Du ras le bol fiscal à la baisse des inégalités : le bilan fiscal de Hollande

François Hollande a augmenté les impôts, lourdement. Mais, en contrepartie, il a su diminuer les inégalités
Ivan Best

 C'est l'un des paradoxes de ce président sortant. François Hollande a échoué dans son domaine d'expertise, de prédilection : la fiscalité. Le "ras le bol fiscal", expression inventée adroitement par son propre ministre des Finances Pierre Moscovici, a durablement marqué les esprits. Jusqu'à François Hollande lui même, qui, dans les ouvrages récemment publiés, fait a demi mot son mea culpa. En réécrivant quelque peu l'histoire: expliquer qu'il a trouvé une situation budgétaire dégradée en arrivant au pouvoir, et qu'il a alors dû augmenter fortement les impôts, après avoir renoncé à tort à la TVA sociale instaurée par Nicolas Sarkozy, c'est arranger la vérité.

En fait, Hollande a fait ce qu'il avait annoncé. Tous ceux qui ont protesté à l'été et à l'automne 2012 contre le coup de bambou de fiscal voté par le parlement, se montrant surpris, avaient soit mal suivi la campagne présidentielle soit refusé de croire à ce programme. Mais, s'agissant de fiscalité, François Hollande, qui a travaillé quasiment en tandem avec Lionel Jospin de 1997 à 2002, s'est montré on ne peut plus jospinien : il a fait ce qu'il avait dit.

La couleur avait été annoncée

Dès le mois de septembre 2010, alors qu'il n'était rien ou presque - toute la gauche pariait sur une candidature Strauss-Kahn à la présidentielle- il déclarait dans une interview à La Tribune "que la gauche devait dire quels impôts elle allait augmenter".

Et, à l'occasion de  son "grand" discours du Bourget, celui où il a dénoncé « ennemie la finance », il avait annoncé la couleur: les niches fiscales seraient remise en cause, et ce à hauteur d'une trentaine de milliards d'euros. Peu après, le jour de la présentation de son programme, le 26 janvier 2012, les politiques experts en économique que s'était attaché François Hollande -Jérôme Cahuzac et Michel Sapin- dévoilent à quelques journalistes le programme fiscal, avec un luxe de détails étonnant pour une campagne présidentielle : le compte y est.
On sent que François Hollande a mis sa patte. Et, quand, en pleine compétition, le candidat sent le vent tourner, il sort de sa manche une proposition fiscale choc : la taxation à 75% des très hauts revenus.

Un programme mis en oeuvre

Bref, quoi qu'il ait été dit, personne n'a été pris en traître: François Hollande avait bien annoncé la œuvre de la plus forte hausse d'impôt jamais vue en un laps de temps si court -seul Raymond Barre les a accrus autant, pendant le septennat de Valéry Giscard d'Estaing, mais ce fut plus étalé- . Et, grosso modo, ce qui avait été annoncé a été mis en œuvre. Et nombre d'experts de Bercy ont été étonnés de voir le président de la République se pencher avec soin sur le moindre détail de chaque mesure , d'où le surnom dont le chef de l'Etat a parfois été affublé par les hauts fonctionnaires : le fiscaliste de l'Elysée. Les moins méchants évoquaient la présence du véritable ministre des Finances, non à Bercy, où 7 ministres s'écharpaient avant l'arrivée de Manuel Valls en avril, mais à l'Elysée. Un ministre des Finances ayant bien sûr pour nom François Hollande.

Des conséquences macro-économiques non anticipées

S'agissant des conséquences d'un tel programme, c'est une toute autre histoire. Inspiré surtout par des experts d'obédience libérale, dans la mouvance des thèses bruxello-berlinoises, François Hollande n'a pas voulu croire ce que de nombreux économistes keynésiens lui disaient dès le printemps 2012 : que cette ponction fiscale allait briser tout espoir de reprise, et empêcherait du coup d'atteindre le but fixé, à savoir la réduction des déficits publics. Et c'est effectivement ce qui s'est passé.

