Les chiffres donnent le vertige. Selon la dernière livraison de l'Insee ce vendredi 31 juillet, le produit intérieur brut (PIB) tricolore a chuté de -13,8% au second trimestre 2020 après -5,9% au premier trimestre. La mise sous cloche de l'économie française à partir de la mi-mars et l'arrêt des activités non essentielles a entraîné un plongeon historique de la valeur ajoutée.
Depuis qu'il mesure le rythme trimestriel du PIB, l'Institut n'avait enregistré un tel effondrement. Les statisticiens ont révisé à la baisse leurs chiffres du premier trimestre de 0,6 point (-5,3% en première estimation). La chute de l'activité au deuxième trimestre est toutefois moindre que ce qu'anticipaient la plupart des analystes et l'Insee lui-même, qui l'estimait encore à 17% au mois de juin.
"Le chiffre du T2 masque des mouvements infra-trimestriels de grande ampleur, avec une activité sans doute au plus bas début avril (premières semaines de confinement) puis une reprise graduelle, notamment à partir du 11 mai", explique le chef du département de conjoncture à l'organisme public, Julien Pouget.
Si ces chiffres sont susceptibles d'être révisés dans les mois à venir, ils illustrent l'ampleur et la brutalité du choc subi par l'économie tricolore. La levée progressive des mesures de restriction au cours du second trimestre a permis à de nombreux secteurs de redémarrer mais les dégâts économiques et sociaux risquent de se propager encore pendant une longue période. L'un des principaux risques est que cette récession se transforme en violente dépression.
Si les États ont réagi plus rapidement que lors des précédentes crises, les nombreuses destructions d'emplois en cours et à venir vont entraîner une baisse de revenus considérables pour des milliers de ménages et donc une baisse durable de la demande. Pour l'économie française, une chute prolongée de la demande entraînerait une spirale récessive redoutable pour le tissu productif et les emplois.
Plongeon historique de la consommation
La mise en oeuvre des mesures de confinement drastiques et la paralysie de pans entiers de l'économie a provoqué un choc de demande historique. La plupart des indicateurs sont au rouge vif. La consommation, moteur traditionnel de la croissance tricolore, a chuté entre avril et juin d'environ 11% (-15,6% par rapport au T2 2019). Les ménages ont privilégié les dépenses de consommation de produits de première nécessité et ont reporté l'achat de biens importants. "S'agissant des biens, la consommation de biens fabriqués baisse nettement (-12,0 % après -16,0 %) et les dépenses en énergie baissent également (−11,1 % après -3,7 %) en raison notamment de la forte baisse des achats de carburants liée au confinement. Les dépenses alimentaires ne se replient que légèrement (-0,5 % après +2,8 %)", indiquent les économistes de l'Insee. Résultat, les foyers ont énormément épargné lors de cette période de confinement. Les économistes de la Banque de France estiment que cette épargne "forcée" devrait s'élever à environ 100 milliards d'euros en 2020.
Toujours du côté de la demande, les administrations publiques ont également fortement réduit leurs dépenses pendant cette période. Elles ont diminué de 8% après un premier recul de 3,5% au cours du premier trimestre. Pour le chef économiste de Allianz Ludovic Subran, "-8% de 'conso des APU' c'est délirant (même en Allemagne, elles augmentent). Ça baissait déjà au T1 mais municipales obligent; là ça montre que le confinement a gelé l'action publique, on n'a pas su dépenser juste et à temps pour limiter la casse".
L'investissement en chute libre
La formation brute de capital fixe (FCBF) a enregistré un repli abyssal au cours du second trimestre. L'investissement total a ainsi reculé de 17,3% entre avril et juin après 5,5% entre janvier et mars. La plupart des agents publics et privés ont gelé leurs dépenses d'investissement alors que le virus continuait de se propager sur l'ensemble du territoire. "L'investissement diminue dans la construction (−26,2 % après -14,5 %), en lien avec la suspension de chantiers pendant le confinement et malgré leur reprise progressive à partir notamment du mois de mai. La baisse est également très marquée sur le trimestre dans les biens manufacturés (-23,1 % après -13,2%)", souligne l'Insee. Au final, la chute de la demande a clairement plombé la croissance avec une contribution négative du PIB estimée à -12%.
Le commerce extérieur en repli
Les indicateurs du commerce extérieur sont épouvantables. Le blocage des ports de commerce, la fermeture des frontières maritimes et aériennes, le gel du fret ferroviaire a entraîné des pertes faramineuses pour les entreprises exportatrices. "Au deuxième trimestre 2020, les importations diminuent fortement (−17,3 % après -10,3 %), notamment les biens manufacturés. Les exportations diminuent de façon encore plus marquée (−25,5 % après -6,1 %), en particulier dans les matériels de transports", signalent les statisticiens. Au final, le commerce extérieur a plombé la croissance du PIB avec une contribution négative ce trimestre (-2,3 points après -0,1 point).
Vers une reprise lente et graduelle
À ce stade, il est encore complexe d'avoir des projections fiables sur les chiffres de croissance des prochains trimestres. Les premiers indicateurs avancés d'activité et les données hautes fréquences utilisées par l'Insee (données de transactions bancaires, fret ferroviaire) signalent un rebond au cours du mois de juin. En dépit des ces premiers signaux favorables, l'apparition de nouvelles zones de contamination dans quelques régions et les craintes d'une seconde vague risquent d'assombrir les perspectives économiques.
En outre, la vitesse de la reprise d'activité va également dépendre des avancées de la recherche pour trouver un vaccin. Or à l'heure actuelle, aucun traitement n'a encore fait ses preuves. En attendant les annonces du plan de relance programmées à la rentrée, beaucoup de secteurs restent dans la torpeur.