L'économie tricolore traverse encore de fortes zones de turbulence. La mise sous cloche de secteurs entiers au printemps et l'application des mesures drastiques de confinement avaient provoqué à la fois un double-choc : d'offre et de demande. Avec la levée progressive des mesures pour limiter la propagation du virus, la plupart des secteurs ont pu redémarrer dans des conditions sanitaires et sociales parfois complexes. Il reste que, malgré cette ouverture, d'après la grande majorité des salariés interrogés par la direction statistique du ministère du Travail (Dares), une grande partie des entreprises restent confrontées à une chute de la demande comme le rappelle une enquête rendue publique ce mercredi 23 septembre.
Les pertes sur les carnets de commande
Parmi les facteurs qui ont entraîné une baisse de l'activité, la perte sur les carnets de commande représente la principale cause pour 80% des salariés ayant répondu à l'enquête. Viennent ensuite les fermetures administratives pour 9% des répondants, les difficultés d'approvisionnement (6%) et le manque de personnel (5%).
Si cette perte de commandes a augmenté dans la plupart des secteurs, certains sont frappés de plein fouet. En premier lieu, l'énergie, l'eau et les déchets ont particulièrement souffert. Arrivent ensuite l'industrie agro-alimentaire, les biens d'équipement, la fabrication des matériels de transport. A l'opposé, les autres activités de services, l'enseignement, la santé humaine, les services aux entreprises ont été relativement plus épargnés.
L'ombre de la spirale récessive
Depuis le début de l'été, le gouvernement a mis en avant sa stratégie pour relancer l'activité en expliquant que le principal obstacle de l'économie tricolore était l'offre. Lors d'une audition au Sénat au début du mois de juin, le ministre de l'Economie Bruno Le Maire avait expliqué que "le problème économique de la France est un problème d'offre". Au début du mois de septembre, le gouvernement a présenté son plan de relance en mettant l'accent sur la baisse des impôts de production longtemps réclamée par une partie du patronat. Avec le prolongement de la crise et les vagues de licenciements en cours et à venir, la demande pourrait être affectée durablement alimentant le spectre d'une spirale récessive. Une chute prolongée de la consommation entraînerait une baisse durable des revenus des entreprises et des investissements. Le plan de relance du gouvernement pourrait ainsi manqué sa cible, alors que le chômage devrait atteindre des sommets selon la plupart des prévisionnistes.
Les difficultés financières se multiplient
Sans surprise, l'autre signal inquiétant présenté dans l'enquête concerne la multiplication des difficultés financières dans les entreprises. Elles concernent principalement "le secteur de l'énergie, en très forte hausse ce mois-ci (48 % après 28 % en juillet), l'hébergement restauration (39 % en août), la fabrication de matériels de transports (38 %), les biens d'équipement (31 %) et dans l'information communication (35 %)". A court terme, beaucoup d'entreprises pourraient mettre la clé sous la porte. Si dans un premier temps, les prêts garantis par l'Etat (PGE) ont permis de limiter la casse, la nécessité de rembourser ces sommes et l'affaiblissement des revenus au cours du dernier trimestre 2020 pourrait provoquer une hécatombe pour beaucoup d'établissements déjà fragilisés par les mesures de confinement.
"Les entreprises ont beaucoup de dettes, les profits vont diminuer. Le chômage partiel de longue durée protège les emplois mais peut contribuer à fabriquer des entreprises zombies ou des entreprises affaiblies", rappelait récemment l'économiste en chef de Natixis Patrick Artus.
Ce risque de "zombification" plane sur l'économie tricolore à un moment où l'activité est en repli.
L'activité recule, une première depuis mai
Après avoir connu un redémarrage progressif au cours de l'été, l'économie française entre à nouveau dans une période troublée. Selon le dernier indice composite Markit du secteur privé rendu public ce mercredi 23 septembre, l'activité s'est repliée passant de 51,6 en août à 48,5 en septembre. La situation dans les services est particulièrement préoccupante avec un sérieux recul, l'indice des directeurs d'achat passant de 51,5 à 47,5. Du côté de l'industrie, les voyants sont au vert. L'indice de l'industrie manufacturière s'est redressé à 50,9 contre 49,8 en août. La multiplication des foyers de contamination depuis le début du mois de septembre a clairement affecté les capacités de reprise de l'économie française.
"La forte augmentation du nombre de cas de Covid-19 observée en France au cours du mois de septembre permet en partie d'expliquer la première baisse mensuelle de l'activité économique depuis mai dernier [...] Si la recrudescence du nombre de cas s'est accompagnée de nouvelles restrictions imposées par le gouvernement, elle a également causé une certaine paralysie des entreprises, désormais préoccupées par le risque de nouvelles fermetures dans le cadre d'un éventuel confinement" a affirmé l'économiste Eliot Kerr, économiste à IHS Markit.