Trop d'impôt tue la croissance... et l'impôt

En 2013, les recettes fiscales ont été largement inférieures aux prévisions, comme le prévoyaient les keynésiens. Du coup, loin d'être réduit de 5,1% du PIB en 2011 à 3% en 2013, comme annoncé par Hollande -c'était là un engagement essentiel de son programme, le « redressement dans la justice » -, le déficit public n'est redescendu qu'à 4% de la richesse nationale en 2013.
A l'échec macro-économique, s'est ajouté un autre phénomène non anticipé par Hollande, la montée dans la presse, et d'une façon moins précisément mesurée, dans l'opinion, du thème du « ras le bol fiscal ». Il est vrai que, dès la fin août 2013, le ministre de l'Economie d'alors, Pierre Moscovici, employait cette expression, destinée à préparer l'annonce d'une stabilité des prélèvements obligatoires en 2014. Las... cette stabilisation ne valait que globalement, et surtout pas pour les ménages...

Au total, François Hollande aura augmenté les prélèvements obligatoires de plus de trente milliards d'euros (pas loin de 2 points de PIB), après une ponction fiscale quasiment équivalente imposée par Nicolas précédemment. En trois ans, de 2010 à 2013, les prélèvements obligatoires auront augmenté de 3,5 points de PIB (du jamais vu), les prélèvements se stabilisant à compter de 2014.
Avec une certaine ironie du sort, la fiscalité, domaine de prédilection de François Hollande, sur lequel il avait entamé sa pré-campagne, estimant que les Français avaient avant tout soif de justice sociale et fiscale, moyen de relance dans la compétition électorale, fin février 2012, est ainsi devenue un véritable boulet pour le président socialiste.

Une baisse des inégalités

Le président sortant n'est même pas crédité d'une certaine réussite s'agissant de la lutte contre les inégalités. Et pourtant, il les a effectivement réduites, un objectif largement partagé par les organisations internationales comme par beaucoup de penseurs libéraux -The Economist s'inquiète régulièrement de la montée des inégalités. Mesurées par l'indice de Gini, le niveau des inégalités est passé de 0,306 en 2011 à 0,285 en 2015, selon les derniers calculs de l'Insee. Les inégalités sont donc revenues à leur niveau du début des années 2000. Et la politique de François Hollande, consistant à imposer plus fortement, surtout,  les 10% de Français les plus aisés, n'y est pas pour rien. Quand il a baissé l'impôt sur le revenu, ce qui a été le cas chaque année depuis 2015, François Hollande a réservé cette baisse aux classes moyennes inférieures, contrairement aux pratiques antérieures. Il a en outre diminué les allocations familiales au delà de certains plafonds, mesure qui a touché principalement les 20% de foyers les plus aisés.

En revanche, les 10% de ménages les moins aisés ont bénéficié notamment de la revalorisation des minima sociaux. Alors que les inégalités avant redistribution sont, en France, parmi les plus élevées des pays industriels, la fiscalité et la politique sociale les ramènent à un niveau un supérieur à celui des pays nordiques, mais bien en deçà des niveaux anglo-saxons. François Hollande a accentué cette particularité française.

Ivan Best
Commentaires 3
à écrit le 06/12/2016 à 12:09
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LA DIMINUTION DES IMPOTS DES PLUS FAIBLES A ETE LA REFORME LAPLUS INTELLIGENTE DU GOUVERNEMENT HOLLANDE? CAR IL A REDONNE DU POUVOIR DACHAT AU PLUS FAIBLE ECONOMIQUEMENT/ SI SEULEMENT LES MAIRE POUVEZ EN FAIRE AUTANT CE SERAIS BIEN AUSSI./ CAR DE CE ...

à écrit le 03/12/2016 à 23:20
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HOLANDE N A PAS PU AUGMENTE LES SALAIRES SE N EST PAS DE SA CAPACITE DE PRESIDENT/ MAIS IL A FAIS BAISSE LES IMPOTS DE 2 MILLIONS DE BAS REVENUS ET CELA A PERMIS D AUGMENTE LE POUVOIR D ACHAT DES PLUS FAIBLES ECONOMIQUEMENT? SES QUELQUES REFORMES SUP...

à écrit le 02/12/2016 à 20:26
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"François Hollande a augmenté les impôts, lourdement. Mais, en contrepartie, il a su diminuer les inégalités" pour les impôts d'accord on en payent vachement plus... Par contre pour la baisse des inégalité vous pouvez nous dire lesquelles? Moi je voi...

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