Baisse de la dépense, diminution de la fiscalité, rétablissement des comptes publics, croissance faible, investissements dans la transition écologique... La préparation du budget 2024 provoque des sueurs froides chez les comptables de Bercy. Dans ce contexte délicat, le gouvernement a annoncé une baisse de la dépense de l'Etat de 4,8 milliards d'euros pour l'année prochaine dans un document dévoilé ce dimanche 17 juillet au soir et envoyé aux parlementaires. Il s'agit « d'une première depuis 2015 », selon le ministère de l'Economie.
L'exécutif compte bien « refroidir » la dépense publique d'ici 2027 comme annoncé dans le programme de stabilité envoyé à Bruxelles au printemps dernier. Le gouvernement a martelé qu'il fallait trouver entre 10 et 12 milliards d'euros d'économies chaque année, soit environ 50 milliards d'euros sur l'ensemble du quinquennat.
Mais cette promesse pourrait virer au casse-tête pour l'exécutif. Pour rappel, Bercy s'est engagé à revenir à un déficit public sous la barre des 3% d'ici 2027. Quant à la dette publique en pourcentage du produit intérieur brut (PIB), elle devrait passer de 111,6% à 108,3% entre 2022 et 2027
Le sevrage difficile des boucliers tarifaires et des aides
Après l'éclatement de la guerre en Ukraine en février 2022, l'Etat a déployé une salve de boucliers et ristournes sur le carburant pour amortir l'impact de l'envolée des prix sur les ménages et les entreprises. Plusieurs travaux récents d'économistes, dont une étude du conseil d'analyse économique (CAE), ont montré que les boucliers avaient permis de préserver en moyenne le pouvoir d'achat des ménages français. Dans le document budgétaire envoyé aux parlementaires, le gouvernement prévoit d'ailleurs une baisse de la dépense consacrée aux boucliers de 14 milliards d'euros pour l'année prochaine. Ce qui représente certes une source d'économies substantielle.
Mais l'extinction complète des boucliers promise pour la fin de l'année 2024 pourrait s'avérer difficile. En effet, le coût total pour les finances publiques des boucliers tarifaires est estimé à 36 milliards d'euros en 2023. L'inflation des prix de l'énergie a bien ralenti depuis le printemps mais les prix de l'alimentaire continuent d'affoler les compteurs avec des hausses frôlant les 14% par mois. Et le réchauffement climatique en cours pourrait continuer de propulser les prix à des niveaux élevés pendant encore longtemps. Résultat, le gouvernement pourrait avoir des difficultés à couper définitivement le robinet des aides pour les ménages en bas de la pyramide.
Transition écologique : un financement complexe
Sur la transition écologique, le gouvernement d'Elisabeth Borne a promis 7 milliards d'euros de dépenses pour 2024. Sur cette enveloppe, 5 milliards d'euros correspondent vraiment à des dépenses nouvelles. Pour tenir les objectifs de baisse des émissions de CO2 (-55%) d'ici 2030, l'exécutif veut mettre le paquet sur le fonds vert (+1,3 milliard d'euros), les mobilités (+1,1 milliard) ou encore la rénovation des logements (+1,6 milliard d'euros). Bercy compte également sur les subsides du plan France 2030 pour booster l'investissement public et l'innovation nécessaires à la transition.
Pour financer cette montagne d'investissements, l'économiste Jean Pisani-Ferry et l'inspectrice générale des Finances Selma Mahfouz dans un rapport remis à Matignon en mai dernier ont préconisé d'avoir recours à l'endettement ou de taxer les plus hauts revenus. Mais ces options ont rapidement été balayées par les ministres de l'Economie Bruno Le Maire et des Comptes publics Gabriel Attal.
Une réindustrialisation à financer
Au printemps dernier, le gouvernement a présenté son projet de loi sur l'industrie verte. L'objectif est notamment de réduire les délais d'autorisation et d'implantation des usines dans l'Hexagone Le texte est arrivé ce lundi 17 juillet à l'Assemblée nationale pour une adoption prévue avant la pause du mois d'août. L'exécutif a annoncé que ce texte devait « se faire à coût budgétaire nul ». Il est encore difficile à ce stade d'évaluer le coût pour les finances publiques de cette loi. Son montant va dépendre notamment des demandes de subventions et des crédits accordés.
Mais si l'exécutif veut vraiment tenir son objectif de passer la part de l'industrie dans le produit intérieur brut de 10% à 15% dans les années à venir, il va sans doute devoir gonfler ses dépenses en faveur de l'industrie tout en aidant les sites existants à décarboner leur processus de production. Sur ce point, le chef de l'Etat a promis une enveloppe de 10 milliards d'euros si les grands industriels implantés sur le territoire français redoublaient leurs efforts.
Des baisses d'impôts en sursis
Lors de la campagne présidentielle en 2022, Emmanuel Macron avait encore prévu de nombreuses baisses d'impôts pour les ménages et les entreprises. Cette politique fiscale entamée lors du premier quinquennat pourrait cependant être revue. Pour les entreprises d'abord, l'exécutif a laissé entendre la semaine dernière qu'il pourrait revenir sur la baisse prévue des impôts de production. Ce qui a provoqué une bronca dans les milieux patronaux.
Chez les ménages, le ministre des Comptes publics Gabriel Attal avait promis une baisse de 2 milliards d'euros pour les classes moyennes. Mais là encore, cette piste pourrait passer à la trappe ou être reportée au regard des immenses défis qui attendent le gouvernement.
Des taux encore en hausse
La poursuite du resserrement monétaire de la Banque centrale européenne (BCE) risque d'avoir des répercussions pendant encore de très longs mois sur l'activité. Au mois de juin dernier, la Banque de France a révisé à la baisse ses prévisions de croissance du produit intérieur brut (PIB) pour 2024 à 1% (-0,2%).
De son côté, le gouvernement devrait présenter de nouvelles prévisions à la rentrée. Jusqu'à maintenant, il a maintenu son chiffre de 1% en 2023 et 1,6% en 2024. Mais ces projections sont largement au-dessus du consensus des économistes et jugées largement « optimistes » par la Cour des comptes. La récession en cours en zone euro n'a pas atteint l'économie française. Mais l'essoufflement des grands pays voisins de l'Hexagone est certainement une mauvaise nouvelle pour les conjoncturistes de Bercy.