Covid-19 : l'Insee prévoit un effondrement de l'économie de 9% pour 2020

Avec la pandémie, l'économie française devrait enregistrer une récession d'environ 9% cette année, selon les dernières estimations de l'Insee. Près de 10% de la population active pourrait se retrouver au chômage avant la fin de l'année.
Grégoire Normand
(Crédits : Reuters)

Les chiffres continuent de donner le vertige. Selon la dernière note de l'Insee publiée ce mardi 6 octobre, l'économie française devrait plonger d'environ 9% au cours de l'année 2020. Après un printemps désastreux et un rebond plus fort qu'espéré au cours de l'été, le dernier trimestre s'annonce morose. Les économistes de l'institut anticipent une croissance nulle au cours du dernier trimestre 2020. La recrudescence de l'épidémie et le durcissement des mesures pour limiter la propagation du virus ont clairement assombri les perspectives de fin d'année. "Après le vif rebond associé au déconfinement (+16% prévu au troisième trimestre, après -13,8% au deuxième et -5,9% au premier), l'activité économique pourrait ainsi marquer le pas en fin d'année sous l'effet de la résurgence de l'épidémie" indiquent les statisticiens. Lors d'un point presse, le chef du département de la conjoncture Julien Pouget a expliqué :

"L'épidémie tend à rebondir en France et en Europe. Cela crée beaucoup d'incertitudes sanitaires d'abord et de l'incertitude économique ensuite. Comme depuis le début de la crise, c'est l'évolution de l'épidémie qui pourrait conditionner en grande partie l'évolution de l'économie dans les prochains mois [...] Les mesures restrictives liées à l'épidémie sont davantage ciblées qu'au printemps. Elles concernent certains secteurs et territoires. Ce ciblage des mesures d'endiguement devrait amoindrir leur impact économique, surtout par rapport au confinement général que l'on a connu au printemps. Nous bénéficions des progrès scientifiques et de l'expérience accumulée pendant la première vague épidémique. Les prévisions pour la fin de l'année deviennent en revanche plus incertaines".

La demande dans le rouge

La mise sous cloche de l'économie et les mesures drastiques de confinement ont précipité l'économie tricolore dans une violente et profonde récession au printemps. Le principal poste qui a accéléré le recul du PIB en 2020 est l'effondrement de la demande intérieure avec une contribution négative de -7 points (sur 9). Les dépenses d'investissement de manière générale se sont repliées de - 10% après avoir accéléré de 4,3% en 2019. Parmi les différents facteurs, les dépenses d'investissement des ménages ont reculé de -13% en 2020 contre 1,8% en 2019. Viennent ensuite les dépenses d'investissement des administrations publiques (-10% contre 7,7%  l'année dernière) et les investissements des entreprises (-9% en 2020 après 3,7% en 2019).

Traditionnel moteur de l'économie hexagonale, la consommation des ménages a enregistré un repli historique. Elle devrait refluer de -7% cette année après avoir bondi de 1,5% en 2019. Les dépenses de consommation des administrations publiques devraient également connaître un recul impressionnant de -6% cette année. Après les premières mesures d'urgence, le plan de relance devrait prendre le relai dans les mois à venir pour rebooster l'économie. Il reste que le pari du gouvernement qui a tablé sur une politique de l'offre avec un soutien massif aux entreprises paraît risqué à ce stade alors que la demande demeure atone.

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Le commerce extérieur à l'agonie

La pandémie a fait trembler les échanges de biens sur toute la planète et a contribué à désorganiser les chaînes de valeur mondiales. En France, les chiffres du commerce extérieur sont dans le rouge. Selon les projections de l'organisme public, "les exportations françaises ont fortement diminué (-6% au premier trimestre 2020, puis -25% au deuxième) ; de même pour les importations, quoique dans une moindre mesure (-5,6% puis -16,4%)". Le commerce extérieur a ainsi ôté deux points de valeur ajoutée cette année. Les exportations de matériel de transport (aéronautique, automobiles) ont subi de plein fouet les effets de la fermeture des frontières. Les pays d'Europe de l'Ouest,  qui sont les principaux clients de l'appareil productif tricolore, ont en grande partie fermer leurs frontières au printemps au moment où le virus se propageait sur l'ensemble du continent. Ce qui a provoqué un coup d'arrêt brutal aux échanges extérieurs.

