Livraison de repas : Malgré des « vents contraires», Deliveroo vise la rentabilité d'ici deux ans

La plateforme de livraison de repas britannique, l'un des plus gros acteurs du secteur en France, a creusé ses pertes en 2021 en raison d'une forte augmentation de ses coûts. Et ce malgré une hausse de ses recettes : +57% de son chiffre d'affaires. L'entreprise britannique se montre par conséquent prudente pour le reste de 2022, notamment à cause de l'inflation.
Deliveroo prévoit d'atteindre la rentabilité entre le deuxième semestre 2023 et le premier semestre 2024 sur une base de bénéfice d'exploitation ajustée.
Deliveroo prévoit d'atteindre la rentabilité entre le deuxième semestre 2023 et le premier semestre 2024 sur une base de bénéfice d'exploitation ajustée. (Crédits : REUTERS/Charles Platiau)

Les résultats de l'année 2021 de Deliveroo sont un peu mi-figue mi-raisin : +57% de chiffre d'affaires - à 1,8 milliard de livres (2,15 milliards d'euros) - mais en même temps une perte nette annuelle en hausse de 36%. « Nous avons continué à faire des progrès dans l'exécution de notre stratégie » avec « une croissance rapide sur tous nos marchés », s'est néanmoins félicité le cofondateur et directeur général Will Shu. Il dit prévoir « d'atteindre la rentabilité entre le deuxième semestre 2023 et le premier semestre 2024 sur une base de bénéfice d'exploitation ajustée » - bénéfices tirés de l'activité pure d'une entreprise, à savoir avant intérêts, impôts, dépréciations et amortissements.

Le dirigeant avertit cependant de « vents contraires en raison des pressions inflationnistes, du retrait des aides économiques » mises en place pendant la pandémie et « de l'impact politique et économique du conflit en Ukraine ».

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La réglementation, « épée de Damoclès » pour les acteurs de la livraison de repas

Pour Dan Thomas, analyste de Third Bridge, « la principale chose que les investisseurs vont regarder est la prévision de marge pour 2022 » et elle est toujours « négative sur une base de bénéfice d'exploitation ajustée ». Et d'ajouter : « La réglementation continue d'être une épée de Damoclès pour Deliveroo et ses pairs du secteur de la livraison alimentaire ».

Le statut de travailleur indépendant, sur lequel des plateformes comme Uber ou Deliveroo fondent leur modèle, est remis en cause dans un nombre croissant de pays, suscitant des lois et décisions de justice en ordre dispersé. La peine maximale de 375.000 euros d'amende a ainsi été requise mercredi à l'encontre de Deliveroo, jugé avec trois de ses anciens dirigeants devant le tribunal correctionnel de Paris pour travail dissimulé (voir en fin d'article).

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« Les analystes veulent voir une trajectoire durable de rentabilité vu l'environnement plus difficile actuel de financements », avec une hausse des taux d'intérêt notamment, remarque Dan Thomas, qui juge que la plateforme concurrente Just Eat Takeaway « a clairement l'avantage dans ce domaine ». Cette dernière salarie en effet ses livreurs, en CDI et payés au Smic horaire.

Vu la concurrence très élevée, avec notamment la montée en force de nouveaux acteurs qui raccourcissent considérablement la durée de livraison de repas ou d'épicerie, « il est peu probable que Deliveroo soit en mesure de réduire ses dépenses de marketing élevées à court terme ». « Ils devraient toutefois avoir une amélioration du coût de coursier par commande à mesure que la densité de leur réseau progresse, à condition qu'il n'y ait pas de développement négatif en termes de réglementation », conclut-il.

L'action a ouvert en hausse de 3,47% à 120,60 pence jeudi, néanmoins loin de son prix d'introduction en Bourse de 390 pence fin mars 2021.

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Les livraisons de repas ont le vent en poupe, Deliveroo et Uber Eats se démarquent

Déjà en croissance avant la crise sanitaire, la livraison de repas à domicile a connu une véritable explosion dans le contexte de confinements et de fermeture des restaurants. 60% des Français l'ont désormais intégrée à leurs habitudes de consommation, contre seulement 40% à la veille de la pandémie.

