Les comptables de Bercy risquent d'avoir des sueurs froides. Entre la préparation du budget 2024 et les 10 milliards d'euros d'économies à trouver, l'été s'annonce brûlant dans les longs couloirs du ministère de l'Economie. Avant de s'attaquer aux derniers arbitrages budgétaires, la Cour des comptes a dressé un tableau sombre des finances publiques dans son dernier rapport dévoilé ce jeudi 29 juin. Le déficit public pourrait s'établir à 4,9% du produit intérieur brut en 2023 contre 4,7% en 2022. En revanche, la dette pourrait continuer de fléchir passant de 114,6% en 2020 à 109,6% en 2023.
Après plusieurs années de « quoi qu'il en coûte », la juridiction financière appelle l'Etat, les collectivités locales et la sécurité sociale à se serrer la ceinture. Sans vraiment de surprise, les magistrats plaident pour une réduction de la dépense publique. Sur ce sujet délicat, le gouvernement a récemment mis sur la table des propositions visant les arrêts maladie, le logement avec la suppression de la loi Pinel, ou encore les aides à l'apprentissage et le compte personnel de formation. Mais la Cour des comptes émet de sérieux doutes sur la capacité de l'exécutif à tenir ses objectifs en matière de dépenses publiques tout au long de son épais document de près de 170 pages.
Prévisions de croissance optimistes
Après le fort rebond post-Covid de 2021 (+6%), la croissance économique s'est largement essoufflée en 2022 à 2,5%. L'éclatement de la guerre en Ukraine et la baisse de régime de l'économie mondiale ont pesé sur l'activité tricolore. Malgré cette conjoncture plus morose, l'exécutif a maintenu sa croissance du PIB à 1% en 2023 dans son programme de stabilité envoyé à Bruxelles à l'automne dernier. Et la prévision pour 2024 à 1,6% « est est de loin la plus élevée des prévisions disponibles, lesquelles s'étagent entre 0,9 % pour la plus pessimiste et 1,4 % pour la plus optimiste », notent les auteurs du rapport.
Depuis l'installation du gouvernement d'Elisabeth Borne, toutes les prévisions de croissance ont été supérieures à celles des principaux instituts de prévisions et du consensus des économistes. Concernant l'inflation, les projections de l'exécutif à 5% pour 2024 sont également au-dessus de celles du consensus (5,3%).
Baisses d'impôts, une perte de recettes substantielles selon la Cour
Le gouvernement entend bien poursuivre les baisses d'impôts promises pendant la campagne présidentielle de 2022. Entre la baisse de l'impôt sur la société, la suppression de la redevance audiovisuelle, la fin de la taxe d'habitation pour l'ensemble des ménages et la suppression progressive de la CVAE, le budget 2022 a enregistré une perte substantielle de recettes. Au total, les diminutions et suppressions d'impôt ont engendré une perte pour les finances publiques de 9,4 milliards d'euros en 2022.
Dans le même temps, le gouvernement a continué de dépenser pour faire face aux différentes crises (énergie, inflation, guerre). Et le réchauffement climatique et la transition énergétique devraient nécessiter des investissements faramineux estimés à 70 milliards d'euros par an selon l'économiste Jean Pisani-Ferry. Sur ce total, près de la moitié concernerait des investissements publics.
Les réformes auront peu d'effet sur le déficit en 2023
Depuis le début de son second mandat, Emmanuel Macron a mené des réformes au pas de charge. La réforme contestée des retraites a particulièrement marqué les esprits au printemps. Après des débats houleux à l'Assemblée nationale, le gouvernement avait dégainé l'article controversé du 49-3 pour faire passer le texte sans vote au Parlement. Sur le plan budgétaire, cette réforme aura probablement peu d'effet sur l'équilibre des comptes publics cette année.
C'est également le cas de la réforme de l'assurance-chômage en vigueur depuis le début de l'année et celle de Pôle emploi ou encore la transformation du RSA. Ces mesures « n'auraient donc qu'un impact marginal sur l'exercice et verraient leurs effets sur le déficit et la dette se matérialiser à moyen terme », indiquent les spécialistes des finances publiques. Beaucoup d'économistes avaient pointé le coût des mesures de compensation de la réforme des retraites et aussi la hausse des inscriptions au chômage ou des prestations sociales. Ce qui, au final, rendait la réforme plus coûteuse que ce qu'avait affirmé le gouvernement.