalitions avant de dégainer l'article du 49-3. Au cours de la première année, la cheffe du gouvernement n'a pas hésité à sortir cette arme constitutionnelle pour faire passer des réformes controversées.
Autant d'échéances sur lesquelles Elisabeth Borne pourrait se heurter alors qu'elle a déjà traversé une motion de censure lors des débats parlementaires sur la réforme des retraites au printemps. Après le premier conseil des ministres prévu vendredi à l'Elysée, les dossiers chauds vont rapidement s'empiler sur les bureaux des nouveaux ministres.