Deliveroo condamnée, le business des livraisons à domicile menacé

375.000 euros: c'est le montant de l'amende que devra payer la plateforme de livraison à domicile, Deliveroo France. Condamnée par le tribunal de Paris pour travail dissimulé, la marque anglaise écope de la peine maximale. Deux anciens dirigeants de Deliveroo sont également reconnus coupables d'un an de prison avec sursis. Ce jugement peut-il remettre en cause ce modèle "d'ubérisation" ?
Fanny Guinochet
(Crédits : Reuters)

La sentence est tombée ce mardi 19 avril, et elle est historique. "Le délit de travail dissimulé est établi", a estimé le tribunal judiciaire de Paris, qui a suivi les réquisitions du parquet. Deliveroo France est lourdement condamnée. Les faits reprochés datent de la période 2015 à 2017.

La plateforme de livraison, qui embauchait ses livreurs sous le statut d'auto-entrepreneurs, devra également verser 50.000 euros de dommages et intérêts, pour préjudice morale, à chacun des cinq syndicats - CGT, Union solidaires; SUD, etc. - qui se sont portés partie civile. Trois cadres de la firme anglaise sont également reconnus coupables et écopent de prison avec sursis.

Discrète à l'annonce du jugement, l'entreprise Deliveroo a simplement assuré, par la voix de son avocat, qu'elle se réservait le droit de faire appel. Elle précise que la décision rendue porte sur le modèle de la marque à ses débuts et n'a pas de conséquences sur la manière d'opérer aujourd'hui. D'ailleurs, cette décision ne remet pas en cause sa présence dans l'Hexagone.

Un jugement qui fera date

En attendant, ce jugement va faire date dans le petit monde de la livraison et des VTC. Mais, à en croire plusieurs sources, il n'a pas spécialement rassuré les chauffeurs et livreurs qui craignent de voir les plateformes fragilisées jusqu'à mettre, à terme, la clef sous la porte. Même si des dizaines d'entre eux se sont portés partie civile et ont dénoncé, à l'audience, les pressions qu'ils subissent lors de la livraison par les donneurs d'ordre, la majorité d'entre eux restent assez éloignés de ce procès.

Le tribunal correctionnel ne requalifiera pas les auto-entrepreneurs en salariés. Il n'en a pas le pouvoir. Seul les Prud'hommes pourraient le faire. Mais, là encore, la majorité des livreurs voudraient-ils vraiment d'un CDI ? « Non, la plupart sont attachés à leur statut d'indépendants », assure Fabian Tosolini, délégué national de l'Union, organisation proche de la CFDT qui représente les travailleurs indépendants de VTC et de livraison à vélo. Selon lui, la vraie question "n'est pas salarié ou auto-entrepreneur".

D'ailleurs, la présidente du tribunal a précisé :

« Le tribunal observe que la question n'est pas celle de savoir si le statut du travailleur indépendant est ou n'est pas un statut juridique satisfaisant, mais de constater qu'en l'espèce, il s'est agi pour Deliveroo d'un habillage juridique fictif ne correspondant pas à la réalité de l'exercice professionnel des livreurs. »

En d'autres termes, selon le tribunal, Deliveroo a instrumentalisé et détourné le travail de livreurs qui auraient du être salariés. La marque britannique a joué de la flexibilité à l'extrême, et fait pression sur ces actifs. La fraude ayant pour seul but d'employer à moindres frais les livreurs.

Un modèle économique hybride

Pour Fabian Tosolini, ce jugement met surtout en valeur deux visions du monde de la livraison qui s'affrontent :

« Deliveroo se fait condamner car la plateforme embauche des auto-entrepreneurs.... Et, dans le même temps, une autre marque "Just eat" qui a pris le parti de salarier ses livreurs et d'être un peu plus chère, annonce qu'elle va se séparer d'un tiers de ses livreurs car elle ne rentre pas dans ses frais. »

Un paradoxe qui souligne la difficulté de trouver le bon modèle économique dans ce secteur de la livraison.

Dernière question et non des moindres : ceux qui applaudissent la décision, sont-ils prêts à payer plus cher leur livraison ? Chez Just Eat, par exemple, dont le service est plus onéreux, la marque n'a pas dégagé un chiffre d'affaires suffisant pour assurer la rémunération de ses livreurs-salariés. Le consommateur-client n'étant pas disposé à payer plus cher.