Les transports de voyageurs et l'aéronautique durement touchés

La propagation du virus sur l'ensemble du territoire a provoqué une terrible onde de choc sur l'ensemble des secteurs au printemps. Avec la levée des barrières sanitaires au mois de mai, certains secteurs ont presque retrouvé leur niveau d'activité d'avant crise tandis que d'autres demeurent meurtris. Dans leurs travaux, les conjoncturistes expliquent que ce sont principalement des activités de services qui ont durement été touchées. Il s'agit avant tout du transport de voyageurs (ferroviaire et aérien), l'hébergement-restauration, les activités sportives et culturelles. Sur le front industriel, ce sont principalement la construction aéronautique et ferroviaire qui ont connu un recul massif d'activité. Au total, ces secteurs représentent environ 9% de la valeur ajoutée française.

A l'opposé, d'autres secteurs ont réussi à tirer leur épingle du jeu malgré cette crise sanitaire. Sans surprise, il s'agit avant tout de l'industrie pharmaceutique, des services d'information, des télécoms et du commerce de détail. "Ces secteurs représentent une part non négligeable de l'économie - environ 8 % de la valeur ajoutée totale ; cependant l'ampleur de leur surcroît d'activité resterait faible au regard des pertes essuyées par les secteurs les plus touchés."

Un chômage à 9,7% à la fin de l'année

Les indicateurs du marché du travail témoignent de la gravité de la crise. Malgré les mesures de chômage partiel rapidement mises en oeuvre au printemps et leur prolongement, la pandémie a entraîné des destructions d'emplois par centaines de milliers sur tout le territoire. Selon les projections de l'Insee, environ 728.000 postes seraient détruits au cours de l'année 2020. Le premier trimestre a été particulièrement tragique avec 500.000 emplois en moins. Là encore, il existe des disparités entre les secteurs. Le tertiaire (marchand et non-marchand) a été particulièrement touché avec 275.000 postes en moins rien que sur les trois premiers mois de l'année et 517.000 postes détruits sur l'ensemble de l'année.

Du côté de l'industrie, les clignotants sont également dans le rouge avec 53.000 emplois détruits alors que le secteur commençait à peine à recréer des emplois et installer de nouveaux sites de production depuis quelques années. Les saignées sont particulièrement marquées dans la filière aéronautique ou dans l'industrie automobile avec la fermeture d'usines et des sous-traitants asphyxiés par ces annonces. Résultat, le taux de chômage au sens du bureau international du travail (BIT) pourrait atteindre 9,7% de la population active avant la fin de l'année. Sur cet indicateur, les économistes de l'Insee ont révisé à la baisse leurs prévisions (9,5% précédemment). "Il pourrait même atteindre les 10% à la fin de l'année" a déclaré Julien Pouget lors de point presse. En outre, le point bas de 7,1% atteint au printemps était une baisse en trompe l'oeil. En effet, lors du confinement, beaucoup de demandeurs avaient interrompu leurs recherches d'emploi et n'étaient plus comptabilisés comme chômeur selon les conventions internationales.

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L'inflation au plus bas

L'indice des prix à la consommation a fortement diminué depuis le début de la crise en dépit de la hausse des prix dans certains secteurs. Elle est ainsi passée de 1,4% en février à 0,1% en septembre. Le repli spectaculaire de l'économie européenne notamment lié au mesures de restriction a entraîné un plongeon de la demande. Même l'inflation sous-jacente, qui exclut les prix les plus volatils comme les produits pétroliers ou l'alimentation reste particulièrement basse. Ce fort ralentissement est particulièrement inquiétant. En zone euro, l'indice des prix à la consommation a enregistré une seconde baisse consécutive au mois de septembre alimentant le spectre d'une déflation grandissante. Pour plusieurs économistes interrogés par La Tribune la semaine dernière, il y a un risque déflationniste à l'horizon.