Parmi les commandes de repas effectuées en ligne, sept sur dix passent par les agrégateurs-livreurs comme Uber Eats ou Deliveroo, qui assurent le service de livraison entre les professionnels et les clients, contre cinq sur dix il y a dix ans. Ces deux acteurs tirent nettement leur épingle du jeu sur ce marché de la livraison de repas, à tel point que certains experts parlent d'un duopole Uber Eats-Deliveroo.

Selon une étude de l'IRI parue mi-décembre 2021, et qui a étudié les dépenses liées aux achats de repas et de courses livrés à domicile de 350.000 Français sur un an (octobre 2020-octobre 2021), celles-ci s'élèvent au total, pour l'échantillon considéré, à 10,7 milliards d'euros. Les plateformes assurant la livraison entre restaurants et particuliers (notamment Deliveroo ou Uber Eats), concentrent à elles seules 8,7 milliards d'euros de cette somme, soit une part conséquente du marché des services de livraison alimentaire.

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ZOOM : 375.000 EUROS D'AMENDE REQUIS CONTRE DELIVEROO POUR « TRAVAIL DISSIMULÉ »

La peine maximale de 375.000 euros d'amende a été requise mercredi 16 mars à l'encontre de la plateforme de livraison Deliveroo, jugée avec trois de ses anciens dirigeants devant le tribunal correctionnel de Paris pour « travail dissimulé ». Selon la procureure Céline Ducournau, la startup est bien responsable d' « une instrumentalisation et d'un détournement de la régulation du travail dans le but d'organisation d'une dissimulation systémique » d'emplois de livreurs, qui auraient dû être salariés et non indépendants.

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Pour la société, la procureure a aussi demandé comme peine complémentaire « l'affichage et la diffusion » de cette décision, notamment devant les locaux de Deliveroo pendant deux mois, ainsi que sur la page d'accueil du site et de l'application mobile de la plateforme. Elle a souhaité cette peine en pensant « aux travailleurs actuels » de la plateforme, et requis qu'elle s'applique immédiatement, même en cas d'appel. Elle a enfin demandé que les trois millions d'euros saisis par l'Urssaf pendant la procédure et représentant une partie de la valeur de l'infraction, soient confisqués.

Pour les deux dirigeants successifs de Deliveroo France sur la période concernée, elle a demandé un an d'emprisonnement avec sursis et 30.000 euros d'amende. Pour un troisième responsable, « simple salarié », elle a souhaité quatre mois d'emprisonnement avec sursis et 10.000 euros d'amende. La procureure avait commencé par indiquer « regretter » l'absence sur le banc des prévenus de William Shu, grand patron de l'entreprise britannique et « incontestablement » à l'origine du « système ».

Deliveroo n'est d'ailleurs pas la seule en France à être inquiétée par la justice pour « travail dissimulé ». L'ex-société Take Eat Easy, liquidée judiciairement en août 2016, et son ex-patron seront jugés pour ce même motif en octobre 2022 à Paris. Quant à la plateforme allemande de livraison Foodora, qui a cessé son activité en France fin septembre 2018, elle a été condamnée pour travail dissimulé par le Conseil de prud'hommes de Paris en janvier dernier. L'institution a reconnu l'existence d'un contrat de travail pour deux de ses anciens livreurs.

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(Avec AFP)

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Commentaires 2
à écrit le 17/03/2022 à 18:32
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"Deliveroo vise la rentabilité d'ici deux ans" En même temps quelle startup aurait dit le contraire avant l'explosion de la bulle dot com?

à écrit le 17/03/2022 à 13:11
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Ben oui le dumping social est un accélérateur de marges bénéficiaires de l'actionnaire milliardaire mais EN MÊME TEMPS l'enfer sur terre qui a déjà accroché à son tableau de chasse la valeur travail. L’humanité est assassinée l'argent est son meurtri...

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