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LIRE aussi notre DOSSIER ÉDITORIAL E-COMMERCE (février 2022)

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Fanny Guinochet
Commentaires 16
à écrit le 20/04/2022 à 21:45
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@PAFO C'est bien ce que je disais vous n'appréciez pas la concurrence de l'externalisation qui révèle un défaut de compétences internes du sommet à la base de l'organigramme de votre entreprise... Manifestement votre expert a eu raison de qui...

à écrit le 20/04/2022 à 9:32
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"Trois cadres de la firme anglaise sont également reconnus coupables et écopent de prison avec sursis." Pour résumer ,les seuls à être en CDI dans cette boite.Deux ex-directeurs généraux ont été condamnés à un an de prison avec sursis, et un ex-di...

à écrit le 20/04/2022 à 9:32
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Difficile déjà de comprendre comment ce système de dumping social a pu s'installer partout.

à écrit le 19/04/2022 à 23:54
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Il était temps.. toutes ces pseudo boîtes vampirisent l économie .. out cross the Channel!! Les consommateurs qui utilisent ces services sont complices de l esclavagisme du 21 eme siècle … eh ben non tout rn est pas Permis !!

à écrit le 19/04/2022 à 23:52
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Jamais fait appel à ce type de service .. quand je veux manger , je fais la cuisine .. je ne suis pas un flemmard et mes parents m ont pas habitué à la bouffe industrielle ni au restau- Metro ni Sodexho… en plus une ste anglaise ? Mais foutez là deh...

à écrit le 19/04/2022 à 23:51
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Jamais fait appel à ce type de service .. quand je veux manger , je fais la cuisine .. je ne suis pas un flemmard et mes parents m ont pas habitué à la bouffe industrielle ni au restau- Metro ni Sodexho… en plus une ste anglaise ? Mais foutez là deh...

le 20/04/2022 à 1:50
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Que va-t-on pouvoir faire des 2000+ pseudo-afghans importés de Kaboul en 2021 sans document d'identité ni qualification sur le territoire national?

à écrit le 19/04/2022 à 21:19
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Il faut interdire le statut d'auto-entrepreneur au delà de 2 ans qui n'est ni plus ni moins qu'un nouvel esclavagisme.

le 20/04/2022 à 1:45
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Jusqu'à preuve du contraire personne ne vous force à créer votre micro-entreprise, vous êtes libre de vous enchaîner à un patron et ses sbires (RH, managers, commerciaux, etc) par le salariat...

à écrit le 19/04/2022 à 20:19
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Au vu des sommes levées, les sociétés concernées vont continuer à enfreindre la loi et encourir des sanctions pas du tout dissuasives. 375 000 euros d'amende pour quel chiffre d'affaires ? Prison avec sursis, qui s'en souciera ? Il faut renforcer l'a...

le 19/04/2022 à 23:45
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Une bonne pub pour une Belle image auprès des consommateurs .. deliveroo : délivrez nous de ces rosBeef brexiters!!

le 20/04/2022 à 9:24
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Les résultats de l'année 2021 de Deliveroo sont un peu mi-figue mi-raisin : +57% de chiffre d'affaires - à 1,8 milliard de livres (2,15 milliards d'euros) - mais en même temps une perte nette annuelle en hausse de 36%.

à écrit le 19/04/2022 à 20:08
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L'état devrait s'intéresser de très près aux freelances, car le dumping réalisé dans la livraison s'étend aujourd'hui aux emplois de cadres de haut niveau. Les entreprises qui font appel à cette main d'oeuvre ne se rendent pas compte qu'elles perdent...

le 19/04/2022 à 20:42
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Tiens donc les freelances menaceraient les cadres dont le niveau ne serait pas aussi haut qu'ils le prétendent... Manifestement vous avez un problème avec la libre concurrence. Ceci dit il me semble plus inquiétant que les plateformes de mise ...

le 20/04/2022 à 15:51
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Les "freelances" sont l'équivalent des journaliers d’antan. C'est du dumping sur le salaria, pas de la concurrence. Niveau compétences, ils ne sont pas meilleurs, voir pire car il ne connaissent pas les spécificités de l'entreprise. Des sociétés font...

le 20/04/2022 à 21:48
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@PAFO C'est bien ce que je disais vous n'appréciez pas la concurrence de l'externalisation qui révèle un défaut de compétences internes du sommet à la base de l'organigramme de votre entreprise... Manifestement votre expert a eu raison de qui...

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