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Le pouvoir d'achat en net recul

La pandémie a également affecté le porte-monnaie des Français. L'Insee explique que le pouvoir d'achat du revenu disponible brut par unité de consommation diminuerait de 1,2% en 2020 après avoir enregistré une hausse de 1,5% l'année dernière. Même si les prestations sociales et les stabilisateurs automatiques devraient permettre de limiter la casse, beaucoup d'actifs précaires devraient voir leur revenu diminuer. En effet, de nombreux intérimaires, salariés en CDD,  intermittents et certains indépendants et auto-entrepreneurs ont été les premiers à subir les répercussions de la pandémie au cours du printemps. Une partie de ces personnes qui se retrouvent au chômage ou sans activité et protection sociale a minima devraient être frappés durablement par la récession. En parallèle, d'autres travailleurs précaires particulièrement vulnérables comme les saisonniers pourraient passer entre les mailles des filets de sécurité. Ainsi, beaucoup pourraient passer de la pauvreté à l'extrême pauvreté si la situation sanitaire et économique ne s'améliore pas. De nombreuses associations et organismes ont tiré la sonnette d'alarme ces derniers jours sur la paupérisation croissante de nombreux travailleurs et personnes vulnérables.

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Une montagne d'épargne

Pendant le confinement, les Français ont accumulé une montagne d'épargne "forcée". Selon des estimations de la Banque de France, elle s'élèverait à plus de 100 milliards d'euros sur l'ensemble de l'année 2020. Avec la reprise de l'épidémie, cette épargne "contrainte" pourrait se transformer en épargne de "précaution" compromettant les espoirs d'une reprise rapide. En effet, "le solde d'opinion sur l'opportunité d'épargner poursuit sa vive progression entamée en mai, et atteint en septembre un niveau non égalé durant les cinq dernières années" indiquent les auteurs de la note. Pour le gouvernement qui compte notamment sur l'épargne des Français pour relancer les moteurs de l'économie, le pari paraît bien risqué à l'approche d'un hiver compliqué à gérer sur le plan sanitaire.

Grégoire Normand
Commentaires 6
à écrit le 07/10/2020 à 7:03
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Don't worry be happy ! 9.7% de chômage , celà retombera pour 2022 ! Il ne faut absolument pas reconfiner ni localement ni regionalement ni nationalement ! oui on peut refaire tomber le chômage à 7% ou 5 % . Les Américains completement dingue de tont...

à écrit le 06/10/2020 à 20:41
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"Avec la pandémie, l'économie française ..." : Non, la pandémie n'a rien à voir là dedans. Le bon début de l'article, c'est : "Avec le confinement, l'économie française ..." Mais bien sûr, c'est moins politiquement correct :)

le 07/10/2020 à 11:25
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Seule la France a confiné ??? Voyez aussi les chiffres des autres grands pays GB, USA etc....

à écrit le 06/10/2020 à 18:38
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C'est donc 3 millions de chômeurs + tous ceux qui ne sont pas comptabilisés. A la louche, environ 5 millions de personnes sans emploi. Les conséquences à suivre ? Je n'ose même pas imaginer.

le 07/10/2020 à 4:56
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5 millions, dites-vous ! Mais cette estimation remonte aux annees 2000. Plus de dix millions a minima sont sans emploi. Reveillez-vous.

à écrit le 06/10/2020 à 18:12
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Ce meme jour , l'ALLEMAGNE ne prévoit que 5 % de récession . Comment expliquez vous cet écart qui va presque du simple au double !

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